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Viabilité de la balance des paiements et déficits de développement
La ressource financière n'est pas une fin en soi
Publié dans El Watan le 19 - 09 - 2006

Durant ces cinq dernières années, la balance des paiements de l'Algérie affiche une viabilité avérée et soutenue. Comme le fait ressortir le dernier rapport de la Banque d'Algérie, l'exercice 2005 marque un excédent record du compte courant de la balance des paiements extérieurs, soit 21,72 milliards de dollars, contre 11,12 milliards en 2004 et 8,4 milliards en 2003.
En clair, avec une conjoncture pétrolière des plus favorables et un endettement extérieur devant être réduit à 5 milliards de dollars d'ici à fin 2006, la position financière de l'Algérie est aujourd'hui des plus confortables. Ceci étant, l'accumulation des ressources financières, a fortiori quand elles sont le fruit de la seule conjoncture pétrolière, est loin d'être une fin en soi. A mesure que s'accumule l'argent dans les caisses de l'Etat, l'urgence de combler les déficits de développement et d'instaurer les conditions d'une croissance réelle et auto-entretenue devient de plus en plus manifeste. « Nous sommes l'un des rares pays au monde dont les réserves de change dépassent la masse monétaire et sont même supérieures à celles d'un pays comme la Suisse », souligne en ce sens Ali Benouari, ancien ministre délégué au Trésor dans le gouvernement Ghozali. La situation actuelle de la balance des paiements reflète, a-t-il expliqué, « une situation financière saine et exceptionnelle où le dinar est couvert à plus de 100% ». Aussi, selon notre interlocuteur, « à court terme, le pays ne court aucun risque et cela devrait permettre une certaine audace en matière de réformes financières pour accélérer le développement du pays ». « Les ressources financières, souligne-t-il, ne sont pas une richesse en soi, elles ne sont qu'un levier pour assurer le développement et les réformes dans différents secteurs. » Comment donc transformer une richesse financière provenant des seuls hydrocarbures — richesse tributaire des aléas du marché international — en développement durable ? A travers la situation de la balance des paiements, deux postes peuvent faire l'objet d'un rééquilibrage de sorte à favoriser une croissance tirée par le marché : l'amélioration des investissements étrangers directs (IED) pour agir sur la balance des capitaux et la régulation du commerce extérieur pour mieux maîtriser la balance commerciale. A cet effet, une convertibilité totale du dinar, même sans être immédiate, constitue un levier-clé pour une réforme financière audacieuse, selon l'analyse de Ali Benouari. Actuellement, estime ainsi ce dernier, « la politique de change est neutre. Or, la convertibilité du dinar devra justement permettre de faire jouer au taux de change un rôle de régulateur du commerce extérieur ». Dans ce même ordre d'idées, la convertibilité, ajoute-t-il, « aura un impact favorable sur d'autres postes de la balance des paiements, dont d'abord les IED. L'investisseur étant concentré sur la profitabilité de son investissement, il est clair que les IED vont plus facilement dans les pays où la monnaie est convertible ». En définitive, soutient-il, « la convertibilité du dinar est une élément essentiel pour favoriser les IED et accélérer les privatisations, elles-mêmes source d'IED. De même, l'argent des émigrés pourra être plus facilement transféré au pays quand la monnaie est convertible ». Reste que la problématique de la convertibilité de la monnaie nationale, dans l'actuel contexte économique, constitue, aux yeux de certains économistes, une démarche à haut risque car pouvant ouvrir la voie à une hémorragie des capitaux en devises vers l'étranger. L'autre élément de la réforme financière à mettre en œuvre, selon l'ex-ministre délégué au Trésor, la nécessité de revoir la politique monétaire, à travers notamment l'instauration d'instruments financiers permettant de déterminer le taux d'intérêt par le marché. Il s'agit ainsi d'assurer une visibilité sur le coût réel de l'argent afin de faciliter l'accès à la ressource à moyen et long terme. Cette visibilité, explique-t-il, « fait actuellement défaut. L'absence d'un marché offrant une visibilité aux épargnants quant à retrouver leur liquidité en cas de besoin alimente leur défiance à l'égard des emplois à long terme et fait qu'ils préfèrent les dépôts à court terme ». Ceci, a-t-il relevé, « prive les banques et établissements financiers, donc les entreprises, de l'accès aux ressources à moyen et surtout à long terme ».
