Depuis quelques années, la forêt récréative Errich draine les foules. Situé à une hauteur de 600 m au nord du chef-lieu de la wilaya de Bouira, cet espace boisé est devenu une destination quotidienne pour des milliers de citoyens qui y pratiquent du sport, mais aussi des familles en quête de repos et d'oxygène. Cette forte présence concrétise la victoire sur le terrorisme qui, lors de la décennie noire, avait élu domicile dans cette partie de la ville. Tout le monde a en tête cette attaque contre un convoi de policiers de l'unité républicaine, stationnée dans la ville Haïzer, qui avait coûté la vie à 17 fonctionnaires originaires de Bouira et de ses alentours. Devenu un lieu de détente et d'évasion pour les Bouiris et devant l'engouement et cette importance, le site a bénéficié d'une enveloppe avoisinant les 7 milliards de centimes pour son aménagement. C'est en grande pompe qu'un ex-wali avait lancé ce projet qui, au grand dam des citoyens allait avec le temps se résumer à quelques kiosques en pleine forêt, quelques sentiers bordés de pierres et une dizaine de tables installées sous les pins, des chaises non confortables confectionnées sur place. Tout au long de ces années, le bureau d'études en charge du projet ne cessait d'exposer des maquettes qui annonçaient un grand restaurant gastronomique, des pistes cyclables, des pistes pédestres, un espace pour les sports équestres. Pour élever des chevaux, un terrain aurait même été attribué à une vétérinaire native de Sétif avant qu'il ne lui soit retiré. La direction de la jeunesse et des sports, de son côté, a gazonné le terrain de football mais sans l'alimenter en eau et en énergie électrique. La promesse de mettre en place des lignes de transport depuis et vers cette forêt n'est plus qu'un lointain souvenir. Même la retenue collinaire qui s'y trouve a fini par devenir un danger et chaque année on enregistre des noyades de jeunes avides de natation et de fraîcheur. Le lancement des travaux confiés à une entreprise privée s'étireront dans le temps. Les kiosques n'ont ni porte ni fenêtre, ils sont dépourvus de commodités. Pour l'éclairage, on annonce le recours aux panneaux solaires qui seront installés dans un avenir proche. Constructions anarchiques L'association Les amis d'Errich avait manifesté son refus et sa désapprobation au motif que le béton a déjà envahi les alentours et qu'il fallait préserver les lieux dans leur état naturel. Les membres qui avaient l'habitude de nettoyer les lieux ont crié leur refus de ce «projet» budgétivore. Leur demande a été rejetée. L'association a fini par baisser les bras devant les pressions. Les autorités se sont limitées à la pose d'une barrière à l'entrée de cet espace interdisant tout accès aux véhicules dès lors qu'un long espace a été aménagé en parking auto. «La préservation des lieux ne peut se résumer à l'interdiction des voitures. Elle est sujette à plusieurs autres actions», nous confie un docteur amateur de la course à pied. La présence des voitures est nuisible à plus d'un titre, mais d'autres faits et actions sont plus destructeurs. «La sauvegarde des lieux n'est pas du ressort de l'autorité seulement. Les visiteurs des lieux aussi ont une responsabilité», ajoute notre interlocuteur. Lors de notre passage, nous avons remarqué des sachets accrochés aux arbres, d'autres posés à côté des pins et des chênes. Des balançoires de fortune sont laissées sur place. Les amateurs de boisson jettent leurs canettes dans les buissons. Des amas de détritus et d'ordures ménagères sont déposés sur l'accotement de la voie qui traverse le site. «Ces comportements sont la cause d'un manque de culture écologique, mais aussi dus en partie au laisser-aller manifeste des responsables», commente-t-on. La dégradation est plus manifeste à l'entrée de ce «poumon de la ville de Bouira». Plusieurs personnes sont venues s'installer pour y exercer moult activités commerciales. En plus des loueurs de chevaux et de petits véhicules, les vendeurs des jus exposés au soleil… même le petit parc d'attractions doté de deux balançoires et de deux toboggans ne désemplit pas. La forêt Errich, qui a survécu aux multiples incendies criminels lors de la décennie noire, court un réel danger si dans l'immédiat des mesures pour la protéger ne sont pas prises. La construction de baraques en béton au milieu de la forêt est une grave atteinte à la nature. Le grand projet n'est d'aucun impact. Les gens qui se rendent à Errich veulent profiter de la nature, de fraîcheur et d'air pur. Aucune activité commerciale ne doit être autorisée sur les lieux, aucune construction en béton ne doit être permise, les lieux doivent rester vierges, indiquent des citoyens protecteurs de l'environnement.