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Les violences faites aux femmes : Une guerre de grande intensité
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Publié dans El Watan le 03 - 08 - 2015


Par Bouatta Cherifa

Professeur de psychologie clinique
à l'université de Béjaïa, membre de l'Observatoire contre les violences faites aux femmes (OVIFF)
En apprenant, par le biais de la presse, que la loi criminalisant les violences contre les femmes a été rejetée par certains représentants du peuple et que son examen a été différé au Sénat, toute personne sensée est en droit de s'interroger sur les arguments que les opposants à la loi peuvent avancer pour rejeter une loi visant à protéger les femmes victimes de violences conjugales.
Or, l'Etat, toutes institutions confondues, a le devoir de protéger les citoyens et particulièrement les plus vulnérables d'entre eux, c'est-à-dire les femmes et les enfants. Un des arguments avancés par les opposants serait que cette loi fragiliserait la famille.
Argument fallacieux, selon nous, car veut-on construire des familles sur les violences, l'humiliation, l'oppression, le mépris de certains de ses membres ? Ceux qui pensent défendre la famille en rejetant cette loi se trompent, car les violences intra-familiales portent atteinte à la santé physique et psychique des femmes.
Et ceci a plusieurs conséquences : une mère violentée est une mère malade, dépressive, incapable d'investir ses enfants, de s'occuper d'eux, de les accompagner dans leur développement cognitif et affectif.
Des enfants témoins de violences sont traumatisés par le spectacle du père battant leur mère. Ces traumatismes s'expriment par des troubles du comportement, de l'angoisse, des cauchemars, des difficultés scolaires, voire une déscolarisation…Des études sur des adultes violents montrent souvent que ces adultes ont été des enfants témoins de violences, voire des enfants de père violent (par identification à l'agresseur et par transmission transgénérationnelle).
En fait, en refusant cette loi, on contribue à développer toutes les formes de violences dans la société, car une société apaisée est une société respectueuse de tous ses membres. Et cela s'apprend et se construit à partir des modèles familiaux.
Je n'irais pas plus loin dans la discussion sur les violences faites aux femmes et leurs conséquences physiques et psychiques tant sur les femmes que sur enfants.
En fait, mon objectif est de verser dans ce dossier les résultats d'une recherche qui a porté sur les femmes victimes de violences conjugales et de montrer, à ceux qui ne sont pas encore convaincus que les violences faites aux femmes doivent être condamnées avec la plus grande fermeté pour justement protéger la famille et ses membres les plus fragiles.
C'est un truisme que de rappeler que les violences faites aux femmes sont un phénomène universel qui touche tous les pays : pays développés, pays du Sud, pays de culture judéo-chrétienne, pays de culture musulmane.
C'est là une répétition difficile à entendre car tous les rapports que nous lisons, qu'ils soient des documents d'instances internationales, d'associations de femmes algériennes ou d'ailleurs, insistent sur ce rappel. Il est vrai que quand on lit les statistiques fournies par les différents organismes de l'ONU ou des associations de femmes, on est toujours choquées par les violences que les femmes subissent.
Nous constatons, en effet, que les femmes peuvent être battues par leur père, leurs frères, leurs fils, leur fiancé ou compagnon, leur conjoint. Mais, rappel exaspérant, toutefois, parce qu'il peut contenir implicitement quelque chose comme : puisque c'est un phénomène universel, il est presqu'inéluctable et puisque les pays «avancés» (c'est nous qui le soulignons) ne sont pas parvenus à le combattre comment peut-on imaginer qu'un pays comme l'Algérie puisse le faire ?
Ceci dit, les instances internationales tirent la sonnette d'alarme, car le phénomène est très répandu et il a des conséquences très graves sur la santé des femmes, menant parfois au suicide ou à son assassinat par le conjoint.
Beaucoup des femmes que nous avons rencontrées vivent de profondes dépressions, sont traumatisées, développent des idées suicidaires ou ont fait des tentatives de suicide. Les violences faites aux femmes sont, selon nous, une question de santé publique et éminemment politique. Précisons, avant de continuer, que nous n'allons pas nous intéresser aux chiffres de la violence conjugale dans le monde ou dans notre pays (ces chiffres sont souvent ressassés, instances internationales, associations de femmes, institutions…).
Ce qui constitue notre angle d'étude ce sont les «paroles de femmes victimes de violences conjugales».
Précisons qu'il s'avère très difficile de contacter des femmes victimes de violences conjugales, car pour la plupart d'entre elles, il s'agit de ne pas divulguer un «secret familial».
Même si elles se retrouvent dans un centre d'accueil pour femmes en détresse, elles refusent le plus souvent de se livrer. La honte, la culpabilité constituent souvent des résistances qui les empêchent de se confier à des inconnu(e)s, c'est-à-dire aux psychologues chercheurs(ses).
