Asma, Ryma, Sara, Hanin, Yasmine... toutes des blogueuses ou youtubeuses beauté très influentes sur la Toile algérienne. Elles ne vivent pas encore de leur blog, mais génèrent des milliers de vues et affolent les statistiques. Pour les marques c'est un bon filon pour faire connaître leurs cosmétiques. «Lors d'un voyage à Paris, en 2012, ma cousine m'a montré des blogs et des chaînes de youtubeuses beauté. J'étais totalement fascinée par ce monde des cosmétiques. En rentrant à Oran, j'ai commencé à travailler sur mon blog», explique Maya Berka, blogueuse de 28 ans. «Je ne savais pas que cette aventure allait autant me dépasser ! Quand j'ai commencé à écrire des articles, je devais compter sur l'aide de ma cousine qui m'apportait des produits ou avec les vendeuses sur Facebook. Le souci est que je n'avais pas une forte fréquentation sur le blog, alors j'ai ouvert une page Facebook liée à mon blog, en moins d'un mois, les statistiques avaient explosé. De 500 abonnés, je suis passée à 65 000 qui me suivaient sur mes comptes Instagram et Twitter. J'étais en permanence sur les réseaux sociaux, ce qui ne me laissait pas le temps pour autre chose», confie-t-elle. Pendant deux ans, Maya entretient sa page en publiant des conseils beauté, des astuces pour gérer son temps et organiser son travail, des conseils pour garder la forme et faire attention à sa ligne. «Je suis passée d'amatrice à apprentie nutritionniste, et ce n'était pas le but de mon blog. Les lectrices m'écrivaient beaucoup et j'avais droit à des remerciements et des insultes, parfois des conseils pour intégrer les avis des nutritionnistes et des dermatologues dans mes publications. Mais je ne suis pas spécialiste, c'est ce que les gens ne comprenaient pas.» En Algérie, on compte pas moins d'une trentaine de blogueuses beauté qui gèrent un blog et une chaîne sur Youtube, et des centaines de pages et de groupes sur Facebook. Sur son mur, une blogueuse publie les choses qu'elle affectionne le plus, parle de ses passions, donne des conseils beauté et mode, et surtout communique avec des fans sur les différents réseaux sociaux. Youtube «Les smartphone ont boosté l'activité des blogueuses, pour ma part, je consacre deux à trois heures par jour aux réponses. Il faut savoir que parfois les réponses demandent des recherches. Je sais que la majorité des blogueuses algériennes ne font pas autant d'efforts, mais je tiens à faire la différence avec mon blog», affirme Nesrine Toubel. Sara Beauty Space, Echange entre Algériennes, La touche algérienne, Beauty With Asma, Beauty Dz Addict, Beauté Addict avec Ryma, Imene Shetate, Beauty By Fifi et bien d'autres intensifient leur activité sur la Toile, elles conseillent et partagent leurs expériences avec les internautes de leur chambre, de leur salon et même de leur cuisine ! Certaines ne se montrent que partiellement, d'autres s'affichent librement. Le contenu est approximativement le même : test de produits cosmétique, conseils beauté et partage de la vie quotidienne. «En observant scrupuleusement les blogueuses algériennes, j'ai trouvé un point commun, elles n'ont pas de contenu pertinent. Paradoxalement, elles génèrent beaucoup de vues sur leur réseau, ceci n'est pas à prendre à la légère», pense Mehdi Mabrouki, manager dans une boîte de consulting et fournisseur de contenu web pour des entreprises en Algérie et en Europe. «Le lecteur est très exigeant, même sur Facebook. Elles vont devoir augmenter la cadence des publications et donner à lire des textes mieux construits et mieux écrits. Qu'importe la langue utilisée. Avec l'explosion du blogging, dans deux ans, les internautes algériens passeront de lecteurs à consommateurs. Ces jeunes femmes représenteront des marques», pense-t-il. Molécules Pour la dermatologue, Hanane Chatoui, il est intéressant de voir que les personnes s'intéressent davantage à la santé de leur peau, mais elle alerte sur la surconsommation de produits cosmétiques, surtout ceux dont l'origine n'est pas claire. «Je suis abonnée à plusieurs pages sur Facebook qui traitent de beauté et de cosmétologie, la majorité créée par des blogueuses algériennes. Je trouve malhonnête de faire la promotion de produits nocifs à la santé en le présentant comme un produit miracle. Des sociétés de cosmétiques douteuses proposent de l'aloe vera sous toutes ses formes. L'association des consommateurs a de quoi faire avec toutes les allergies qui se développent et surtout les substances qui sont utilisées dans pas mal de produits de beauté, de véritables perturbateurs endocriniens». En France, certaines youtubeuses représentent un véritable business. La blogueuse française Enjoy Phoenix a laissé entendre qu'elle gagnait en moyenne 300 000 euros par an. «Les marques qui s'installent en Algérie se rapprochent des blogueuses et leur offrent gracieusement des produits, des cures et même des voyages. Je trouve que cette union n'est pas saine. Elles ne pourront pas s'améliorer dans la rédaction de leur article et surtout elles seront piégées dans le choix des sujets qu'elles devront traiter. Le partenariat avec les marques doit être transparent, une blogueuse doit en parler, si elle n'a rien à cacher, bien sûr ! », ajoute Maya Berka. Le magazine français 60 millions de Consommateurs a publié une enquête qui confirme la présence de nombreux composants indésirables pour la santé dans les produits cosmétiques. Grandes marques ou produits bon marché sont logés à la même enseigne à cause de l'excès de molécules indésirables ou de composants préoccupants. Seuls les produits bio ne sont pas pointés du doigt. «Il est conseillé de revenir vers le bio. En Algérie, nous avons toujours eu des rituels beauté puisés dans notre nature. Certains marques connues s'en inspirent et ça cartonne», conclut Hanane Chatoui.