Jamais la chanson de la diva libanaise Julia Boutros Win al Arab win ? (où sont les Arabes, où sont-ils ?) n'a été d'une actualité aussi brûlante. Lorsqu'elle l'avait chantée il y a de cela 20 ans, c'était pour crier sa douleur et dénoncer la lâcheté des régimes arabes face aux agressions israéliennes récurrentes contre les populations civiles libanaise et palestinienne. Aujourd'hui, le cri de Julia Boutros résonne à nouveau à nos oreilles lorsqu'on voit des femmes et des enfants syriens en file indienne sur les routes d'Europe ou lors d'opérations de sauvetage pour ceux qui ont eu la chance de survivre en Méditerranée. Ces images nous replongent dans l'histoire ancienne, lorsque, dans les années 1930, les juifs, fuyant les persécutions nazies, s'étaient répandus à travers les routes européennes pour échapper à une mort certaine. Dans leur désespoir et leur lutte pour la survie, ils avaient pu échapper à l'horreur grâce surtout à leurs coreligionnaires et à l'engagement de démocrates européens. Les Syriens revivent aujourd'hui les mêmes affres, dans le même espace. Cependant, ils n'ont pas trouvé les «frères arabes» pour leur tendre une main secourable, pour redonner un peu de vie et de sourire à ces victimes de la guerre. Ce sont des Etats européens, la société civile européenne, des «kouffar» voués aux enfers comme on dit chez nous et en terre d'islam en général, qui leur ont ouvert leurs cœurs et leurs portefeuilles. La charité chrétienne était là, la charité islamique s'était mise à regarder ailleurs. L'on a vu des réfugiés fuir la Turquie pour essayer de passer sur une île grecque, un pays durement touché par la crise, parce qu'ils étaient persécutés en terre d'islam. L'on a vu à Belgrade ces populations serbes partager en famille leurs repas avec les Syriens et inciter leurs enfants à jouer avec les petits Syriens pour leur faire oublier un peu leur drame. L'on a vu l'Allemagne, dont on dit pourtant qu'elle est dure de cœur, ouvrir grand ses frontières aux milliers de réfugiés qui se présentent à ses portes. Où sont les Arabes dans tout ça ? Inexistants ! Comme toujours, ils vivent sur une autre planète, tournent le dos à la réalité sans s'interroger sur le mépris avec lequel ils sont vus par le reste du monde, sans se soucier de leur dignité bafouée. La Ligue arabe reste totalement silencieuse et ne fait pas le moindre effort pour aider les sinistrés syriens et irakiens, alors que les Arabes, du moins leurs dirigeants, sont immensément riches. Pour souligner davantage leur lâcheté, ces derniers, menés par l'Arabie Saoudite, viennent d'exiger le report sine die d'une réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, programmée pour aujourd'hui, afin de créer une force commune pour lutter contre Daech. Hier, Ban Ki-moon s'est ému du drame vécu par les migrants en Méditerranée et a appelé à davantage de solidarité internationale. Les bateaux européens se sont mobilisés pour sauver les migrants. Aucun bateau arabe n'a jamais participé à une mission de sauvetage.