Les femmes que nous avons rencontrées se trouvaient au service de médecine légale. Et là, ce sont des médecins que nous connaissons personnellement qui nous ont permis d'accéder au service et de solliciter les femmes venues faire constater l'état physique dans lequel elles se trouvaient suite aux coups infligés par le conjoint. L'état psychologique dans lequel elles sont n'est pas pris en considération par la législation en vigueur, même si les femmes sont dans un état de détresse psychique avancé.
Nous avons rencontré 100 femmes avec lesquelles nous avons eu un entretien. Il est vrai que dans la salle d'attente, dans l'état physique et psychique dans lequel elles étaient, il leur était difficile de se rendre disponibles.
Pour nous aussi, la situation n'a pas été facile, nous étions très gênées, devant tant de souffrance, de penser à la recherche, mais en même temps nous n'avions pas d'autre possibilité de rencontrer des femmes qui feraient partie de notre étude. Il y a là un vrai problème éthique que nous avons essayé de résoudre en proposant une aide psychologique, une orientation vers des services spécialisés, voire vers des associations de femmes, si elles en éprouvaient le besoin.
Il faut dire que d'autres institutions d'accueil des femmes victimes de violences conjugales ont refusé de nous présenter des femmes vivant ce type de situations. Là-aussi, pour des problèmes éthiques.
- L'âge : on relève que les violences peuvent concerner des jeunes femmes comme des femmes plus âgées (61 ans et 24 ans, pour ne citer que la plus jeune et la plus âgée de notre population). La conception traditionnelle qui veut qu'avec l'âge le couple se stabilise et que le mari deviendrait plus «sage» en vieillissant est ici tout à fait infirmée.
- La durée du mariage, qui fonctionne aussi avec la variable âge (plus on est âgé, plus la durée du mariage est longue) ne met pas à l'abri les femmes, puisque même après 37 ans de mariage, la femme peut encore recevoir des coups. Mais l'âge ne correspond pas toujours à la durée du mariage, puisque nous avons constaté que des femmes jeunes peuvent se marier avec des hommes beaucoup plus âgés qu'elles (par exemple, 37 ans pour la femme, 61 ans pour l'homme).
Cependant cela ne concerne que deux femmes de notre groupe d'étude. On peut observer que des femmes ayant vécu plus de 30 ans avec le mari ont toujours été battues. On pourrait évidemment se poser la question de savoir pourquoi elles restent avec de tels hommes... Nous verrons plus loin les réponses qu'elles donnent et les hypothèses qui peuvent être avancées pour expliquer cette situation.
- Le niveau d'instruction : on peut constater que le niveau d'instruction varie du primaire au secondaire et que certaines, parmi les plus âgées, sont analphabètes. Parmi celles qui ont un niveau secondaire, l'une d'entre elles travaille (enseignante au collège) et une autre travaillait mais a quitté son emploi lorsqu'elle a eu des enfants. Deux femmes n'ont jamais fréquenté l'école.
- La résidence : 14 femmes déclarent disposer d'un logement autonome, c'est-à-dire résidant ailleurs que dans le logement des beaux-parents ; par contre,15 habitent avec la belle-famille, voire avec la famille élargie (beaux-parents, enfants mariés et leur enfants…). On peut remarquer que le fait d'habiter avec la belle-famille ou séparée d'elle ne protège pas contre la violence, même si certaines femmes accusent la belle-mère de jalousie et qu'elle serait l'instigatrice du comportement violent du mari.
- Profession du mari - niveau d'instruction : l'hypothèse sous-jacente étant est-ce que le niveau d'instruction du mari, la nature de son travail jouent un rôle dans les violences développées à l'égard de l'épouse. En regardant le tableau, on peut constater que la majorité des conjoints sont ouvriers (11) donc ont un niveau d'instruction bas (primaire ou moyen) ; en deuxième position on trouve les chômeurs, là aussi le niveau d'instruction est bas. On peut remarquer qu'il y a un architecte (niveau universitaire mais chômeur), sa femme dit de lui qu'il est «incapable et instable», ainsi qu'un enseignant (au niveau primaire)…
Quant à la profession des femmes, toutes sont des femmes au foyer, sauf trois : l'une est enseignante, une autre fait des ménages (c'est elle qui subvient aux besoins de la famille), une troisième vend des cosmétiques, des vêtements en faisant du porte-à-porte.
Si l'on reprend les caractéristiques de la population, on constate que la majorité d'entre elles ne travaillent pas, ont un niveau d'instruction moyen, voire primaire, certaines n'ont jamais fréquenté l'école (cela concerne surtout les femmes les plus âgées de la population). Les conjoints sont surtout ouvriers(26), bricoleurs (21), chômeurs (15), entrepreneurs (11), trafiquants (3)… — précisons que nous reprenons la catégorisation professionnelle avancée par les femmes interviewées.
Est-ce à dire que ces catégories sociales sont le plus touchées par les violences faites aux femmes ? Nous ne pourrions pas l'affirmer car le groupe d'étude est restreint. Mais nos consultations dans le cadre de la prise en charge psychologique et les études des associations de femmes révèlent que tous les milieux sont touchés.
Les catégories sociales supérieures empruntent d'autres voies de recours, on ne les rencontre pas au niveau de la médecine légale, un service où se retrouvent les personnes présentant des coups et blessures, ayant subi des attentats à la pudeur… où la mise à nu est de rigueur. Leur réseau relationnel et leur aisance financière permettent la mise en place d'autres stratégies.

A suivre


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