Du jazz, du mouachah arabe, du chant diwan et de la musique traditionnelle maghrébine. Le projet musical Nights in Tunisia, un titre qui peut rappeler le légendaire morceau de Charlie Parker et Miles Davis A night in Tunisia, est un mélange de rythmes, de sonorités, de mélodies et d'harmonies. Nights in Tunisia est un projet du groupe français Diagonal, présenté dimanche à la salle Ahmed Bey de Constantine, lors de la troisième soirée du 13e Festival international du jazz (Dimajazz). L'arrivée tardive du chanteur Messaoud Meta a quelque peu perturbé le programme du groupe. Sidi Abdelkader était la première pièce jouée par Diagonal, fortement porté par le jeu de batterie de Karim Ziad et celui du saxophoniste Vincent Mascart. Le groupe a enchaîné avec Saba, un mélange de sonorités orientales et sahariennes «exprimées» par le violoniste Ziad Zouari, suivi de Salamalik, une composition riche en senteurs afro-arabes interprétée avec brio notamment par le bassiste Linley Marthe. La jeune chanteuse Kawther a été rejointe par Meta pour interpréter le mouachah Jalaman. Un chant spirituel a été ensuite présenté à la manière des récitants soufis du Livre saint, suivi de Ya sakinan qui porte les couleurs de la musique savante des anciens temps. Et pour terminer, Diagonal a interprété une chanson populaire tunisienne avec de petites notes du malouf constantinois et tunisois. Nights in Tunisia est né il y a dix ans d'une rencontre entre le tromboniste et compositeur français Geoffroy De Masure et le violoniste tunisien Jasser Haj Youcef. «Je n'avais pas du tout connaissance de la musique arabe et particulièrement du Maghreb. En faisant des voyages, en explorant les différents folklores et en collaborant avec Haj Youcef, j'ai extrait des pièces qui m'intéressaient. Nous avons commencé à travailler à partir de là. Le projet, qui n'a pas abouti tout de suite, est resté sans diffusion», a relevé Geoffroy De Masure lors d'une rencontre avec la presse après le concert. En 2011, l'arrivée du compositeur et pianiste français Jean-Christophe Cholet relançait de plus belle le projet avec une nouvelle orchestration. «Nous avons modifié le format en ajoutant un chanteur et un trompettiste. J'ai trouvé regrettable que la musique de Geoffroy reste dans un tiroir. Nous l'avons donc reprise», a expliqué Jean Christophe Cholet, qui a également sollicité ses collaborateurs pour le financement et la diffusion du projet. Faut-il parler de fusion ? «On peut parler de cela dans la mesure où l'on part vers une culture qui n'est pas la nôtre. Donc, forcément c'est un travail de rencontre», a souligné Geoffroy De Masure. Il a évoqué l'importance de l'improvisation dans ce genre de projets musicaux, dont la base reste le jazz. «Il y a beaucoup de choses qui ont été creusées dans le jazz et dans la musique traditionnelle. Je travaille depuis des années sur ces musiques de croisement. La musique de Geoffroy De Masure m'intéresse parce qu'elle correspond à ce que je fais depuis vingt ans. En Chine, j'ai travaillé avec des musiciens de la minorité Miao. Après, on perd de l'authenticité du jazz d'un côté et de la musique traditionnelle de l'autre. C'est un travail de composition, d'écriture... Sinon, comment peut-on faire avancer la musique ?» a souligné Jean-Christophe Cholet. Selon Geoffroy De Masure, l'oud, la gasbah et les karkabou étaient présents lors de l'enregistrement de l'album Nights in Tunisia, mais pas sur scène. «Difficile de restituer tout ce monde-là sur scène. Pour certaines chansons, nous avons sollicité des chœurs lors de l'enregistrement», a-t-il affirmé. