Elles sont douze artistes algériennes, dont l'âge oscille entre 23 et 84 ans à chanter, merveilleusement, le répertoire ancestral du Sud algérien. Elles ont fait leur baptême du feu en août dernier, lors de la tenue du 8e Festival international de musique diwane à Alger. Ces douze femmes, unies par l'amour et la passion de la musique, se sont réunies autour d'un beau projet initié par la chanteuse Souad Asla. «Lemma Bechariat» est un spectacle musical regroupant différents genres musicaux, dont entre autres El Ferda au féminin, Djebbariate et El Hadra. Ces femmes au talent inégalé se sont produites, récemment, à Constantine, lors de la cérémonie de clôture de l'atelier d'experts africains organisé par l'Unesco. L'initiatrice de ce projet, la chanteuse Souad Asla, nous confie qu'il s'agit là d'un projet qui lui tenait à cœur depuis quelques années déjà. «C'est un rêve, dit-elle, que je suis en train de réaliser.» Elle a eu l'immense bonheur de grandir avec ces femmes formidables. Il est vrai que Souad Asla a été bercée dans les coulisses d'une société traditionaliste, mais où la musique traditionnelle régnait en maître. Les chants du Sud l'ont envoûtée depuis son plus tendre âge. Ces douze femmes aux profils différents, mais atteintes par le même syndrome de la musique investissent la scène pour une durée de deux heures de spectacle. Si la doyenne de cette formation, Zaza, cumule une expérience de quarante-sept ans de carrière, la plus jeune n'a que vingt-trois ans. Spécialisée dans la Hadra, Zaza est réputée dans sa région et dans le monde entier d'ailleurs pour son énergie de folie et pour sa parfaire maîtrise des percussions. Hasna El Bécharia est une autre artiste à la réputation internationale, maîtrisant avec brio le gumbri, le banjo et le pilon. A la question de savoir comment s'est effectué le choix de ces artistes, la chanteuse Souad Asla indique qu'elle a organisé plusieurs résidences dans sa ville natale, à savoir Béchar. Mais, cependant, c'est lors de la dernière résidence qu'elle a convoqué toutes ces femmes pour leur présenter le projet en question. Comme attendu, elles ont toutes donné leur accord de principe. De là, l'ensemble de la formation est descendu à Taghit pour une résidence d'une semaine. Dès lors, les morceaux musicaux ont été minutieusement choisis. Sur la lancée, Souad Asla précise qu'elle travaille régulièrement dans cette région avec une association œuvrant pour la préservation du patrimoine oral de la Souara. «Lemma Bechariat» sont ces femmes qui excellent entre autres dans El Ferda au féminin. Un genre féminin que le public ignore alors que son existence remonte à des lustres. C'est beaucoup plus El Ferda au masculin qui est assez réputé et prisé à la fois. Souad Asla ne peut s'empêcher de rappeler que c'est le commissaire du Festival international de la musique diwane d'Alger qui a donné l'opportunité à la formation «Lemma Bechariat» d'assurer la première partie d'un spectacle, et ce, après lui avoir remis une vidéo. Bien entendu, le spectacle a été réduit de 45 minutes. Notre interlocutrice précise que pour réaliser le grand spectacle dans son intégralité d'une durée de deux heures, il faut, une aide financière conséquente. De même qu'il faudrait réaliser une autre résidence. «J'ai vu l'aspect musical, explique-t-elle, maintenant il faut étudier le scénique. La plupart de ces femmes ne sont pas habituées à la scène. Il faut qu'on fasse un travail de fond concernant notamment la chorégraphie. Pour cela, il nous faudrait une autre résidence et après une avant-première. J'ai besoin également qu'on m'aide pour effectuer une tournée nationale», ajoute timidement Souad Asla. Notre vis-à-vis précise que le projet en question elle veut le réaliser et le roder en Algérie avant de le présenter à l'étranger. Elle avoue qu'elle a été contactée par une journaliste française qui est prête à venir en Algérie avec son ingénieur du son pour enregistrer deux émissions complètes. «Mon idée première, argue-t-elle, c'est de peaufiner et de finir ce projet dans mon pays natal. J'ai envie de le faire tourner ici. Je sais que c'est quelque chose qui plaît. Les Algériens ont été ravis de découvrir ce genre musical. Certains ne savaient même pas qu'il y avait des femmes qui jouaient du karkabou, du tbal à la perfection. Le gnawa algérien est là, il est beau, mais malheureusement il est mal exploité.» Si ce projet bien ficelé vise à préserver le patrimoine oral ancestral, il n'en demeure pas moins qu'il contribue également à dévoiler des talents cachés. Comme le dit si bien Souad : «J'ai eu la chance de faire des concerts. Maintenant, je profite de cette chance pour donner l'opportunité aux artistes méritants de montrer leurs preuves», conclut-elle d'une voix très émue.