Rapatriement des bénéfices des sociétés étrangères
L'exercice 2005, fait ressortir le rapport de conjoncture de la Banque d'Algérie, se caractérise par une forte augmentation des transferts sur l'extérieur au titre des transferts des associés, soit 4,74 milliards de dollars, contre 3,12 milliards de dollars en 2004 et 2,2 milliards en 2003. Aussi ,est-il relevé, « les transferts des associés de Sonatrach ont représenté 74,5% des revenus des facteurs au profit du reste du monde ». A la lumière de ces chiffres, l'amplification des bénéfices rapatriés par les sociétés étrangères exerçant en Algérie devient, durant ces quelques dernières années, une caractéristique saillante de la situation de la balance des paiements. De l'avis de Ali Benouari, cette évolution est tout à fait normale, dès lors que les cours de pétrole ont connu une forte augmentation. A l'origine de la forte croissance de la part transférée des associés de Sonatrach, il y a ainsi, selon notre interlocuteur, « un effet prix, en ceci que les parts des associés ont augmenté tout simplement parce que le prix du pétrole a augmenté, mais également un effet nouvelles productions traduisant le succès de la politique d'investissement pétrolier ». Et de noter cependant que les amendements apportés à la loi sur les hydrocarbures permettront d'éviter une proportion trop importante des parts des compagnies étrangères dans les nouvelles productions. Globalement, relève-t-il, « le déficit de la balance des services non-facteurs (assistance technique, transport, assurances, grands travaux) est normal dans le cas d'un pays en développement, car il traduit un effort de modernisation. A contrario, le déficit des services facteurs, estime-t-il, « est anormal, dans un contexte où les intérêts sur la dette diminuent, les rendements sur les réserves de change augmentent, le potentiel touristique est important et le rapatriement de l'argent des émigrés devrait être plus important au regard de l'importance de l'émigration ».
Désendettement
La politique de désendettement extérieur mise en avant par les pouvoirs publics est présentée comme une option stratégique de consolidation de la position financière extérieure de l'Algérie, au même titre qu'elle offre un usage efficient des ressources financières excédentaires. « Sur le plan de l'image, explique Ali Benouari, le désendettement est incontestablement positif car il brise l'image désastreuse que le pays a connu durant la période où il était acculé à la mendicité internationale ». Aussi, affirme-t-il, « l'amélioration de cette image est un plus considérable pour attirer les IED et faciliter les privatisation ». En revanche, il convient, selon lui, de ne pas faire de la politique de désendettement extérieur un dogme, car à terme le désendettement zéro est intenable. Dans le cas de l'endettement en devises, soutient-il, « cela revient à financer la création de richesses par l'étranger, c'est-à-dire en recourant à des emprunts extérieurs pour financer des projets qui dégagent une capacité de remboursement ». En somme, plaide-t-il, « pourquoi ne pas faire comme les Chinois qui réservent l'endettement en devises aux entreprises qui exportent ». Afin de rentabiliser les ressources financières disponibles au mieux des intérêts de l'économie nationale, Ali Benouari suggère au demeurant que l'une des pistes pouvant aider à fructifier les réserves de change serait de limiter celles-ci à une couverture de 6 mois d'importation par exemple, pour placer le reste dans « des investissements d'intérêt économique et stratégique à l'étranger ». Cette piste, signifiera-t-il, « pourrait être un emploi judicieux des ressources du fonds de régulation des recettes, de même qu'elle pourrait permettre de rééquilibrer la balance des services en engendrant des revenus à rapatrier sur des investissements à l'étranger ». Quoi qu'il en soit, en reflétant à la fois une abondance des ressources et une prédominance accrue des revenus pétroliers, la tenue actuelle de la balance des paiements de l'Algérie met d'emblée en évidence l'urgence d'œuvrer à transformer une manne volatile en développement économique réel. Une stratégie de croissance tirée par le marché et non par les seules ressources pétrolières s'impose à cet effet.


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