Des attentats attribués aux islamistes de Boko Haram ont causé la mort de plus de 50 personnes, mercredi, au Nigeria et au Cameroun. Au même moment, le président nigérian, Muhammad Buhari, obtenait le soutien des Etats-Unis pour lutter contre le groupe islamiste et coordonner une nouvelle force militaire régionale. «Le Cameroun a déjoué plusieurs attentats dans certaines grandes villes. Les autorités locales ont jusqu'ici réussi à contenir des kamikazes. Dans cette lutte contre Boko Haram, il est préférable de ne pas trop communiquer, quelles que soient les conséquences. La population est choquée, mais des campagnes de sensibilisation sont menées par des associations afin d'expliquer la situation et adopter rapidement des réflexes de survie», explique Jean-Marie Diehl, politologue et expert camerounais en sécurité, basé au Nigeria depuis une quinzaine d'années. «Le Cameroun ne dispose pas de grands moyens pour se défendre, même si la lutte est acharnée. Le gouvernement a compris que depuis que Boko Haram a fait allégeance à l'Etat islamique (Daech), il évite toute confrontation sur le terrain et privilégie les attentats-suicide. Cependant, il faut reconnaître que la récente élection du président nigérien Buhari a donné un souffle nouveau à la coopération régionale. Le Cameroun et le Nigeria ont une importante frontière, ils ont tout à gagner en luttant ensemble», affirme-t-il. Des attentats attribués aux islamistes de Boko Haram ont causé la mort de plus de 50 personnes mercredi au Nigeria et au Cameroun, illustrant la capacité de nuisance toujours considérable du groupe en dépit d'une opération militaire régionale. Au Cameroun, deux jeunes filles kamikazes ont tué au moins 11 personnes en se faisant exploser à Maroua. Capitale de la région de l'extrême nord et centre opérationnel du dispositif militaire mis en place par le Cameroun dans sa lutte contre Boko Haram, Maroua est une cible symbolique. Ville commerçante jadis animée et majoritairement peuplée de musulmans, elle vivait déjà dans la peur et sous étroite surveillance militaire depuis des mois. INSURRECTION La circulation des deux-roues, connus pour être le moyen de transport privilégié des islamistes, était notamment interdite dès la tombée de la nuit. Des sources sécuritaires avaient affirmé que de nombreux sympathisants, mais aussi des membres du groupe islamiste avaient infiltré la ville et fournissaient des renseignements à leur chefs. Il s'agit du deuxième attentat-suicide au Cameroun en dix jours. Le 12 juillet, deux femmes kamikazes s'étaient fait exploser à Fotokol (Nord), localité frontalière du Nigeria, tuant 11 personnes dont 10 civils et un soldat tchadien. Les autorités de la région avaient dans la foulée interdit le port du voile islamique intégral par mesure de sécurité. Cette semaine à Gombe, dans le nord-est du Nigeria, quelque 42 personnes ont été tuées dans l'explosion de plusieurs bombes dans deux gares routières. Les premières explosions ont eu lieu à 19h30 locales près de l'entrée de la gare de Dadin Kowa, alors que le secteur de Dukku a été secoué 20 minutes après. Il était impossible de déterminer, mercredi soir, si ces explosions étaient liées à des attentats-suicide ou si les lieux avaient été piégés. Ces attaques semblent porter le sceau du groupe islamiste Boko Haram, qui a visé dans le passé des gares routières bondées, des mosquées et des églises au cours de ses six années d'insurrection. Peu avant, Boko Haram avait publié une nouvelle vidéo sur Twitter, dans laquelle le groupe affirme ne pas avoir été vaincu et menace : «Nous viendrons de là où vous ne vous attendez pas, plus forts qu'avant.» Le double attentat au Cameroun n'avait pas été revendiqué mercredi soir. CONTINGENTS Le président camerounais Paul Biya a condamné des actes «lâches et ignobles perpétrés contre des populations innocentes». Il a appelé la population à la «vigilance» et à une «collaboration étroite avec les forces de sécurité», promettant «la mise hors d'état de nuire de ces criminels sanguinaires». Le Cameroun participe, avec plusieurs pays voisins, à une coalition militaire régionale mise sur pied début 2015 contre Boko Haram. Cette nouvelle force régionale sera entièrement opérationnelle d'ici la fin du mois ; c'est ce qu'a révélé le président nigérian Muhammadu Buhari aux médias américains : «Nos nouveaux chefs militaires n'ont pas été choisis pour leurs accointances avec les membres du gouvernement, comme c'était trop souvent le cas par le passé, mais pour leur bonne réputation et leurs qualifications (…) tout comme il a été crucial d'instaurer une gestion correcte dans les domaines militaires avant de nous lancer dans la bataille contre Boko Haram.» En plus du Nigeria, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Bénin ont également fourni d'importants contingents. «Ce n'est qu'à travers cette coalition militaire soutenue par les USA que les pays africains pourront éradiquer définitivement Boko Haram. Toutefois, je pense sincèrement que les autres pays devraient également apporter leur contribution. Je pense à l'Algérie, au Niger et au Mali. Il est important d'avoir une vision globale du conflit, puisque la menace est la même», analyse Jean-Marie Diehl.