Abdelmalek Sellal s'est livré à un exercice d'équilibriste lors de l'émission «Hiwar Essaâ» (débat de l'heure) diffusée par la Télévision publique ENTV. Au moment où tous les voyants économiques donnent des signes d'inquiétude, le Premier ministre, chantre ces dernières années de l'Etat-providence, s'est présenté face aux Algériens pour dissiper leurs craintes. Dans un discours qui se voulait empreint de «vérité», M. Sellal a annoncé les mesures prises par le gouvernement et validées la veille lors d'un Conseil des ministres présidé par le président Bouteflika. Sans surprise, il a annoncé la décision du gouvernement «de rationaliser les dépenses sans pour autant aller vers une politique d'austérité» car pour lui, «les acquis sociaux des Algériens sont irrévocables». De même, le Premier ministre a voulu rassurer la classe ouvrière ; il a affirmé que la rationalisation des dépenses, l'ajournement de certains projets non urgents et la réduction des nouveaux postes de travail dans certains secteurs n'ont pas amené le gouvernement à renoncer à sa politique de soutien des classes ouvrières ; pour preuve, l'entrée en vigueur de l'article 87bis du code du travail depuis janvier 2015. Les travailleurs, au nombre de 1,6 million, bénéficieront d'une augmentation de salaire à compter d'août prochain avec effet rétroactif depuis janvier 2015, soulignant que cette mesure coûtera au Trésor public 54 milliards de dinars. M. Sellal a également affirmé que l'Etat était déterminé à poursuivre sa politique de soutien aux jeunes investisseurs, notamment à travers l'Ansej, à condition que les investissements soient générateurs de richesses et rentables «pour éviter le gaspillage», a-t-il insisté. Dans un autre registre, le Premier ministre a confirmé la démarche des autorités en direction de la sphère informelle, qualifiée d'«économie parallèle mais non illicite» et espère parvenir à la «légaliser» à la faveur des décisions prises dans le cadre de la LFC 2015. «Nous ciblons quelque 700 millions à un milliard de dinars actuellement dans l'économie informelle, qui pourraient être inclus dans l'économie officielle», a t-il reconnu. Le gouvernement est décidé à remettre dans le circuit bancaire les quelque 3000 milliards de dinars qui échappent à tout contrôle. Pour cela, une réunion doit se tenir avec les P-DG des banques pour étudier les dispositions à mettre en œuvre pour capter cet argent. Le but étant, par ailleurs, de faciliter le crédit à l'investissement en vue de créer des richesses et d'impulser l'économie. Lors de son intervention, M. Sellal a annoncé la suppression des commissions de daïra en charge des dossiers de cession des logements au profit des locataires ; le gouvernement a opté pour une relation directe entre les OPGI et l'acquéreur pour arriver à une cession rapide de milliers de logements, dont seulement 48 000 ont été vendus sur un total de 650 000. Un allégement des procédures qui permettrait, selon l'intervenant, de financer «la construction de nouveaux logements sociaux au lieu de recourir, comme toujours, au budget de l'Etat». Le Premier ministre a, en outre, plaidé pour la rationalisation de l'utilisation de l'énergie notamment le carburant et pour la réduction du gaspillage en créant l'esprit de «citoyenneté économique» chez tous les Algériens et en «intensifiant les efforts pour mieux contrôler ces énergies et combattre la négligence», sans pour autant préciser quelles mesures le gouvernement comptait mettre en place pour ce faire. Il n'en demeure pas moins qu'avec des revenus pétroliers en baisse de 47% durant le premier trimestre 2015, le Premier ministre sait très bien que l'Algérie ne pourra pas éviter une politique d'austérité si le prix du baril devait se situer autour des 60 dollars. Pour l'heure, le régime croise les doigts et espère une remontée des cours en 2017… dans le meilleur des cas. En dépit de ces données, M. Sellal reste optimiste pour l'avenir. Car pour lui, «les décisions du président Bouteflika ont permis d'anticiper et de mieux affronter la crise» et «nos réserves en dollars se maintiennent à un niveau élevé». Des réserves de change qui permettront à l'Algérie «de couvrir 26 mois d'importations au rythme actuel sans aucun problème», a-t-il indiqué.