Franck Renaud est, de son côté, revenu dans le court métrage Augusta Amiel Lapieski sur une porteuse de valise du FLN. Anne (Mounya Boudiaf) entre de force dans la maison de sa grand-mère Augusta Amiel Lapieski. Elle ne connaît presque rien d'elle. Dans son lit d'hôpital et après sa mort, la mère d'Anne a laissé un livre, Le retour impossible. Evoluant dans la maison, Anne reconstitue «le puzzle» d'une mémoire inconnue, cachée, fouille dans les secrets de famille, dépoussière le non-dit. Ecrivaine, sa grand-mère était amoureuse de Lakhdar, un nationaliste algérien. Elle a laissé des confidences dans une bande magnétique qu'Anne écoute et réécoute. Des images d'archives tapissent les murs de la maison. Le cinéaste a voulu, à travers sa technique, créer un espace mental et évoquer la guerre, la propagande coloniale, l'enjeu économique de l'occupation, la résistance des Algériens… Il ne dévoile pas tout sur le personnage mystérieux de la grand-mère qui, paradoxalement, a rejeté son enfant par… amour. «J'aime bien que ce travail de mémoire passe par une femme, raconter l'histoire de non-transmission entre trois générations. Le film commence par un lit vide pour évoquer l'absence. Je n'ai pas la prétention d'être historien. J'ai questionné les traces pour savoir ce qui reste dans les images. Pour les besoins du film, j'ai plongé dans la mémoire et j'ai découvert la résistance citoyenne du réseau Jeanson. Augusta en faisait partie. Loin de la politique, les citoyens ont contribué à changer la donne. En France, cette période reste encore taboue. On est, du coup, obligé d'entrer par effraction dans la mémoire, comme Anne dans la maison de sa grand-mère», a relevé Franck Renaud. Le jeune cinéaste s'est appuyé sur les images de René Vautier pour montrer la guerre de Libération nationale, les algériens qui étaient à l'époque des non-citoyens. «En France, des festivals n'ont pas retenu le film parce que le sujet du film est considéré comme tabou. Mais je n'ai pas eu de difficultés pour accéder aux images. René Vautier, qui était encore en vie à l'époque, a lu le scénario et accepté l'exploitation de ses images. Il avait des craintes puisqu'il a eu des soucis avec l'extrême droite et avec la censure», a souligné Franck Renaud.