Il y a une année, jour pour jour, Daech a fait sauter, à Maàret Ennouàman, la tombe d'Abou El Alà El Maàri (973-1057), le philosophe et spiritualiste syrien, qui a prôné la tolérance et la liberté de religion au XIe siècle grégorien. Abou El Alà El Maàri n'est pas un sectaire. Il répudie toute séparation, toute formation nouvelle, toute communauté extrémiste qui accapare la religion. C'est ce qui le distingue de tous les spiritualistes «sectaires» de son temps. Les cadres de sa «mosquée» sont vastes. Il y a là de la place et pour Ibn Hanbal (2), pour les Mouàtazilites (3) et pour les Hanafites (4) qu'il aimait tant, ces Hanafites qui, dans son Epitre du pardon, lui apparaissent comme champions de ce principe de religion spirituelle, de liberté, de conviction personnelle qu'il avait défendu toute sa vie. Mais il n'y en a pas pour les «sectaires», pour les «extrémistes», pour les «religieux terroristes» et les «prédestinés». Selon Abou El Alà El Maàri, Dieu est bon et tout ce qu'il fait et tout ce qui provient de lui est bon également. Abou El Alà El Maàri accepte pleinement la théorie de «la liberté de choisir sa religion ou son dogme pour tout être humain». Il réduit le mal (qui est une erreur humaine) à une négation. D'après lui, «l'erreur» et «le mal» ne sont pas des «êtres», ne sont pas des forces réelles et positives. «L'erreur» n'est qu'une négation, une perversion et une absence. L'erreur n'est rien, car pour Dieu, il n' y a que l'être. C'est cette essence négative du mal qui explique d'ailleurs que l'homme ait pu en être l'auteur. Abou El Alà El Maàri croit que «le mal est une tentative avortée, et son fondement est une erreur, mais ce n'est pas une erreur de doctrine, une erreur d'ignorance. C'est une erreur morale, une action erronée de la volonté». C'est la volonté seule qui peut nous sauver, c'est la volonté qui, libre malgré le «mal-erreur», peut «se convertir», «mourir à elle-même», à «son propre moi». Si le mal a sa source et son essence dans l'égoïsme de la créature, l'homme est libre et peut s'en détourner. Il peut «faire le vide» en lui-même et laisser ainsi en son âme de la place pour Dieu. L'homme peut ainsi «détruire» ce à quoi il a lui-même donné naissance. Si ce n'est pas l'homme extérieur et charnel, qui doit son existence même à l'égoïsme qui l'attache à lui-même, qui se détache et se détourne de soi, il n'en reste pas moins vrai que c'est l'homme intérieur, le «vrai homme» qui, lui-même, se dépouille de son «soi» extérieur, grâce justement à la lumière qui est en lui.