Le gouvernement est-il en train d'abandonner l'ancienne entreprise publique Alver d'Oran, spécialisée dans la fabrication de l'emballage de verre en observant un mystérieux silence sur le rachat de cette entité par l'américain Apollo ? Rachetée en 2011 par Verallia, filiale détenue par le groupe français Saint-Gobain, cette entreprise sera revendue à des fonds gérés par des filiales de l'américain Apollo Global Management. La cession est attendue pour la fin 2015. En Algérie, cela se passe en catimini ! Deux mois après l'annonce de cette OPA par Apollo, le gouvernement n'a pas annoncé s'il va faire ou non valoir son droit de préemption via le Fonds national d'investissement (FNI) pour racheter cette ancienne entreprise faisant partie, à l'époque, du groupe public Enava. Pourtant, ce même gouvernement a déjà fait valoir le droit de préemption à deux reprises dans des transactions similaires impliquant le groupe privé algérien Cevital. Alver qui était pourtant en très bonne santé a été rachetée, en 2011, par Verallia, spécialisée dans le conditionnement. L'accord a été conclu en grande pompe avec des promesses de redéploiement et d'expansion. Quatre ans plus tard, l'acheteur français est en passe de passer sous le contrôle de l'américain Apollo. En 2011, la filiale Verallia de Saint-Gobain, spécialisée dans l'habitat et des matériaux de construction, s'est engagée à «réaliser des investissements destinés à accroître les capacités de production et améliorer la performance du site, ainsi qu'à mettre en branle un plan de formation des salariés». 48 mois après, Alver changera de propriétaire. Sur le site à Oran, les 350 salariés sont sérieusement inquiets. «Nous n'avons même pas été officiellement consultés. Nous avons été informés verbalement de cette offre d'achat émanant des Américains», déplore un des syndicalistes. Deux poids, deux mesures Dans le principe, la transaction de la cession ne doit se faire qu'après consultation des organisations syndicales. Le syndicat d'Alver d'Oran sera-t-il consulté dans les quatre mois qui viennent, le groupe Saint-Gobain ayant annoncé la cession au profit de l'américain Apollo avant 2015 ? «Le gouvernement doit faire valoir le droit de préemption comme l'exige clairement la loi», réclame Djelloul Djoudi, député et secrétaire national chargé de l'information et de la communication au Parti des travailleurs (PT), que nous avons joint, hier, par téléphone. Saint-Gobain a ainsi annoncé, le 8 juin dernier, qu'il vendra sa filiale Verallia, numéro trois mondial des emballages en verre à l'américain Apollo Global Management. La cession ne devra se faire qu'après l'autorisation des autorités de la concurrence, notamment celle de la Commission européenne. Saint-Gobain a affirmé qu'il «est entré en négociations exclusives avec des fonds gérés par des filiales d'Apollo Global Management en vue de la cession de Verallia». Saint-Gobain précise avoir reçu d'Apollo «une offre d'achat de 2,945 milliards d'euros en valeur d'entreprise. Cette offre est ferme et irrévocable et ne comporte pas de condition de financement». «Apollo discute avec la banque publique d'investissement Bpifrance en vue de l'acquisition potentielle par celle-ci d'une participation minoritaire dans Verallia. Le choix de Saint-Gobain s'est porté sur Apollo en raison de la qualité de son offre, de son adhésion au projet industriel et de son soutien aux salariés de Verallia», poursuit le groupe Saint-Gobain dans un communiqué. La réalisation de l'opération est toutefois soumise à l'autorisation de certaines autorités de la concurrence, dont la Commission européenne. En 2011, Verallia a signé l'accord d'acquisition de la totalité du capital de la société publique Alver. Que prévoient les clauses contractuelles ? Pourquoi totalement, sachant que l'accord a été signé en 2011, soit deux ans après la promulgation de la loi de 2009 qui a instauré la fameuse règle des 51/49% ? Le ministre de l'Industrie de l'époque, Mohamed Benmeradi, avait expliqué que «Saint-Gobain avait totalement absorbé Alver bien avant l'entrée en vigueur de la mesure des 51/49%, introduite en 2009 par la loi de finances» (durant l'ère Temmar). Selon le cahier des charges, Saint-Gobain pourra revendre les actifs de cette entreprise dès janvier 2016, à condition de se référer au préalable au gouvernement algérien qui peut recourir à son droit de préemption. Saint-Gobain avait déjà acheté, en 2007, l'entreprise de plâtre et dérivés de Biskra. En 2006, le groupe français avait également acquis les deux tiers du capital de la société algérienne CM Gypso de Bouira. En 2013, Cevital s'était proposé à acheter les actifs de Michelin Algérie. Mais le gouvernement a rapidement fait valoir son droit de préemption, et le FNI a été mobilisé pour financer l'opération de rachat par l'Etat de cette entreprise. Une année après, la Cosob avait exercé «un droit de préemption» en suspendant l'entrée de Cevital dans le capital de NC Rouiba. La Cosob avait suspendu cette transaction entre Cevital et Afric Invest (détenteur de 15% des actions de NC Rouiba). Une action que des économistes ont qualifié à l'époque «d'aberration et de détournement de la réglementation boursière, la préemption sur des sociétés cotées en Bourse étant jugée un non-sens». Loin de tout aspect économique, la motivation était plutôt de bloquer, comme à l'accoutumée, Cevital.