«Marre, marre, marre, y'en a marre ! Ils ont mis notre agriculture à genoux, ils ont dilapidé un inestimable patrimoine génétique et culturel avec les centaines de variétés perdues à tout jamais, ils ont bétonné et ravagé les instituts et centres de formation en agriculture et après avoir grignoté ses terres sur le pourtour, ils s'attaquent maintenant en plein cœur à l'Ecole nationale supérieure d'agronomie (ENSA, ex-INA) d'El Harrach.» Un appel vient d'être lancé via les réseaux sociaux par des enseignants et des étudiants de l'ENSA pour s'opposer à l'installation d'une base logistique de Cosider, l'entreprise en charge de la réalisation du métro, sur une partie du jardin botanique de cette grande école devenue une institution au fil des ans. «Cela nous est tombé sur la tête sans prévenir et, bien sûr, nous sommes assommés par la nouvelle», s'exclament des enseignants scandalisés par le fait qu'ils n'aient à aucun moment été consultés à travers les conseils de l'école. Un rassemblement est prévu sur l'emplacement du jardin botanique dimanche 11 octobre à midi. Mais qu'en est-il au juste ? Le directeur de l'ENSA, le professeur Khelifi, a réagi à la réprobation de ses collègues et joue, à son avantage, à la communication et à la transparence. Mais un peu trop tard, l'école est déjà en ébullition, d'après certaines sources. Pour le directeur de l'école, le jardin botanique ne sera pas affecté — du moins seulement sur 100 m² — à la fin des travaux qui dureront 48 mois. Dans un protocole d'accord avec Cosider, des dispositions ont été prises pour que le jardin retrouve son état initial. Les arbres centenaires, qui justement sont à l'origine de la poussée d'adrénaline des anciens qui, pour certains, les côtoient depuis 40 ans, vont être transplantés à proximité pour être réimplantés à leur place à la fin des travaux. Des groupes de travail vont se constituer avec les différents départements de l'école pour suivre ce travail. Le jardin sera restauré avec ses plantes herbacées selon un plan établi par l'ENSA, avec la collaboration d'entreprises étrangères, françaises certainement, si nécessaire. Comme la bibliothèque centrale se trouve à proximité, Cosider devra prendre des précautions pour que les niveaux sonores soient inférieurs à 45 décibels le jour et 40 la nuit. Le protocole engage également Cosider à réaliser, dans l'enceinte même de l'ENSA, des logements de remplacement identiques aux habitations qui sont sur les lieux et occupées depuis 40 ans. On a manifestement pensé à prendre les dispositions pour éviter la perte du jardin botanique — qu'on nous dit abandonné depuis plus d'une vingtaine d'années —cependant le scepticisme domine dans la cour de l'école. Le protocole sera-t-il respecté à la lettre sur une aussi longue période ? L'ENSA a-t-elle les moyens de le faire respecter face à une importante entreprise de travaux publics qui pèse de tout son poids sur les décisions gouvernementales ? Et cette restauration qu'on promet fidèle à l'originale, le sera-t-elle vraiment une fois le métro réalisé ? De bonnes dispositions ont été prises et couchées sur le papier, mais le doute et la crainte sont légitimes dans un pays où l'on ne rend pas de comptes.