Le gouvernement a adopté de nouvelles dispositions pour l'élargissement de la sécurité sociale aux employés de l'informel. Les contours de ces nouvelles mesures apparaissent dans la loi de finances complémentaire 2015, «en attendant les dispositions d'application», indique-t-on au ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Ces mesures prévoient l'élargissement du champ de couverture de la sécurité sociale par la mise en place d'un nouveau dispositif instituant l'affiliation volontaire des personnes actives occupées, non assujetties au regard de la législation en vigueur, autrement dit permettre aux employés exerçant dans l'informel d'accéder aux prestation de la caisse nationale de la Sécurité sociale, en premier lieu, avant de régulariser progressivement leur activité et bénéficier d'autres couvertures sociales, comme la retraite. Les employés dans les secteurs de la restauration, du bâtiment et autres artisans travaillant pour leur propre compte peuvent donc bénéficier de cette couverture sociale. «La loi prévoit une période de transition de trois ans avant que ces bénéficiaires soient soumis au régime de la Casnos ou CNAS après régularisation de leur situation», explique M. Challal, responsable de la cellule de communication du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. Ce dernier explique que «ces nouvelles dispositions ont pour objectif d'inciter les artisans et autres travailleurs de l'informel à ‘se familiariser' avec le dispositif de la Sécurité sociale avant d'y adhérer complètement en bénéficiant de couverture de retraite». Les dispositions de la loi de finances complémentaire stipulent que l'affiliation de cette catégorie de personnes actives occupées donne lieu à une couverture sociale, ainsi que pour leur famille, en matière de prise en charge des prestations en nature de l'assurance-maladie et maternité au profit de cette catégorie ainsi que leurs ayants droit, «moyennant le versement d'une cotisation à la charge des intéressés». Des employeurs dans le viseur Le taux de cotisation à la charge de cette catégorie est fixé à 12%, assise sur une assiette égale au SNMG. Ce dispositif est prévu pour une période transitoire de trois années durant laquelle le bénéficiaire est tenu d'intégrer le régime obligatoire de Sécurité sociale (CNAS ou Casnos). Ces dispositions de facilitation d'accès aux prestations de la Sécurité sociale sont accompagnées d'autres mesures plus restrictives à l'égard des employeurs qui ne procèdent pas à la déclaration de leurs employés. Ainsi, l'amende prévue de 10 000 à 20 000 DA a été portée à un montant compris entre 100 000 et 200 000 DA par travailleur non affilié. La loi accorde un délai de deux mois aux employeurs récalcitrants pour se conformer à la législation. Le même texte promet l'exonération des majorations et pénalités de retard de versement des cotisations principales dues par les employeurs qui auront régularisé leur situation durant la période de 60 jours après la publication de la loi de finances complémentaire 2015. 42% des travailleurs non déclarés Le système de Sécurité sociale est actuellement menacé au vu du nombre important des emplois qui se développent loin du circuit officiel. Une enquête, menée par l'Office national des statistiques sur l'emploi et le chômage rendue publique en 2014, révèle l'énorme étendue de ce phénomène qui touche 42,4% des travailleurs sondés par l'organisme. La non-affiliation à la Sécurité sociale touche l'ensemble des secteurs d'activité économiques du secteur privé. 72,1% de l'emploi total dans le privé est au noir. Cependant, précise la même enquête, «certaines branches sont plus touchées que d'autres, notamment l'agriculture (85,3%) et le secteur du BTP (75,6%), ainsi que le commerce (63,7%), le transport (42,9%) et les industries manufacturières (41,6%)». Le travail au noir touche moins les femmes (il ne représente que 27,7% de l'emploi féminin), alors qu'il constitue 45,6% de la main-d'œuvre masculine, selon l'ONS. Rappelons aussi que selon la même source, les travailleurs non affiliés à la Sécurité sociale sont issus d'une population essentiellement jeune et sans qualification. 88,2% des jeunes âgés entre 15 et 24 ans travaillant dans le secteur privé ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale. Ce taux diminue à mesure que s'élève l'âge pour atteindre 60,9% chez les travailleurs âgés de 55 ans et plus. Des représentants d'établissements de restauration, fortement touchés par le travail non déclaré à la Sécurité sociale, appellent à la révision de certains points liés à l'organisation des congés et le rythme de travail dans certaines activités. «Il faut qu'il y ait une coordination avec le ministère du Commerce. De nombreux employeurs se cachent derrière le caractère spécifique de leur activité pour embaucher des travailleurs saisonniers ou pour le travail nocturne sans déclaration à la Sécurité sociale. Et faute de coordination entre le ministère ces aspects sont gérés arbitrairement, loin de tout contrôle», précisent-ils.