Une vue de la conférence «Notre République et sa presse graviront ensemble les sommets ou bien elles iront ensemble à leur perte. Une presse compétente, désintéressée, peut protéger cette morale collective de la vertu, sans laquelle un gouvernement populaire n'est qu'une escroquerie et une mascarade.» Joseph Pulitzer Le mardi 8 avril s'est tenu à l'hôtel Hilton la 18e Journée de l'énergie organisée par le Laboratoire de valorisation de l'énergie de l'Ecole nationale polytechnique avec le double souci à la fois de commémorer Youm e Ilm, la Journée du savoir, le thème de la nécessaire transition énergétique a permis aux élèves ingénieurs outre la maîtrise de l'acte pédagogique, celle de s'emparer d'un sujet éminemment important pour le pays et pour les générations futures dont ils font partie. La cérémonie d'ouverture a été rehaussée par la présence de M.le Premier ministre, M.le président du Conseil national économique et social, MM.les présidents du secteur des mines notamment monsieur le président-directeur général de Sonelgaz qui avec son staff est venu en force comme à l'accoutumée encourager les élèves ingénieurs, futurs cadres du pays. Il y eut aussi plusieurs experts de renom qui ne sont pas à présenter, je veux citer sans être exhaustif, MM.Abdelmadjid Attar expert géologue, ancien ministre et ancien président de Sonatrach, Mustapha Mekkidèche vice-président du Cnes, Tewfik Hasni ancien vice-président de Sonatrach, le professeur Foued Chehat directeur général de l'Inra et Abdelhak Lamiri économiste PhD, directeur général de l'Insim. Dans une brève allocution parfaitement académique, M.le Premier ministre qui fut aussi professeur à l'Ecole nationale polytechnique, a fait d'abord un état des lieux des réserves, ensuite un constat du rythme de production et de consommation, il a ensuite fait une projection sur le futur. L'honnêteté scientifique me commande de témoigner qu'il n'a à aucun moment parlé d'augmentation des prix de l'énergie. Ce qu'il a dit est dans le futur quand le niveau de vie des Algériens sera encore plus amélioré, le problème du prix de l'énergie se posera. Il eut été honnête de ne pas sortir la phrase de son contexte. Nous sommes loin de la doctrine de Pullitzer qui prônait une morale à toute épreuve. «La réalité des prix du gaz et de l'électricité, ce n'est certainement pas pour demain. Le Premier ministre par intérim reconnaît que les tarifs actuels sont politiques mais qu'à terme, les citoyens devront participer à la facture énergétique. Selon Yousfi, cela se fera de manière progressive à mesure que le pouvoir d'achat s'améliore. Youcef Yousfi y a reconnu qu'à l'horizon 2030, l'Algérie sera toujours dépendante des hydrocarbures à hauteur de 70% et que seuls 30% des besoins seront couverts par les énergies renouvelables. Il a profité de la présence d'un parterre d'étudiants et d'hommes de sciences pour lancer un appel à l'innovation en matière de recherche de solutions pour assurer la transition énergétique... (1) Les données rappelées par le Premier ministre En 2013, la facture énergétique du pays s'est élevée à près de 40 milliards (mds) de dollars, un montant appelé à doubler à l'horizon 2030, a indiqué le Premier ministre par intérim et ministre de l'Energie et des Mines. Nous avons consommé en 2013 l'équivalent de 55 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), dont la valeur se situe entre 35 et 40 mds de dollars. La population passera, en 2030, à près de 52 millions d'habitants. La valeur de l'énergie consommée par l'Algérie en 2030 sera de 80 milliards de dollars. En 2013, l'Algérie a consommé l'équivalent de 55 millions de tonnes de pétrole. La demande prévue en 2030 pourra avoisiner les 100 millions de tonnes de pétrole. En 2030, avec le taux de croissance enregistré ces dernières années nous allons plus que doubler notre consommation», a déclaré le Premier ministre Il a rassuré pour autant sur la sécurité énergétique du