L'information s'est répandue comme une traînée de poudre. Le général Hassan, «Monsieur antiterrorisme» au sein du DRS, a été placé sous mandat de dépôt par le juge du tribunal militaire de Blida, jeudi dernier après des heures d'interrogatoire, apprend-on de source judiciaire, qui précise que les faits qui lui sont reprochés sont «nombreux» et vont «de l'insubordination à la création d'une organisation armée en passant par la rétention d'informations et la détention d'armes à feu» pour lesquels la peine encourue est la plus lourde et peut aller jusqu'à la condamnation à mort. Celle réservée aux chefs terroristes que le général a combattus durant des années, alors qu'il dirigeait l'unité d'élite du service de lutte contre le terrorisme et la subversion dépendant du DRS, laissée entre les mains d'un intérimaire depuis février 2014, après son brutal limogeage alors que de nombreux autres cadres des Services, notamment ceux qui se sont illustrés dans la lutte contre le terrorisme, se sont retrouvés sur la listes des retraitables à un âge compris entre 38 et 50 ans en vertu d'un texte de loi régissant la carrière des militaires promulgué en 2006, dont l'exécution n'a concerné, bizarrement, que les «indomptables», nous dit-on. Les circonstances du départ du général Hassan restent troubles. Néanmoins, certaines sources militaires affirment que l'affaire remonte au début de l'année 2014, «celle des règlements de comptes». «Le général a dépêché à la frontière algéro-malienne quelques-uns de ses éléments pour avorter une opération d'infiltration sur le territoire algérien d'un groupe de terroristes avec un arsenal d'armement. Accomplie dans la discrétion, la mission est entourée d'une totale discrétion. L'arsenal est récupéré. Mais sur le chemin du retour, l'équipe est arrêtée à un point de contrôle par des militaires. Ces derniers donnent l'alerte à leur supérieur, lequel leur donne l'ordre de les mettre aux arrêts. Le général Hassan saisit son chef, le général-major Toufik, qui était informé de la mission. Deux ou trois jours après, ordre est donné de relâcher l'équipe, défendue corps et âme par le général Hassan. Pour tout le monde, l'affaire était close. Mais, quelques mois après, celle-ci resurgit et est utilisée pour pousser le général à quitter son poste. Celui-ci exige une passation de consignes en raison des dossiers qu'il gère, mais l'état-major veut sa tête. Ce qui n'était au pire qu'une probable erreur professionnelle se transforme en une affaire de complot. Au mois de juillet 2014, un dossier ficelé est remis au tribunal de Blida, devant lequel le général est déféré. Le juge d'instruction le place sous contrôle judiciaire, alors que le procureur requiert le mandat de dépôt. Jeudi dernier, le mandat de dépôt a été mis à exécution. Pourquoi ? Dans quel but ? Aucune réponse claire n'est possible à ce stade», expliquent nos interlocuteurs. Si ces derniers n'ont pas trouvé de réponses à leurs interrogations, d'autres sources n'hésitent pas à évoquer les «luttes de clans» au sommet de l'Etat et la situation politique actuelle. Pour elles, «le général Hassan subit les dommages collatéraux» de cette guerre des tranchées entre El Mouradia et le DRS. Une arrestation et des interrogations C'était prévisible. Trois colonels de la gendarmerie ont été mis à la retraite, dont le colonel Chater qui aurait été pris dans une affaire de trafic de sable. Tous sont connus pour leur proximité avec le premier responsable de la Gendarmerie, qui lui-même reste un fidèle des fidèles du Président et de son frère. Le limogeage précipité de ses officiers de confiance ne pouvait rester sans conséquences. Réactiver l'affaire du général Hassan en ce moment précis, à l'approche de la rentrée sociale, est un coup dirigé contre le patron du DRS, à l'origine des enquêtes sur la corruption au centre desquelles se trouvent les hommes les plus proches du clan présidentiel, mais aussi de nombreuses autres investigations… Pour l'instant, aucune réaction n'a émané des proches et de la famille du général, qui espèrent que cette affaire «se dénoue rapidement et ne soit qu'un mauvais cauchemar». En tout état de cause, quelles que soient les raisons qui ont suscité l'arrestation du général Hassan, il n'en demeure pas moins que ce dernier a été, révèlent nombre de ses collègues, «une des figures de proue» de la lutte contre le terrorisme, mais aussi du contre-espionnage. «Son parcours est jalonné de nombreux succès qui ont valu à son unité des récompenses de la hiérarchie, notamment dans le domaine du contre-espionnage. Certains Services, comme ceux de la France ou du Maroc, sont certainement en train de jubiler aujourd'hui», déclare amèrement un de ses anciens cadres. En attendant, l'institution militaire reste muette sur cette affaire, qui risque d'aggraver le climat délétère qui pèse sur les troupes, au moment où elle a le plus besoin de renforcer les rangs pour mieux se consacrer à la protection du pays de toutes les menaces qui le guettent. Noureddine Aït Hamouda, ancien député RCD et chef patriote, est catégorique. Pour lui, l'arrestation du général Hassan «n'est qu'une suite logique de toutes les autres décisions prises depuis 2013. Il y a quelque temps, deux brillants colonels sortis de grandes universités européennes, héros de la lutte antiterroriste, ont été mis à la retraite à l'âge de 45 ans par des généraux-majors de 85 ans, sous prétexte qu'ils ont atteint l'âge limite de la retraite». Il n'hésite pas à revenir sur le limogeage des deux responsables de la garde présidentielle et de la Garde républicaine en disant qu'«ils ont été subitement limogés pour incompétence. Comment peut-on les déclarer incompétents alors qu'ils ont été décorés du grade de général-major ?» Aït Hamouda estime en outre qu'«au-delà de ce qu'on peut reprocher au général Hassan, son arrestation sent le règlement de comptes. Il fait partie de la longue liste des départs à la retraite, limogeages et, pourquoi pas, poursuites judiciaires et arrestation. Dans ce milieu, quand on cherche, on trouve. Lorsqu'on veut chercher des choses, on trouve. Cela a été le cas lors du limogeage des chefs de la garde présidentielle et de la Garde républicaine». L'ancien député met l'accent sur l'étrange coïncidence entre ces décisions et la sortie du chef terroriste Madani Mezrag. Pour lui, l'arrestation du général Hassan au moment où Madani Mezrag annonce la création d'un parti «n'est pas fortuite». Et d'ajouter : «Rien ne m'étonne si demain j'apprends que ce terroriste est décoré du grade de général pour diriger le service du général Hassan. Nous avons atteint une étape très grave. D'abord, la liquidation des Patriotes, après leur désarmement, puis la neutralisation de toutes les figures de la lutte antiterroriste et surtout les largesses accordées aux anciens terroristes qui sont mis au-devant de la scène politique, pour être utilisés comme un épouvantail afin de faire peur à la population. Ce qui s'est passé ces derniers jours en Kabylie est révélateur. Des pyromanes veulent allumer la mèche de la violence dans cette région et ailleurs. Ils veulent que le pays reste entre leurs mains quel qu'en soit le prix à payer. Madani Mezrag et ses compères ne pourraient pas agir aussi librement s'ils n'avaient pas la caution des dirigeants. Ces derniers les utilisent pour terroriser le peuple et le pousser à les voir comme les uniques sauveurs.»