U ne situation qui viole le principe de la présomption d'innocence et risque de basculer vers la détention arbitraire dans le cas où les procès se tiennent après l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale… La cour d'Alger vient d'afficher la liste des procès prévus lors de la session criminelle 2015-2016 qui s'ouvrira le 25 octobre. Surprenant, cette liste ne comporte pas les deux affaires les plus médiatisées, dans lesquelles plusieurs mis en cause sont en détention provisoire depuis plus de 5 ans. La première est celle de Chouaïb Oultache, présumé auteur de l'assassinat de Ali Tounsi, ex-patron de la police, sous mandat de dépôt depuis le 27 février 2010, soit presque six ans de détention en attendant un procès. Son avocat, Me Bellarif, s'en offusque : «On veut à tout prix lier l'affaire de l'assassinat à celle de la société ABM, pour créer un alibi qui n'existe pas. Pourtant, l'arrêt de la chambre d'accusation est très clair. L'acte a eu lieu à la suite d'une altercation entre le défunt et l'accusé. Le tribunal qui jugera l'affaire ne peut sortir du cadre de cet arrêt. C'est absurde d'aller chercher un autre alibi et d'attendre jusqu'à ce que l'affaire ABM (liée à des transactions d'achat de matériel informatique auprès de la société ABM dans laquelle son gendre est actionnaire) soit définitive. Cela fait presque six ans qu'Oultache est en attente d'un procès. Que fait-on de la présomption d'innocence ?» Cette affaire n'est pas isolée, puisque le dossier Sonatrach 1, pendant au niveau de la cour d'Alger, est en attente de jugement de plus de deux ans, alors que sept mis en cause, sur la vingtaine d'accusés, sont en détention depuis près de six ans. Programmé une première fois au mois de mai dernier, le procès a été reporté en raison de l'absence de nombreux témoins à l'audience. Au mois de juin dernier, le procès a été renvoyé une seconde fois pour les mêmes motifs, et ce, en dépit de la colère des avocats des accusés en détention depuis presque six ans. Parmi ces derniers, Réda et Fawzi Meziane, les deux enfants de l'ex-PDG de Sonatrach Mohamed Meziane, El Hachemi Meghaoui (ancien PDG du CPA), conseiller de la société algéro-allemande Contel, son fils Yazid, Smaïl Mohamed Réda, patron des sociétés privées Contel Algérie et Contel Funkwerk, ainsi que deux vice-présidents de Sonatrach, Benamar Zenasni et Belkacem Boumediène. Pour nombre d'avocats, ces reports n'ont d'autre explication que de vider les dossiers de corruption de leur contenu, comme cela a été le cas pour le procès Khalifa au tribunal criminel de Blida, ou encore celui de l'affaire autoroute Est-Ouest, qui se sont tous terminés en queue de poisson, laissant l'opinion publique sur sa faim. Certains avocats s'attendent à ce que les deux affaires (Sonatrach 1 et assassinat de Ali Tounsi) soient programmées pour la session prévue du 13 novembre à fin décembre, avant l'entrée en vigueur des nouveaux amendements au code de procédure pénale, en janvier 2016, qui limite sensiblement la détention provisoire. Cependant, nos interlocuteurs s'accordent à dire que «les autorités judiciaires ne veulent plus s'encombrer de ces procès de corruption considérés comme contre-productifs pour elles. Elles vont faire en sorte de réduire à leur plus simple expression en les éloignant des échéances politiques pour en faire des faits divers». Nos sources rappellent comment le dossier Sonatrach 2 a été «assaini» par les plus hautes autorités en éjectant tous les cadres qui l'ont géré de près ou de loin des institutions de l'Etat, après que les poursuites contre Chakib Khelil aient été tout simplement abandonnées et, de ce fait, les mandats d'arrêt lancés contre lui annulés. Après une telle reculade, le procès Sonatrach 1 n'a pas lieu d'être. Il risque de remuer le fond de ce marécage où s'entassent les sales affaires de l'Etat.