pays à long terme, en indiquant que l'Algérie va aller graduellement vers une transition énergétique qui sera adossée sur un modèle énergétique, assurant le développement des énergies renouvelables, l'économie de l'énergie et l'optimisation des énergies fossiles, appelant notamment à exploiter le gaz de schiste. En dépit de leur coût élevé, les énergies renouvelables vont figurer dans le pôle énergétique de l'Algérie de 2030, avec l'ambition de produire 12.000 MW d'électricité renouvelable à partir de cette date. Le problème des prix des carburants, de l'électricité et de l'eau Les carburants sont très bas sur le marché local. Il faut savoir qu'un litre d'essence coûte 0,21 euro contre 1,8 euro en Europe, 1,05 au Maroc et 0,75 euro en Tunisie. Pour le gasoil c'est encore pire, il est bradé à 0,11 euro contre 1 euro au Maroc et 1,5 euro en Europe. L'Algérie est l'un des rares pays où l'énergie n'est pas chère, nous ne sommes dépassés dans la gabegie que par le Venezuela. Résultat des courses: une grande partie des 3,4 milliards de dollars de carburants importés en 2013 ont servi à conforter la balance de la Tunisie (l'Algérie contribue d'après la Banque mondiale pour 25% de la balance énergétique en termes de carburants). Il ont aussi servi pour le Maroc et une wilaya comme Tlemcen consomme quatre fois la consommation nationale. S'agissant de l'énergie électrique à 4 DA pour un kilowatt, heure c'est un prix dérisoire si l'on sait le miracle qu'il faut pour le produire. A défaut de nous attaquer au sujet tabou de la vérité des prix politiquement suicidaire, on ne peut pas parler de la rationalisation de la consommation. Sait on que les déperditions (gaspillage, c'est près de 20% de l'énergie? C'est-à-dire près de 8 milliards de dollars. Les élèves ingénieurs ont tenté de convaincre tout au long de la Journée, comment faire la chasse au gaspillage, les centaines de millions de DA perdus en énergie dans les embouteillages, dans les électroménagers énergivores qui consomment en moyenne deux fois plus d'énergie (climatiseurs, réfrigérateurs), les gaspillages dans l'eau qui est bradée à 6 DA le m3 alors qu'un litre d'eau minérale coûte 6 fois plus cher: la modulation des prix est inéluctable, l'augmentation des tarifs de l'énergie doit être adossée à un modèle énergétique flexible, basé sur le recours important aux énergies renouvelables et à l'économie d'énergie. Il est temps, il est plus que temps de dire que les tarifs bas favorisent pour plus de 80% les classes aisées et non les classes défavorisées en principe les destinataires des soutiens des prix. Même le FMI recommande de subventionner les couches à faible pouvoir d'achat plutôt que de soutenir des prix bas. Les mises en garde des experts Zahir Mehdaoui rapporte en honnête courtier l'essentiel des débats. Nous l'écoutons: «Après avoir indiqué la réalité dangereuse du monde, les stratégies accaparatrices des Etats, la vulnérabilité des pays faibles, et la nécessité d'une vigilance de l'Algérie, le professeur Chitour a souligné que «seule une transition énergétique permettra de tourner le dos aux énergies fossiles et développer les gisements d'énergie verte, mais aussi le moment venu d'exploiter les gaz de schiste quand la technologie sera mature»». (2) «Nous trouverons de moins en moins de pétrole, il sera de plus en plus difficile à produire, il saccagera de plus en plus non seulement l'environnement par la combustion, mais aussi par son mode de production qui devient de plus en plus discutable avec le fracking à haute pression des énormes quantités d'eau, des centaines de produits chimiques plus ou moins dangereux, la libération de gaz radioactif et naturellement les accidents dus à la mauvaise cémentation des puits qui peut amener à des fuites de méthane jusqu'à 5% comme cela a été montré aux Etats Unis.» La bulle du gaz de schiste étant dépassée, faudra aux nations développés et émergentes à aller à la recherche