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«Je suis une lectrice du monde»
Amal Bouchareb. Ecrivaine
Publié dans El Watan le 28 - 11 - 2015

- Dans Sakarat Nedjma, vous empruntez les codes du thriller. Pourquoi ce choix ?
Au fait, il s'agit d'une décision technique liée au choix de la thématique de «la théorie du complot». Le roman adopte naturellement des procédés narratifs qu'on trouve dans le thriller : rétention d'informations, fausses pistes... Le thriller était donc le genre idéal pour dompter ce thème manipulateur et paranoïaque par excellence.
- Ce roman polyphonique dépeint aussi une société algéroise gangrenée par le mensonge et la violence. N'est-ce pas aussi une autopsie de ce corps social ?
Le roman a donné justement une voix à chaque «agent» plus ou moins responsable de cette maladie de la société à l'issue fatale comme l'évoque le titre. Mais c'est au lecteur de jouer le rôle d'anatomopathologiste pour trancher qui est-ce qui a entraîné le plus rapidement la mort… Ou alors réaliser que c'est l'assortiment de tous ces agents qui a réduit cette société à un état cadavérique.
- Votre précédent recueil de nouvelles évoquait aussi des problématiques sociales, avec ces femmes déboussolées par les exigences de la société contemporaine. Peut-on y voir une continuité ?
Essayer de mettre en exergue ce chaos féminin contemporain n'était qu'une façon pour décrire un cas symptomatique d'une société décadente. La femme en est une partie intégrante et joue un rôle principal dans cette détérioration : soit par un effacement systématique de soi, exprimant une obéissance totale au système phallocratique, ou bien par l'implication directe dans des actes de corruption en signe encore plus flagrant de soumission aux lois de la jungle patriarcale. Ce phénomène a été mis sous microscope au pouvoir amplifiant dans Alayha Thalathat Achar et trouve une certaine continuité dans Sakarat Nedjma.
- Dans les deux livres, nous sommes dans l'ultra-contemporain. Est-ce important de travailler sur cette matière vivante de l'actualité ? Le romancier doit-il quitter sa tour d'ivoire ?
Cette notion de tour d'ivoire où se retranchent certains écrivains émane d'une pensée binaire divisant les êtres en dominants et dominés : blanc/Noir, homme/femme, auteur/lecteur ! Or, la littérature ne doit pas refléter une attitude dominatrice. Dans son essence, la littérature a toujours cherché à aller vers l'autre en incarnant — bien avant l'avènement du postmodernisme — le concept d'altérité sous toutes ses formes.
Elle n'a jamais été un moyen d'exprimer une quelconque forme d'égocentrisme. Aujourd'hui, où le flux d'informations nous submerge, le romancier doit comprendre que le monde ne tourne pas autour de sa petite personne. Il n'y a donc plus lieu de se comporter comme une divinité dans une société, on est censé agir et réagir en citoyen.
- Vous utilisez efficacement les «théories du complot» comme matériaux romanesques. Comment vous est venue cette idée ?
La théorie du complot est devenue un culte mondial et aucune société n'y échappe. Les exemples sont multiples dans diverses communautés... De ce fait, c'était le désir de créer un «jumelage» entre deux esprits complotistes dans deux sociétés que je connais bien (ndlr : Alger et Turin) qui m'a inspiré…
Le désir de voir ces extrêmes qui se touchent ! C'est pour cela que «l'autre» dans Sakarat Nedjma n'a pas été présenté de façon stéréotypée comme l'inconnu, le différent ou le lointain, mais tout simplement comme l'autre revers de la médaille ! A la base, ces théories révèlent un sentiment de vulnérabilité qu'éprouve toute communauté faible ou fragilisée. Mais lorsqu'on arrive au point de ne plus pouvoir raisonner hors du cadre victimaire, il devient sans aucun doute la manifestation d'une vraie perversion socio-intellectuelle.
- En lisant, on devine un important travail de documentation en amont. Pour vous, l'inspiration ne suffit pas ?
Si l'inspiration veut dire épuiser nos expériences personnelles pour noircir les pages, je dirais que l'inspiration ne pourrait suffire à aucun auteur, sinon à écrire des romans autobiographiques ou presque. Pour moi, l'écriture a toujours été associée aux notions intarissables d'engagement, assiduité et recherche, plutôt qu'aux notions floues d'inspiration ou de révélation prophétique.
- Dans le découpage quasi cinématographique des chapitres, on vous sent proche de la littérature américaine. Quelles sont vos influences ?
Peut-être la technique la plus «américaine» utilisée dans ce roman à laquelle vous faites allusion est la cliffhanger (ndlr : interruption du récit au sommet du suspense). Une technique justement très diffusée dans la littérature américaine contemporaine, mais qui remonte à la tradition littéraire orientale, comme on la retrouve très fortement dans Les Mille et Une Nuits, et qui a été introduite bien avant, mais légèrement, dans L'Odyssée. La littérature ne peut pas avoir une identité nationale pure, même si certains la veulent encore comme manifestation folklorique dans ce monde désormais globalisé. Personnellement, je me considère comme «lectrice du monde», je lis en arabe, en anglais, en français, en italien ou en traduction tout ce qui est beau dans la littérature.
Je ne résiste surtout pas à m'imprégner de ce que j'apprécie de toutes ces traditions littéraires qui ne sont pas aussi différentes qu'on peut l'imaginer. A cet effet, Sakarat Nedjma ne peut, à mon avis, être défini ni comme un conventionnel whodunit anglais (ndlr : roman d'énigme), ni comme un hard-boiled (ndlr : roman noir), typiquement américain. Mais comme une œuvre essentiellement algérienne avec une empreinte indéniablement mondiale.
- Sakarat Nedjma est aussi une référence directe à Nedjma de Kateb Yacine. Quel est votre rapport à cette œuvre ?
Effectivement, Sakarat Nedjma entretient un rapport intertextuel avec plusieurs œuvres, mais plus évidemment avec le roman le plus célèbre et le plus fascinant de la littérature algérienne. Kateb Yacine y a représenté la patrie en femme énigmatique. C'était l'être désiré… C'était la nation algérienne avant l'indépendance. Qu'est devenue Nedjma après l'indépendance ? C'est ce que j'ai essayé d'explorer dans mon roman.
- Des poèmes melhoun aux chants de supporters, en passant par les chansons raï à la mode, la littérature populaire au sens très large est omniprésente dans le roman. Qu'apporte-t-elle à votre écriture ?
En effet, ce détail a marqué le plurivocalisme du roman. A travers les goûts musicaux, j'ai accentué les nuances culturelles des personnages. Cela dessine aussi une confrontation entre les différentes voix en montrant leurs divergences. Souvent, les dialogues ne se déroulent plus verbalement, mais entre ce qu'écoute chacun en silence dans son coin.
- Ecrit dans un arabe moderne, le roman est aussi un festival de langues (italien, français, hébreu…). D'où vient cet intérêt pour les langues ?
C'est la dimension multiculturelle du thème abordé qui a suggéré cette richesse linguistique. De même que le changement du registre de langue en arabe qui s'effectuait de manière très subtile en fonction du background culturel, social et régional de chaque personnage.


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