Le dernier remaniement ministériel, au-delà des questions qu'inspirent son timing et sa finalité, suggère des interrogations particulières sur le cas du désormais ex-ministre du Commerce, dont la «loyauté» envers le cercle présidentiel ne s'est jamais démentie ces dernières années. Un remaniement ministériel énigmatique et un large mouvement dans le corps des walis effectués en deux temps. Le tout en 24 heures. Ces décisions annoncées, mercredi et jeudi derniers, par la présidence de la République intriguent plus d'un. Notamment ce «léger remaniement ministériel» en vertu duquel a été renvoyé l'un des proches fidèles du clan présidentiel, en l'occurrence le ministre du Commerce, Amara Benyounès. Ces annonces inattendues suscitent encore des interrogations. Quelle est l'utilité de ce remaniement gouvernemental qui intervient deux mois après le lifting qui a conduit au remerciement d'un certain nombre de ministres ? Pourquoi renvoyer Amara Benyounès qui a pourtant fait preuve d'un excès de zèle quand il s'agissait de défendre le président Bouteflika et son clan, notamment à l'occasion de la présidentielle de 2014 ? Il n'y aura certainement pas d'explication officielle sur ce remaniement, même si la nomination d'El Hadi Ould Ali à la tête du ministère de la Jeunesse et des Sports s'explique par le souci de remplacer Abdelkader Khomri, qui se trouve en France en raison de sa maladie. Mais plusieurs éléments qui se sont succédé, ces dernières semaines, prouvaient qu'Amara Benyounès ramait dans la direction contraire que le reste du gouvernement. Le premier est ce «lâchage» dont il a fait l'objet de la part du Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Ce dernier, en voulant satisfaire les islamistes et les conservateurs, qui ont pourtant donné le sens qu'ils voulaient à la mesure du ministère du Commerce concernant le commerce de gros des boissons alcoolisées, a préféré lâcher son ministre. Abdelmalek Sellal est intervenu après plusieurs semaines de lynchage médiatique contre Amara Benyounès qui était l'œuvre de journaux proches des partis islamistes, pour annuler la mesure en question. Le Premier ministre n'avait témoigné aucun soutien et aucune solidarité à son collègue. Alors que tout le monde pensait que le ministre du Commerce allait quitter le gouvernement, il a été maintenu à l'occasion du remaniement du mois de mai dernier. Mais ses rapports avec le reste du staff gouvernemental n'étaient plus les mêmes qu'avant cet épisode de la libéralisation de la vente de gros d'alcool. Le clan commence à abandonner les siens Amara Benyounès a défendu encore des positions différentes de celles prônées par l'Exécutif. La plus remarquable intervention est celle relative à l'implantation de l'usine du constructeur automobile français, Peugeot en Algérie. Il avait affirmé, au moment où les responsables français de l'entreprise évoquaient un projet à l'étude, que «le gouvernement n'était pas au courant de l'existence de ce dossier». Un dossier annoncé par le président français, François Hollande, à l'occasion de sa visite en Algérie le 15 juin dernier. La contradiction lui a été apportée par le ministre de l'Industrie, Abdessalem Bouchaoureb, qui, à partir de Jijel où il était en visite, a même donné la date de l'éventuelle ouverture de cette usine Peugeot. Croyant avoir carte blanche du président Bouteflika, Amara Benyounès s'est permis également de déclarer la guerre aux «importateurs frauduleux» et aux «concessionnaires étrangers qui transfèrent illégalement des devises à l'étranger». Un rapport accablant a même été envoyé au Premier ministre, mettant en cause «trois concessionnaires étrangers, dont deux français». Ces éléments pourraient être à l'origine de ce limogeage. Cependant, cette sortie très peu glorieuse avait été déjà réservée à d'autres membres et proches du clan présidentiel. Et parfois sans raison. L'on se souvient de la mise à l'écart de Noureddine Yazid Zerhouni, de Daho Ould Kablia, de Hamid Temmar et surtout de Abdelaziz Belkhadem qui a été excommunié après avoir été rappelé pour faire campagne en faveur du 4e mandat. La pratique a été, semble-t-il, réactivée pour chasser Amara Benyounès qui, jusque-là, pensait qu'il faisait partie du plus proche cercle présidentiel. Il devra ainsi comprendre que «la roche Tarpéienne est près du Capitole» et qu'avec le clan Bouteflika, la chute est souvent plus brutale que l'ascension.