de pétrole et de gaz dans d'autres pays, estime M.Chitour qui note que désormais, la chasse aux dernières gouttes de pétrole et aux dernières bulles de gaz est plus que jamais ouverte. «Les nations développées et émergentes tentent de s'assurer des sources d'approvisionnement pérennes en jouant sur les rivalités inter-producteurs» ajoute le chercheur qui fait savoir également que si vous voulez voir où sont les bases américaines à l'échelle mondiale, cherchez à côté des puits de pétrole.» «Notre pays devra faire preuve d'imagination, de compétence et de prudence pour optimiser ce qui reste de ses réserves en les consacrant aux générations il est nécessaire d'aller vers une transition énergétique adossée à un modèle énergétique flexible qui aura à assurer à l'Algérie un développement durable. Cela passe par «la sobriété énergétique, le recours aux énergies renouvelables et des gains en économie d'énergie Il est nécessaire de rationaliser la consommation de l'énergie, notamment l'électricité, et de normaliser les équipements, à l'exemple des climatiseurs. L'ère du pétrole bon marché est derrière nous. Nous trouverons de moins en moins de pétrole, il sera de plus en plus difficile à produire, il saccagera de plus en plus l'environnement non seulement par la combustion mais aussi par son mode de production»».(2) L'ancien ministre de l'Hydraulique et ancien P-DG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, a appelé à envisager dès maintenant «un nouveau modèle de consommation énergétique et surtout une nouvelle économie indépendante des hydrocarbures». L'ancien vice-président de Sonatrach, Tewfik Hasni, a plaidé, pour sa part, pour une définition du modèle de consommation énergétique. La prise en considération du nouveau paradigme basé sur la rareté des ressources à l'avenir, nous introduira à l'économie verte. La rationalisation dans l'utilisation des ressources va s'imposer du fait de la rareté des ressources, prédit-il». (2) Le prix de l'inaction se paiera cher S'il est vrai comme le dit Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), que l'Algérie consacrait près de 7% de son PIB, en admettant qu'il était «politiquement risqué de les remettre en cause». Et que de plus la croissance de la demande interne d'énergie s'est établie, ces dernières années, à une moyenne annuelle de 10%. Ce qui fait qu'elle doublera au moins dans les prochaines années d'où viendront à la fois les ressources pour la consommation intérieure et les ressources pour nourrir la population sachant que nous tirons 98% de notre fonctionnement de la rente.» «L'Algérie connaîtra-t-elle des ajustements économiques?» C'est par ces mots que l'expert en économie, Abderahamne Mebtoul, a donné le ton sur les dangers du futur. Dans un réquisitoire sans concession, il se pose - il nous pose- quelques questions et fait quelques constats amers: «Le P-DG de Sonatrach parle de 100 milliards de dollars d'investissement en amont, le ministre de l'Energie de 100 milliards de dollars dans les énergies renouvelables, le ministre des Travaux publics de 60 milliards de dollars dans les infrastructures, le P-DG de Sonelgaz de 36 milliards de dollars Le ministre de l'Habitat de plusieurs dizaines de milliards pour 2 à 3 millions de logements, etc.. Où trouver ces centaines de milliards de dollars en cas de fléchissement du cours (...) les subventions et transferts sociaux ayant totalisé 70 milliards de dollars en 2013, soit 30% du produit intérieur brut (PIB). C'est toujours la culture fondée sur l'illusion d'une rente des hydrocarbures éternelle, celle du dépenser sans compter.»