Un nouveau service de désintoxication ouvrira ses portes d'ici la fin de l'année au CHU de Tizi Ouzou. Quel est l'importance d'un tel projet, selon vous? Ce projet est important. Tout dépendra de ce qu'on en fera et des objectifs qu'on lui assignera. Il s'agit d'un service de désintoxication, à ce titre il prendra en charge en aval le problème des conduites addictives avérées. L'action de ce service se fera donc en cure et s'occupera des toxicomanes qui veulent guérir de leur addiction. Pour ce faire, cette structure doit disposer des moyens nécessaires, mais surtout d'une équipe de soignants formés, pour ne pas dire rompus, à la spécificité de ce type de soins. L'addictologie est aujourd'hui une spécialité bien identifiée et les personnes qui la pratiquent, notamment les médecins, doivent être formés pour cela. Le psychiatre -même s'il peut prétendre avoir quelques connaissances sur le sujet- n'a pas la compétence exigée pour prendre en charge un tel problème de santé. Dans tous les pays du monde, notamment en Occident, les services d'addictologie sont singularisés et les équipes qui y travaillent ont pour cela des compétences établies. Il faut donc que le service qui va ouvrir au CHU Nedir de Tizi Ouzou, soit doté des moyens, notamment humains, appropriés pour mener à bien sa mission; une garantie pour une bonne prise en charge des usagers, mais aussi -puisqu'il s'agit d'un service universitaire- l'assurance pour une bonne qualité de la formation des futurs intervenants dans le domaine, étudiants en médecine ou personnels paramédicaux. Est-ce que cette structure pourra prendre en charge le problème de la toxicomanie dans notre wilaya ? C'est une erreur de croire qu'une fois ce service de désintoxication fonctionnel, le problème de la toxicomanie dans la wilaya sera réglé. Rien n'est moins vrai. Pour limiter les dégâts qui sont occasionnés par les conduites addictives, il faut agir en amont et, en l'occurrence, là n'est pas le rôle d'une telle structure dont la mission principale reste la cure de désintoxication. La toxicomanie est avant tout une affaire de prévention et cette dernière ne concerne pas seulement les services de santé. Chacun sait que celle-ci-la toxicomanie- est à la fois un véritable problème de société et un épineux problème de santé publique. C'est pourquoi une lutte efficace contre ce fléau nécessite - cela est valable sous tous les cieux - la conjonction des efforts de plusieurs services de l'Etat et que le premier aspect de la prévention consiste avant tout à faire disparaître les conditions qui font le terreau de ce fléau. Le chômage, le manque de loisirs, le mal-vivre, -la misère sociale en quelque sorte- sont les éléments qui conduisent nombre de nos jeunes au désespoir et qui les amènent à des comportements d'intoxication à l'alcool, aux psychotropes, au haschich et pour certains à la consommation de drogues dures telles que la cocaïne ou l'héroïne. Ce qui est de plus en plus fréquent. La lutte contre la toxicomanie passe également par des campagnes d'information des populations les plus ciblées par les marchands de stupéfiants, les jeunes en particulier, et bien sûr par la répression sans faille de ces derniers quel que soit le niveau qu'ils occupent dans la hiérarchie des réseaux. Quel est l'état des lieux de la toxicomanie à Tizi Ouzou? Pour savoir où nous en sommes dans la wilaya de Tizi Ouzou, il faut un audit. A ma connaissance, il n'y en a pas eu, ni dans notre wilaya ni à travers le territoire national. Une certitude toutefois, ce fléau est en constante augmentation. La drogue est dans nos quartiers, devant ou dans nos écoles, dans nos maisons, dans la société. Pour avoir une photographie précise du phénomène, il faut s'y pencher avec détermination, sans tabous et, pourquoi pas, faire des enquêtes de terrain pour mieux le cerner. L'évaluation exacte du problème -du nombre de consommateurs de drogues- ne peut pas se satisfaire uniquement de la comptabilité des sujets qui souffrent et qui vont demander de l'aide dans des structures de soins comme celle en projet à Tizi Ouzou. Qui doit piloter cette démarche ? Le ministère de la Santé ne peut, à lui seul, résoudre ce problème. Les ministères de la Jeunesse, de la Culture, du Travail, de l'Education, de la Solidarité et le mouvement associatif doivent être associés dans la démarche de prévention. Ils ont, comme les ministères de la Justice, de l'Intérieur et de la Santé un rôle important à jouer. Un observatoire permanent -avec des démembrements dans les wilayas-, pour les conduites addictives, pourrait constituer l'organisme autour duquel vont venir se cristalliser toutes les actions à mener, d'audit, de prévention et de prise en charge et à l'intérieur duquel viendraient s'additionner les actions des différents intervenants concernés.