- La baisse des recettes d'hydrocarbures a relancé le débat sur la hausse des tarifs des produits énergétiques, alors que la question des subventions a toujours été soulevée. Quel est le cœur du problème ? La forte dépendance de l'Algérie à l'égard des recettes pétrolières, qui sont volatiles, imprévisibles et appelées à tarir, complique considérablement les politiques budgétaires nationales. Pour y faire face, l'Algérie doit faire un choix bien difficile : faut-il continuer à dépenser plus en subventions pour permettre aux citoyens d'avoir une énergie bon marché, ou faut-il diminuer, voire éliminer, les subventions à l'énergie et laisser le marché s'autoréguler ? La chute des prix du pétrole à laquelle on assiste relance le débat sur la pertinence des subventions à l'énergie et sur la nécessité d'entreprendre sereinement des réformes avant d'y être contraint par la force des choses. Face à une croissance substantielle de la consommation nationale (interne) en produits énergétiques (gaz, électricité, carburants), du déclin de la production nationale en pétrole & gaz et de la régression des exportations des hydrocarbures, l'avenir énergétique de l'Algérie suscite des inquiétudes. Ce modèle de consommation énergétique est insoutenable, nous allons tout droit vers une incapacité à maintenir un rythme d'exportation d'hydrocarbures susceptible de financer notre développement économique. Devant cette situation et compte tenu de la reconfiguration du contexte énergétique mondial, des questions d'importance sur les mutations énergétiques à venir se posent : • Quel modèle de consommation énergétique pour l'Algérie ? • Où se situera l'Algérie à l'horizon 2030 ? • Quelles incidences induiraient concrètement les subventions à l'énergie ? • Que faire pour rationaliser la consommation interne d'énergie ? • La sécurité et la transition énergétique : existe-t-il d'autres alternatives ? Les subventions de l'énergie en Algérie absorbent 30% du budget de l'Etat et 11% de son PIB. Elles s'élèvent à environ 1500 à 2400 milliards de dinars (soit environ 10 à 20 milliards de dollars), selon la Banque mondiale. L'augmentation de la consommation nationale d'énergie en Algérie est beaucoup plus encouragée par les prix bas de l'énergie que par la poussée démographique. La consommation énergétique de l'Algérie en interne est passée de 17 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) en 2005 pour une population de 33 millions d'habitants à 56 millions de Tep en 2014 pour 39,5 millions d'habitants. Elle a été multipliée par 3 en l'espace de 8 ans, soit une facture énergétique d'environ 40 milliards de dollars. Elle devrait, selon les prévisions du secteur de l'énergie et si le rythme de consommation se poursuit, doubler à l'horizon 2030, voir tripler à l'horizon 2040. Avec un scénario laisser-faire, la production totale d'énergie en Algérie risque d'être égale à la consommation interne d'énergie à l'horizon 2030 ! Aussi, il y a lieu de signaler que la consommation moyenne d'énergie de l'Algérien est le triple de la moyenne mondiale. L'intensité énergétique a atteint 0,35 tonne équivalent pétrole, soit deux fois plus que celles des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). L'économie nationale consomme le double d'énergie pour créer la même unité de valeur ajoutée (selon l'agence nationale APRUE). Dans ce cas, faut-il continuer à le consommer et/ou à le rationaliser ? Ou bien réfléchir à des solutions alternatives ou de substitution dans un futur proche ! L'augmentation des prix de l'énergie est inévitable. - L'augmentation des prix de l'énergie pour les industriels, prévue dans la loi de finances 2016, est-elle suffisante ? Il y a lieu de signaler qu'en Algérie, les secteurs gros consommateurs d'énergie sont ceux du transport, des ménages & tertiaires, «ce sont des secteurs énergivores par excellence» qui représentent 80% du bilan énergétique national : • Le secteur des ménagers et tertiaires, qui représente 44% du bilan énergétique national, occupe la première place en termes de consommation d'énergie ; • Le secteur des transports, avec 36% de la consommation finale d'énergie, occupe la deuxième place ; • Ensuite vient le secteur de l'industrie, qui occupe la troisième place, avec moins de 20% ; A cet effet, l'impact de la révision à la hausse des tarifs de l'énergie pour l'industrie sur la rationalisation de la consommation interne d'énergie n'est pas significatif ; La révision des prix de l'énergie doit se focaliser sur les secteurs gros consommateurs qui ont un impact significatif sur