(3) «Au niveau énergétique, 98% des recettes provenant des hydrocarbures et important 70/75% des besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%. Les exportations algériennes de gaz seraient passées de 60 milliards de m3, en 2007, à 55 milliards, en 2012, et encore moins, selon certaines sources, pour 2013, entre 45/47 milliards de m3, alors que la consommation intérieure a été d'environ 35/37 milliards de m3. Les réserves de gaz traditionnelles ne sont pas de 4500 milliards de m3, estimation BP 2000 non actualisée, mais seraient inférieures à 3000 milliards de m3, en 2013 (...) L'Algérie, entre 2015/2020, connaîtra certainement des tensions budgétaires. C'est fini, l'euphorie des recettes de Sonatrach de 665 milliards de dollars, entre 2000/2013, comme c'est fini, l'euphorie de la dépense publique de plus de 630 milliards de dollars (équipement et fonctionnement) entre 2000/2013, avec un impact mitigé, 3% de taux de croissance essentiellement tirée par la dépense publique, via les hydrocarbures, alors que ce taux aurait dû dépasser 10%.» (3) Abderahmane Mebtoul interpelle ensuite Les candidats: «(...) Peu de candidats abordent la transition énergétique qui pose la problématique de la sécurité nationale En 2017, la consommation intérieure risque de dépasser largement les exportations, ayant doublé les capacités d'électricité, horizon 2017, à partir des turbines de gaz, allant vers plus de 70/75 milliards de m3 gazeux, dépassant les exportations actuelles qui peinent à atteindre 50/55 milliards de m3 gazeux. L'on devrait arriver, sauf découverte exceptionnelle, à un coût compétitif, à un épuisement, horizon 2030, pour le gaz traditionnel, devant produire plus de 155 milliards de m3 annuellement, si on veut exporter 85 milliards de m3. Les discours euphoriques ne doivent pas cacher l'amère réalité: après 50 ans d'indépendance, le pays n'a pas d'économie, son économie étant encore basée, en 2014, sur la rente des hydrocarbures.» (3) Pour Salim Tamani: «Si la politique du tout-social de l'Etat a atteint ses limites, ce n'est pas seulement parce que les ressources ont diminué mais beaucoup plus parce que les gouvernements n'ont pas pensé à créer une véritable économie. Le pétrole aurait pu être cet atout majeur à la construction d'un système financier et économique basé sur la compétitivité et le travail. Mais au lieu de cela, l'Etat a mis en place un régime d'assistanat qui a cassé la valeur du travail, détruit l'école et pris au piège la société entière qui, de génération en génération, parle d'acquis au lieu de devoirs et de congé au lieu d'efforts. Alors, débattre aujourd'hui du soutien de l'Etat au prix de l'électricité n'est pas nouveau en soi. Il est clair qu'un jour, l'Etat va mettre un terme à cette subvention énorme. Mais dans le même temps, a-t-on préparé les Algériens à consentir, ne serait-ce qu'un petit effort? Pas du tout! D'autant que la stratégie sociale est incohérente car l'aide ne va pas forcément aux plus démunis et les transferts sociaux ne sont pas ressentis dans le quotidien du citoyen. Est-ce trop tard? Non! Les experts affirment que si l'Etat entamait des réformes maintenant, l'Algérie pourrait s'en sortir dans 15 ans.» (4) Avoir un portable vissé à l'oreille pour bavarder inutilement en dollars, porter des chaussures Nike ou rouler en 4x4, frimer sur Facebook, ce n'est pas cela le développement. Notre meilleure banque est notre sous-sol! J'en appelle plus que jamais à un consensus de tout le monde pour arrêter ce train fou de l'ébriété énergétique basée sur le développement de l'éphémère. J'en appelle à la remise en service du Conseil national de l'énergie qui aura à la lourde tâche de tracer un cap en mettant en place cette transition énergétique apaisée pour laquelle les générations futures nous seront reconnaissantes de leur avoir laissé un minimum de défense immunitaire dans un monde des plus impitoyables. 1.http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/04/09/article.php?sid=162004&cid=2 2.Zahir Mehdaoui http://www.horizons-dz.com/?Les-mises-en-garde-des-experts,41414 3.Abderrahmane Mebtoul http://www.algerienews.info/lalgerie-connaitra-t-elle-des-ajustements-economiques/ 4. http://www.liberte-algerie.com/editorial/la-reforme-maintenant-219109