Les pouvoirs publics sont en train de prendre un certain nombre de mesures pour protéger raisonnablement des pans entiers de l'économie nationale, concurrencés souvent par des importateurs peu respectueux de la règlementation en vigueur. La vaste majorité des acteurs, à juste titre, est en train d'encourager les décideurs à approfondir les réformes en ce sens. Bien que ce mouvement de rationalisation aurait dû commencer beaucoup plus tôt, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Mais il faut trouver le juste équilibre pour permettre l'approvisionnement de l'économie nationale en produits de première nécessité et en biens et services de haute technologie afin de booster le développement. Pour cela, il est nécessaire d'approfondir les concertations en cours entre les différents acteurs économiques. A juste titre également, les acteurs économiques ont tous proposé la création d'une structure de concertation permanente pour harmoniser au maximum les positions des uns et des autres. Dans de nombreux pays, les décisions de détails au niveau des départements ministériels font l'objet d'intenses consultations entre les partenaires sociaux pour minimiser les cas d'erreurs. Ces échanges parfois denses sont rarement mis en avant par les pouvoirs publics étrangers, ce qui donne l'impression que les consultations sont uniquement formelles et publiques. Il nous faut travailler ainsi. On aurait pu éviter de nombreuses erreurs en matière de négociations internationales, comme celles contenues dans l'accord de libre échange avec l'Union européenne ou la zone de libre échange arable (ZAL). Il est donc impérieux qu'une commission mixte permanente siège au niveau du ministère du Commerce pour prendre des mesures appropriées et concertées. Exportations, Investissements à l'étranger et Craintes des Pouvoirs Publics La protection de la production nationale est un premier axe des mesures de sauvegarde afin de minimiser les impacts négatifs de la chute des prix pétroliers sur l'économie nationale. Nous développerons cet aspect ultérieurement. Cette dimension demeure importante, indispensable mais pas suffisante. Il faut également savoir profiter du développement international et s'intégrer dans les chaînes de valeur mondiales. Ceci est non seulement une condition pour pouvoir diversifier le financement international de son économie, mais surtout transférer les savoir-faire et les pratiques qui vont booster l'efficacité économique interne. Nul n'a mieux compris ce phénomène que les pouvoirs publics et les managers des pays asiatiques. A la fin de la deuxième guerre mondiale, malgré les pénuries et les restrictions en tout genre, le Japon encouragea les petites et moyennes entreprises à s'internationaliser très tôt. On finançait leur développement international alors qu'elles venaient à peine de naître. M. Honda, fondateur de l'entreprise du même nom, envoyait ses équipes vendre, affronter des géants du secteur des motocyclettes (Harley Davidson) alors que son entreprise n'était qu'une PME de moins de dix ans d'âge, fabriquant des produits «dérisoires» par rapport à ses concurrents. Le gouvernement encourageait ces pratiques, et les premières exportations financées par les premiers cash flows positifs des entreprises allaient être réinvestis dans le développement des ventes, puis la production, l'amélioration de la qualité et donc des performances globales de l'entreprise. De nombreuses entreprises entreprirent des décisions similaires. Lorsque M. Samsung amenait avec lui ses cadres pour évaluer les performances de ses produits en Europe et aux USA, il avait pour habitude de dire : «Mes cadres vont observer de visu que notre qualité est dérisoire par rapport à nos concurrents et s'apercevoir que ces derniers n'ont aucun respect pour nous parce qu'ils nous dépassent de loin». Les efforts consentis par ses troupes ont fini par produire des résultats spectaculaires. J'écris cela parce qu'il y a beaucoup de producteurs algériens qui se frottent les mains en disant : «ça y est, l'Etat va nous protéger, on aura un marché captif et nous n'avons pas besoin de fournir des efforts considérables pour nous en sortir.» Miser sur les Entreprises Gagnantes Pour cela, l'Etat a besoin d'assainir l'environnement de sorte à permettre l'essor de l'économie nationale. Il y a lieu d'assainir la situation des importations. Mais également importante est l'insertion de nos entreprises dans les chaînes de valeur internationales, de sorte à asseoir définitivement le processus de développement. Mais il y a une question qui empoisonne la vie économique en Algérie : c'est l'accès au financement international. Les pouvoirs publics sont effrayés par la surfacturation et la possibilité des fuites des capitaux aussi bien par les importateurs que les exportateurs. La problématique du taux de change montre que le système passé (le glissement orienté) commence à montrer de sérieuses limites. Il faut passer à autre chose. Il nous faut de nouveaux mécanismes pour protéger les ressources de l'Etat et permettre aux entreprises efficaces d'accéder sans difficulté à des financements internationaux pour se développer. Il est possible de concevoir un autre système qui fonctionne plus efficacement, mais architecturé avec les partenaires économiques. La Turquie et la Tunisie avant la «révolution» avaient des pratiques d'accès aux financement internationaux qui ont permis de bien booster l'exportation et un minimum d'investissement international pour globaliser leurs entreprises. Il y a plusieurs alternatives possibles. Nous pouvons imaginer un réseau de bureaux de change alimentés en partie par des ressources publiques (5 à 10 milliards de dollars) et une partie des exportations des entreprises qui vendraient les devises au taux du marché. Les produits de première nécessité resteront subventionnées, surtout pour les couches défavorisées, au début indirectement, puis directement lorsque le système d'information national sera au point. Il ne s'agit nullement de démanteler le système des transferts sociaux tant qu'il n'y a pas une alternative crédible, pragmatique et efficace. C'est un système qui permettra aux entreprises de s'alimenter directement sur le marché des changes et à l'Etat de sauvegarder une partie de ses recettes pour investir dans le développement économique. Le système de taux de change actuel n'est plus viable. Il crée des problèmes aussi bien pour l'Etat que pour les opérateurs économiques crédibles. On ne peut pas dans l'Algérie d'aujourd'hui fonctionner avec un système qui a bien rendu service dans l'environnement des années 1990 et 2000. Il nous faut une tout autre architecture du taux de change. Je n'ai pas exploré toutes les alternatives et toutes les expériences des différents pays. Mais le système actuel va pénaliser l'Etat, les entreprises efficaces et toute l'économie nationale. Si on ne le change pas, il va empoisonner la vie des entreprises et des citoyens. Il est temps de le changer et rapidement.