la demande interne d'énergie. La question qui reste posée est comment en finir avec une énergie bon marché, sans pénaliser les ménages et sans faire perdre à l'économie nationale l'un de ses rares avantages comparatifs. Aussi, le problème posé par cette évolution de consommation d'énergie peut s'exprimer simplement ainsi : comment ralentir la consommation d'énergie sans sacrifier les bénéfices apportés en termes de développement économique et social ? La solution est à la fois simple et complexe. Les moyens disponibles sont nombreux, mais les moyens adaptés au contexte spécifique de l'Algérie méritent d'être bien pensés. La promotion de l'efficience énergétique en Algérie devait s'imposer comme un but stratégique à atteindre. - Comment réussir une réforme des subventions à l'énergie ? Tous les experts s'accordent à dire que ces subventions constituent un fléau. Elles créent des distorsions sur les marchés, grèvent dangereusement les budgets de l'Etat, poussent à la surconsommation d'énergie, favorisent la contrebande, génèrent des externalités dommageables à l'environnement, renforcent les inégalités sociales qu'elles sont supposées corriger. L'idée selon laquelle une énergie bon marché n'a que des avantages pour ses utilisateurs est de plus en plus remise en cause : une énergie bon marché n'incite pas aux économies d'énergie, ni à la fabrication de produits peu gourmands en énergie. Il est aussi douteux de dire que l'énergie bon marché soutient le développement économique. Il a été démontré que l'intensité énergétique (soit la consommation d'énergie par unité produite) augmente avec les subventions à l'énergie. Néanmoins, pour réussir, les réformes de ce type doivent s'accompagner de politiques micro-économiques et ,macro-économiques, faute de quoi, les hausses de prix de l'énergie peuvent facilement conduire à une inflation élevée ou à d'autres pertes économiques et coûts sociaux. - Comment faire pour éviter de pénaliser les citoyens à bas revenus en cas de hausse des prix de l'énergie ? En augmentant progressivement, les prix nationaux de l'énergie, notamment ceux des carburants, l'Algérie pourrait rationaliser la consommation interne d'énergie, limiter le gaspillage et augmenter les recettes tirées des exportations lucratives d'hydrocarbures. Le gouvernement pourrait alors redistribuer la majorité des recettes correspondant à l'augmentation du prix sous forme d'un dividende pétrolier, ce qui ferait accepter cette augmentation par la population. Certains pays producteurs ont déjà adopté des mesures visant à réduire et/ou à éliminer les subventions dans leurs pays. Echelonner les augmentations des prix de l'énergie peut être préférable à introduire progressivement les augmentations de prix des produits énergétiques et de les échelonner selon leur nature. Un relèvement trop brutal des prix énergétiques peut donner lieu à une opposition intense aux réformes, surtout en l'absence de communication suffisante et de mesures d'atténuation. Une stratégie progressive de hausse de prix de l'énergie permettra aux ménages et aux entreprises de s'adapter et au gouvernement de mettre en place des filets de sécurité sociale. La réforme des subventions à l'énergie peut doper la croissance et réduire la pauvreté et l'inégalité. Réallouer les ressources libérées par les subventions vers des dépenses publiques plus productives pourrait aider à doper la croissance à long terme. En outre, la réduction des subventions à l'énergie accompagnée d'un filet de protection sociale bien conçu et d'un relèvement des dépenses favorables aux citoyens à bas revenu pourrait donner lieu à des améliorations significatives du bien-être des citoyens à faible revenu à moyen et long termes. La réforme des subventions peut aussi contribuer à la baisse du déficit budgétaire, ce qui stimulerait les investissements productifs et renforcerait la croissance économique. Par conséquent, il y a lieu de revoir à la hausse les tarifs de l'électricité et du gaz en fonction du seuil de consommation d'énergie. Mais pour les carburants, une augmentation progressive des prix du gasoil et des essences, à moyen et long termes est nécessaire. L'expérience a montré que les réformes structurelles étaient plus aisées et moins coûteuses à mettre en œuvre lorsque les autorités disposent d'une marge de manœuvre budgétaire qui leur permet de choisir le rythme qui convient aux besoins du pays. C'est pourquoi les réformes des subventions à l'énergie peuvent être mises en œuvre de manière proactive plutôt que lorsque les pressions se font sentir.