À quelques jours seulement du lancement de la campagne des vendanges, les parties concernées, que ce soit du côté des producteurs ou celui des transformateurs de raisin, affûtent leurs armes, selon les intérêts de chacun. L'Oncv fait partie des six transformateurs de vin au niveau de la wilaya et se taille la part du lion en raison de sa longue expérience et de sa présence historique par rapport à ses concurrents. L'office vient d'annoncer la couleur en fixant et les prix et la production à vinifier alors que les viticulteurs, eux, craignent le pire. Désormais, d'après Badaoui Djamel, directeur de l'Oncv au niveau de la wilaya de Aïn Témouchent, la production de raisin de cuve à vinifier a été plafonnée à 60 000 q avec une panoplie de cépages limitée et composée essentiellement de Carignan, Alicante, Grenache et Cinsault. Pour ce qui est des trois premiers cépages, le prix de la production de raisin a été fixé à 20 DA/kg alors que le prix du cépage Cinsault est de 17DA/kg contre 24 DA/kg, tous cépages confondus, fixé lors de la dernière campagne des vendanges. À ce titre, 6 caves ont été retenues pour cette opération pour laquelle seront affectées deux équipes d'ingénieurs de l'Oncv qui auront pour tâche la supervision de l'encépagement ainsi que le suivi de fabrication. Certaines indiscrétions font même état de la présence du directeur général de l'office, en personne, pendant toute la durée de la campagne des vendanges pour suivre de près son évolution. Si tel est le cas, disons que le déplacement du QG de l'Oncv vers l'Ouest, dans la mesure où les wilayas de Mascara, Mostaganem et Tlemcen sont concernées par l'opération, n'est pas fortuit et répond donc à une stratégie visant tout simplement à vérifier une production de meilleure qualité. Il n'est un secret pour personne que l'interdiction d'importation des vins, à travers un article de la loi de finances 2004, a été tout simplement levée, l'article en question a été abrogé dans le cadre de loi de finances de l'exercice suivant. Et c'est justement cette levée d'interdiction d'importation de vins qui a obligé les gestionnaires de l'EPE/Oncv de mettre les bouchées doubles pour faire face à une concurrence acharnée. Il n'est pas donc exclu que la quantité de raisin à vinifier, fixée à 60 000 q par l'Oncv, provoquera à coup sûr une levée de boucliers de la part des viticulteurs, notamment ceux qui se sont lancés dans la production de cépages autres que ceux exigés par l'Oncv, sachant que la production globale de raisin de cuve, à l'échelle de la wilaya, est estimée à 180 000 q, selon M. Badaoui contre 300 000, produits par les viticulteurs. Un chiffre jugé exagéré. Quoi qu'il en soit, au moins les deux tiers de la production chercheront preneur car, selon nos informations, les cinq autres transformateurs privés ne totalisent en définitive que 10 % de la capacité de vinification. D'où toute la problématique d'une mévente qui pèse sur les viticulteur comme l'épée de Damoclès. À ce sujet, le premier responsable de l'Oncv, au niveau de la wilaya de Aïn Témouchent, n'est pas passé par trente-six chemins pour expliquer le bien fondé de la décision de sa direction. “L'Oncv est condamnée à réussir son pari. L'enjeu est très important et l'Etat a consenti beaucoup de sacrifices pour son adhésion à l'Union européenne et prochainement à l'OMC. L'Oncv doit s'adapter aux nouvelles exigences du marché mondial ou disparaître. Le marché mondial du vin est un marché qui évolue, d'où l'exigence de la qualité. Le viticulteur doit adhérer à cette stratégie puisque des solutions soutenues par l'Etat ont été envisagées pour des opérations d'arrachage du vignoble de cépage Merseguerra, de moindre qualité, à hauteur de 3 millions de DA/ha et de surgreffage, avec une aide de l'Etat estimée à 25 DA/plan” , nous déclarera le directeur de l'Oncv. Ce dernier nous apprendra que la wilaya de Aïn Témouchent est caractérisée par une culture de qualité puisque les viticulteurs se sont lancés, improvisation oblige, dans la production du cépage Merseguerra et Cinsault qui représente 60% d'encepagement. “Pourquoi ne pas opter pour le Merlot, Cabernet, Pinot noir ou Syrah qui sont des cépages de qualité et dont le prix à l'hectolitre peut atteindre jusqu'à 20 euros ?” , s'est interrogé notre interlocuteur. M. Badaoui lancera à qui veut l'entendre que le marché mondial des vins connaît actuellement une surproduction. “L'exemple de la France est édifiant à plus d'un titre avec une surproduction estimée à 20 % et une chute de consommation du même taux”, ajoutera M. Badaoui. Par ailleurs, les viticulteurs, à travers la Chambre d'agriculture, multiplient les rencontres afin d'entreprendre des actions tendant à sensibiliser les pouvoirs publics pour faire revenir la direction générale de l'Oncv sur sa décision, celle d'augmenter la production de raisin à vinifier et d'élargir le choix à d'autres cépages de moindre qualité. Cependant, le directeur de l'Oncv, soucieux de préserver l'intérêt de son entreprise, ne l'entend pas de cette oreille et renvoie la balle aux viticulteurs dont les mentalités demeurent figées puisqu'elles n'ont pas évolué d'un iota. Pour M. Badaoui, “puisque d'autres caves sont disponibles, la coopérative peut jouer un rôle dans la prise en charge de ses adhérents. Donc, la solution du problème de la mévente se trouve entre les mains des viticulteurs eux-mêmes qui doivent se débarrasser du carcan de l'assistanat. Les viticulteurs peuvent, soit transformer eux-mêmes leur raisin à travers leur coopérative, et ce, à l'image de la coopérative de Mostaganem qui vient de réussir son pari, soit opter carrément pour la commercialisation du Cinsault frais au prix du 40 DA/kg au lieu de le céder à l'Oncv à bas prix (17DA/kg). L'opportunité se présente aujourd'hui puisque le marché du raisin frais est juteux en Algérie”. Enfin, rappelons que lors de la campagne écoulée 105 000 q ont été vinifiés à 10° et 11° alors qu'un bon millésime doit tourner autour de 12,5° couvert. M. Laradj