- On impute souvent le retard de l'agriculture algérienne à des politiques publiques inefficaces, le problème récurrent de foncier, le climat, etc. La raréfaction de la main-d'œuvre (divisée par deux entre 2000 et 2011) n'était-elle pas le souci majeur du secteur ? En Algérie, le recours au capital dans le secteur agricole est faible. En l'absence d'investissements significatifs permettant d'acquérir le matériel agricole nécessaire, d'augmenter l'usage des entrants, d'accroître l'irrigation, l'intensification de la production ne pourra se faire que si la densité de la population est suffisamment élevée pour fournir la force de travail qu'exige cette intensification. A défaut de disponibilité du capital, il y a le recours à l'utilisation de la force de travail des populations rurales pour intensifier la productivité et la production agricole. Il est toutefois important de rappeler que le progrès technique (en injectant plus de capitaux) peut amplement remplacer la force humaine dans le travail agricole. - Certains exploitants agricoles imputent cette situation notamment aux dispositifs d'aide à l'entrepreneuriat (type Ansej) qui auraient détourné les jeunes de l'agriculture. Partagez-vous cet avi ? La question du développement rural et durable prend, ces derniers années, une large dimension de débat théorique, tant au niveau national qu'international, dans la mesure où cette thématique s'inscrit dans l'agenda des préoccupations des institutions mondiales et considérée à juste titre comme un objectif du millénaire. L'abandon des terres, l'exode rural, la dévitalisation des espaces ruraux, constituent des risques et des dangers qui peuvent compromettre les desseins des stratégies de développement économique et remettre en cause les objectifs tracés et élaborés dans ce cadre, en particulier suite à l'accentuation des projets d'aide aux jeunes. Il est très probable que ces derniers à l'ère d'internet sont influencés par de fortes disparités qui séparent le monde urbain du monde rural en termes de niveau de consommation, d'insuffisance d' infrastructures de base, de marginalisation et le sous-emploi, d'où le délaissement du secteur agricole et des régions rurales, d'où l'importance de la continuité d'une politique de développement rural efficace, ce qui réclame également la nécessité de l'intervention et participation des acteurs locaux (représentants des sociétés rurales) qui constituent également des priorités et des axes stratégiques dans les discussions et définition des approches de ce développement rural. Il est important de continuer sur le long terme la politique engagée par le pays depuis 2000 dont l'objectif est de mettre en place une dynamique de promotion et développement rural qui s'accommode à un développement économique global et national, en tenant compte de plusieurs paramètres dont, la gouvernance locale, l'équité dans l'accès aux prestations de base, la décentralisation et déconcentration de la décision, le renforcement de la cohésion sociale, représentent les grands lignes afin d'atteindre ses objectifs initiaux. - La mécanisation du secteur peut-elle constituer une réponse à cette défection ou alors faudrait-il trouver le moyen de valoriser l'emploi agricole ? La situation du secteur agricole algérien endure un défaut d'utilisation matérielle et technique qui a un effet négatif dans l'évolution de la productivité agricole dans le pays. Nous constatons à travers les statistiques le manque de machinisme qui devient une des caractéristiques du secteur après son délaissement et le manque d'investissements de la part de l'Etat qui avait favorisé le secteur industriel dans les années 1970. En moyenne, 9% seulement des exploitations agricoles disposent au moins d'un tracteur. Les semoirs permettent de couvrir 61% seulement de la surface des emblavures (céréales, légumes secs). Les épandeurs d'engrais permettent de couvrir 69% seulement de la surface totale à engraisser. Cette situation découle d'un manque accru d'utilisation du capital dans l'agriculture. Cette dernière est constituée de deux secteurs. Un moderne, majoritairement capitaliste (les anciennes fermes étatiques) et un deuxième où le coefficient de capital applicable est très bas, ne disposant pas des dotations financières nécessaires et qui s'appuie sur la force de travail des paysans. Il ressort des statistiques du recensement de l'agriculture en 2003 que 70% des propriétés de moins de 10 ha sont des exploitations traditionnelles à faible capital et n'utilisant que peu le matériel agricole, ce qui explique en partie, les faibles niveaux de production. En présence d'un fort taux de chômage dans les zones rurales majoritairement agricoles, le secteur doit utiliser l'important temps du travail non exploité de ces jeunes sans emploi (30% des jeunes dans les zones rurales sont sans emploi). A défaut d'utilisation du matériel, il faut transformer le surplus humain en force productive pour contribuer au développement de l'activité agricole en valorisant le travail agricole, en le subventionnant et le soutenant sur le très long terme.