Le tribunal militaire de Blida a été dessaisi du dossier du général Hassan, sur décision du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Ce dernier a choisi le tribunal militaire d'Oran pour juger l'ancien chef de la lutte antiterroriste du DRS. A près plus de deux mois de détention à la prison militaire de Blida et une instruction à peine entamée par le juge du tribunal de cette même ville, le général-major Abdelkader Ouarabi, dit Hassan, ex-chef du Service central opérationnel du renseignement antiterroriste (Scorat), dépendant du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), vient d'être déféré devant le tribunal militaire d'Oran. Confirmée par son avocat, Mokrane Aït Larbi – qui a d'ailleurs refusé tout commentaire sur le sujet –, cette décision a été prise par le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, se basant sur l'article 30 du code de justice militaire qui précise qu'au-delà du grade de capitaine, les officiers ne peuvent être jugés dans la circonscription dans laquelle ils ont exercé. Cette décision intervient après un large mouvement dans les rangs des procureurs des tribunaux militaires opéré par le chef d'état-major, qui a touché au moins 14 colonels. Des sources bien informées avaient qualifié ces changements de «purges» ciblant les procureurs et les juges installés par l'ex-directeur de la justice militaire, Mohamed Laïd Guendouz, limogé avant d'être mis à la retraite à la suite du procès du lieutenant de la Garde présidentielle – jugé par le tribunal militaire de Blida dans le cadre de l'affaire de la présumée attaque de la résidence d'Etat de Zéralda et condamné à 3 ans de prison, une peine qui ne reflète pas l'accusation de «complot» et «attaque présumée contre le Président» colportée par de nombreux médias l'été dernier. L'opération de limogeage avait ciblé non seulement le directeur de la justice militaire, mais également l'inspecteur et le procureur du tribunal de Blida, qui a été la première juridiction militaire qui a vu des changements importants parmi son personnel. Quelque temps plus tard, de nombreux autres tribunaux (Oran, Béchar, Constantine, Ouargla) subissent un lifting qui en a surpris plus d'un. Le vice-ministre a signé des mises de fin de fonction pour 14 colonels, un record jamais atteint au sein du département de la justice militaire. Tous vont grossir les rangs des retraités, alors que nombre d'entre eux n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite. Adressé à ses éventuels détracteurs, le message de Gaïd Salah, l'homme fort du moment, a été très clair. Deux questions restent cependant posées. Les nouveaux responsables du tribunal militaire d'Oran auront-ils les coudées franches pour instruire et juger l'affaire du général Hassan, en leur âme et conscience ? Sont-ils à l'abri de toute pression ou sanction au cas où leur décision ne répond pas aux attentes du chef, sachant que le ton a été donné lorsque le tribunal de Blida avait rejeté la mise en liberté provisoire pour des raisons évidentes et avérées de santé ? En effet, en dépit du lourd dossier médical présenté par son avocat pour justifier la demande de mise en liberté provisoire, le tribunal militaire avait préféré maintenir en détention le mis en cause, qui a croupi dans les geôles de Blida pendant plus de deux mois. Une autre violation qui vient se greffer à une longue liste d'autres griefs décriés par ses deux premiers défenseurs, maîtres Miloud Brahimi et Abdelmadjid Sellini. Bâtonnier de son état, ce dernier a vu sa constitution rejetée par le tribunal sans motif. Un fait unique dans l'histoire de la justice, qualifié par de nombreux avocats d'«atteinte grave au droit à la défense». Si officiellement, aucune raison n'a été avancée pour expliquer cette décision, dans les couloirs du tribunal militaire, le motif invoqué est lié à «la médiatisation» de l'affaire. «Le premier responsable de la hiérarchie militaire veut traiter le dossier dans le silence, loin des projecteurs et des stylos», nous dit-on. Mis dans une situation de blocage, le prévenu décide de faire appel à un autre avocat, surtout que Me Brahimi s'est déclaré solidaire de son confrère le bâtonnier. Me Aït Larbi prend le relais. Après deux entrevues, il introduit une demande de remise en liberté accompagnée d'un dossier médical, assiste le général durant son audition dans le fond. Et à aucun moment la compétence du tribunal de Blida n'a été remise en cause. Une fois les changements opérés à la tête des tribunaux, la demande de l'avocat est rejetée et, une semaine après, Gaïd Salah désigne le tribunal militaire d'Oran pour juger l'affaire. Une affaire qui repose sur deux chefs d'inculpation seulement : «non-respect des consignes de la hiérarchie» et «destruction de documents». Des faits que Me Brahimi avait qualifiés d'«infondés et non avérés». L'avocat avait même affirmé que le dossier présenté à la justice militaire était «vide». Peut-on croire que cette affaire pourra être traitée dans la sérénité avec autant d'interférences, de violations de la procédure et de pressions ?