A l'heure où le Maroc a très largement déclassé l'Algérie en matière de vitiviniculture de qualité alors qu'il ignorait cette activité et où, en peu de temps, la Chine, un autre pays sans tradition vinicole, est devenue le deuxième producteur mondial, qu'en est-il exactement de la situation dans notre pays ? Il semblerait qu'il y ait péril en la demeure. Les vendanges vont sous peu commencer. Les grappes affichent une belle maturité et un degré suffisant. Des pieds de cuve, le levain pour démarrer la fermentation, ont été réalisés dans les caves viticoles en zones précoces. Une bonne production de raisin de cuve est attendue malgré une légère chute des rendements du fait de la chaleur excessive depuis début août. L'Office national de commercialisation des vins (ONCV) active dans une remarquable discrétion. La brutale éjection de Amara Benyounès du gouvernement en raison de la suppression d'une scélérate autorisation sur le commerce en gros des alcools a laissé des traces. Si l'on y ajoute les tonitruantes damnations à répétition proférées par un certain télé-prêcheur, on se doute des raisons du silence tant du côté de l'opérateur public que des transformateurs privés. Paradoxe, au plus fort du terrorisme, l'ONCV n'avait pas été autant qu'aujourd'hui sur ses gardes ! C'est en allant à la seule école d'agriculture de l'Ouest, l'Itmas de Aïn Témouchent, s'enquérir de la rentrée des études que nous avons surpris un conclave des responsables de l'ONCV avec les dirigeants des fermes. La semaine suivante, une autre rencontre a regroupé les cavistes de tout le pays, toujours à l'Itmas. Les échanges publics lors de ces rencontres comme les indiscrétions de quelques cadres laissent apparaître une situation préoccupante : l'ONCV dispose d'énormes stocks de vins invendus en raison d'une importation massive qui leur fait une concurrence déloyale. La seule issue pour la survie de l'Office, et à travers lui celle de la vitiviniculture algérienne, est d'arracher des parts d'un marché international extrêmement fermé, un marché sur lequel il a réalisé quelques brèches. Pour ce faire, l'urgence est d'investir dans des vins concurrentiels à l'export en privilégiant la qualité. Le deuxième axe est de reprendre une ancienne idée consistant à diversifier la production (jus de raisin, raisins secs, vinaigre, etc.) et en investissant selon des techniques nouvelles, plus productives, de raisin de table également pour le marché mondial, l'Algérie possédant des atouts climatiques qui lui permettent de produire à des périodes très favorables, au moment où de grands pays producteurs de raisin n'en proposent pas encore sur leur marché. Mais pour l'heure, ce sont les vendanges qui sont à l'ordre du jour. Le fer de lance de la «bataille de la qualité» est le potentiel viticole des fermes pilotes, qui est essentiellement fait de cépages nobles, sur 2500 des 20 000 ha de vignoble algérien. Petite parenthèse : Aïn Témouchent, la première wilaya viticole du pays, comptait, dans les années 1970, 60 000 hectares ! Par ailleurs, les cépages améliorateurs (syrah, merlot, pinot, etc.) ont été introduits par l'ONCV à partir des années 1999/2000 dans le cadre du PNDA dans ces fermes pilotes lorsqu'elles dépendaient de lui. Leurs gestionnaires ont été mis en demeure de livrer un raisin loyal et marchand, toute vendange ne répondant pas aux normes étant refoulée à l'entrée de la cave viticole. Le raisin leur est payé 5000 DA le quintal, soit nettement plus cher qu'en France ! Pour booster la qualité, le raisin n'est plus transporté à même les bennes des tracteurs, mais dans des bacs en PVC alimentaire. De la sorte, tout tassement des grappes, avec tout ce que cela entraîne comme dégradation, est évité. Enfin, dernière mesure, les vendanges des cépages améliorateurs doivent être transférées à la cave viticole de Selatna (Mascara) qui répond aux standards internationaux de vinification. Dans sa nouvelle stratégie, la semaine suivante, l'ONCV a réuni, toujours à l'Itmas, tous ses cavistes à l'échelle nationale. Il s'agissait cette fois de réunir les conditions optimales de vinification au niveau des unités de transformation tant pour ce qui est des mesures d'hygiène, que des multiples opérations de vinification, de conservation et de transport du vin. Par ailleurs, les vendanges et la vinification vont être encadrées par les directeurs centraux de l'Office, alors que tout le personnel des caves va être permuté de façon à mettre fin aux complicités qui facilitent la livraison de vendanges avariées. Et pour clore le cycle de remise à niveau des intervenants, une troisième opération concernera le personnel des chais de conditionnement, de filtration et de coupage. Ultérieurement, une formation sera donnée au personnel des fermes comme aux agriculteurs partenaires de l'ONCV pour ce qui est de la conduite d'un vignoble, en particulier pour ce qui est de la taille et du greffage dont les métiers se sont perdus, ce qui s'est traduit par des baisses de rendement des vignobles.