Ce qui n'était qu'une insistante rumeur s'est confirmé à la faveur de la visite du wali à l'usine de détergent Henkel. Premier constat, ce qui fut un véritable complexe industriel n'est aujourd'hui qu'une petite entreprise qui, de dégraissement en dégraissement, a vu le nombre de ses salariés chuter de 950 dans les années 1980 à 156. Subséquemment, des quatre gammes de produits qui en sortaient, il n'y en a plus qu'une, celle du détergent poudre. Pis, les équipements qui le produisent sont en phase d'agonie avancée, seulement deux machines sur quatre fonctionnent encore, les deux autres étant devenues inopérantes. Par ailleurs, l'état d'obsolescence de celles en marche est tel qu'elles tournent au ralenti au point que de trois équipes d'ouvriers, on est passé à deux qui se relaient dessus. Les autres équipements mis à l'arrêt par Henkel à Témouchent, eux, assuraient la fabrication du détergent liquide, de la poudre récurrente (type Vim) et de l'acide sulfonique. La production des deux détergents a été confiée aux deux autres unités de Henkel de Réghaïa et Chelghoum Laïd après que la joint-venture Henkel-Enad contractée en mai 2000, avec 60% des parts à Henkel et 40% pour l'ENAD, a évolué en décembre 2004 en privatisation totale au profit du géant allemand. Ce dernier avait opté pour la spécialisation de chacune de ses unités dans la production d'un seul produit. Cependant, le troisième produit, l'acide sulfonique, qui entre dans la production des détergents est, aujourd'hui, importé alors que les équipements pourtant réhabilités sont à l'arrêt. Dans cette dernière affaire, Henkel a été aidé par la direction de l'Energie et des Mines de Témouchent si l'on se réfère à ce qui a été rapporté dans ces mêmes colonnes le 22 février 2013. En effet, cette direction, sous prétexte sécuritaire, mais sans le prétexter formellement, a refusé d'autoriser le transfert de l'acide sulfonique et autres matières premières vers les unités de Chelghoum Laïd et Reghaïa, ce qui a provoqué chez elles des fermetures temporaires pour rupture de stock. Y a-t-il eu cause à effet puisqu'en 2014 l'unité de Témouchent n'a bénéficié d'aucun investissement salvateur de la part de Henkel contrairement à ses deux autres unités de Reghaïa et Chelghoum Laïd ? Pour la première, il a été consenti 2 milliards de dinars pour son extension en vue de l'augmentation de ses capacités de production et de stockage ainsi que la modernisation de l'outil de production alors que pour la seconde, il a été consacré 500 millions de dinars pour l'amélioration de ses outils de production et de ses infrastructures. Car comment expliquer que l'usine de Témouchent soit conduite vers la décrépitude. Selon d'aucuns, le désengagement manifeste de Henkel a d'autres causes d'autant que cette entreprise détient une position de leader en matière de détergent en Algérie avec 40% des parts du marché et que les ventes du savon en poudre produit à Témouchent est en augmentation. La seule explication tient plutôt d'une logique à l'échelle de la multinationale qui n'appréhende pas son activité en fonction du marché national mais des opportunités qui s'offre à elle au niveau international. A cet égard, en aout dernier, son PDG, s'adressant au personnel, a évoqué, sans trop de précisions, une cession à des opérateurs algériens. Cette assertion fait aujourd'hui les gorges chaudes à Témouchent sachant qu'en 2010 Henkel a procédé à la vente de terrains faisant partie des actifs résiduels de l'entreprise à Réghaïa. Les autorités locales sont alarmées d'autant que sur les 23 ha cédés à l'ex-ENAD, seulement 5 ont été utilisés alors que 18 ha sont demeurés en déshérence sur une zone industrielle où le foncier fait cruellement défaut. Le wali vient d'annoncer qu'il fera usage du droit de préemption de l'Etat pour récupérer le foncier industriel en excédent sur la base d'une évaluation domaniale puisque le terrain a été vendu par les domaines. Il y a cependant à craindre que des interférences occultes risquent de mettre en échec les intentions du chef de l'exécutif de wilaya sachant que le patriotisme économique n'est pas partout une valeur partagée.