Les toxi-infections alimentaires posent un sérieux problème de santé publique. Leur fréquence croissante suscite l'inquiétude des spécialistes. La situation de la salubrité des aliments montre des insuffisances relevant de différents secteurs et reste alarmante en Algérie par rapport aux autres pays. Le documentaire diffusé hier, lors de l'atelier de validation du projet de plan national de salubrité des aliments, organisé par l'OMS et la FAO au Palais de la culture à Alger, illustre bien cette réalité effarante. Le reportage réalisé par l'ENTV met en exergue les défaillances d'un système de surveillance et de contrôle ainsi que l'insuffisance de textes réglementaires. La mise sur les étals de la viande congelée, des produits laitiers loin des normes requises pour leur conservation, l'absence d'attestation de conformité et de registre de commerce sont, entre autres, les transgressions relevées. Les marchands interrogés par les journalistes ne semblaient pas préoccupés par ces formes de violation de la loi. Au contraire, ils trouvent tout à fait normal d'accrocher des parties de cuisseaux d'agneau à la porte de leur magasin de fortune installé à l'occasion du mois de Ramadhan, sans équiper le local d'un réfrigérateur et sans registre de commerce. Une partie du reportage réalisée avec une équipe des inspecteurs de contrôle de qualité et des fraudes a choqué plus d'un. Une virée dans certains restaurants, gargotes et autres espaces au centre-ville leur a permis de constater le manquement d'hygiène et le non-respect des normes les plus élémentaires. Une situation qui menace sérieusement le consommateur et qui nécessite une réelle évaluation pour une réflexion à même de mettre en place des mesures draconiennes pour réduire ces intoxications d'origine alimentaire. Tel a été l'objectif de cette journée placée sous le haut patronage du président de la République. A noter que les toxi-infections alimentaires en Algérie représentent entre 3000 à 5000 cas déclarés par an, selon le ministère de la Santé. Ces chiffres sont loin de refléter la réalité, et selon les spécialistes, le nombre de cas annuels serait, au minimum, de l'ordre de 300 000 à 500 000 cas par an. A titre indicatif, la wilaya de Blida a recensé lors de l'année 2005-2006 629 cas d'intoxication alimentaire. L'analyse des cas de toxi-infection alimentaire collective a montré que la tranche d'âge 20-44 ans occupe la première place de ces toxi-infections avec un pourcentage de 50,5% pour 2005 et 35,4% pour l'année 2006. Les aliments contaminés, selon M. Houari, directeur de la Santé et de la Population de Blida, sont les laitages, pâtisserie, volaille et couscous. Les cas d'infections dues aux aliments notifiés aux services de santé constituent en fait la partie émergée de l'iceberg, a souligné le Pr Dekkar, représentant de l'OMS à Alger. « La majorité des cas d'intoxications alimentaires échappe au système de surveillance. Les décès d'origine alimentaire sont peu nombreux, à l'exception de l'épisode de botulisme survenu en 1998, suite à l'ingestion de cachir avarié, qui s'est traduit par 42 décès et 345 hospitalisés », a-t-il signalé et d'ajouter que les toxi-infections alimentaires collectives sont dues surtout à des staphylocoques, des salmonelles, des colstridies, des colibacilles et des shigelles, qui contaminent les aliments ou l'eau. Ces infections, a précisé le Pr Dekkar, ont lieu lors des mariages, de cérémonies religieuses ou dans les cités universitaires et sont dues très souvent à des plats mal cuisinés, mal préparés, mal conservés. « Dans ce cas, ce ne sont pas les produits agro-industriels qui sont en cause, comme pour le botulisme, mais les conditions de préparation, de manipulation et d'hygiène des aliments », a-t-il signalé en ajoutant qu'une autre source d'insalubrité est représentée par la pollution des aliments par divers résidus, comme les polluants organiques persistants, les résidus d'engrais ou les produits phytosanitaires, l'arrosage des légumes avec des eaux usées, les rejets industriels de métaux lourds, comme le mercure. Le représentant du ministère de la Santé, Dr Ouahdi, directeur de la Prévention, n'a pas manqué de rappeler que la problématique de ces toxi-infections alimentaires relève de plusieurs départements ministériels en pointant du doigt le ministère du Commerce. Il dénonce, entre autres, la facilitation d'obtention du registre de commerce, le manque de professionnalisme et d'expérience dans le domaine, absence de certificat de conformité et absence de règlements sanitaire et urbanistique. Pour le directeur de la FAO, Guy De Lannoy, pour assurer un contrôle efficace de la sécurité sanitaire des aliments et garantir ainsi la protection des consommateurs, il faut adopter une approche préventive, rigoureusement conçue et ciblée sur le contrôle du processus. Cette approche doit être, selon lui, multidisciplinaire et coordonnée. « C'est ce concept de contrôle intégré “de la ferme à l'assiette” ou de “l'étable à la table”, lié à l'application de bonnes pratiques agricoles, de bonnes pratiques de fabrication et de bonnes pratiques d'hygiène, qui permettra de maîtriser en grande partie les dangers alimentaires. Ces principes, qui ont été formalisés par le comité du Codex sur l'hygiène alimentaire, sont ceux du système de HACCP ». M. Guy propose, ainsi, la mise en place d'une autorité alimentaire nationale interministérielle chargée de la mise en œuvre du plan stratégique proposé, et d'autre part, un organe scientifique et technique consultatif qui serait responsable de l'évaluation des risques liés à la consommation de produits alimentaires dangereux.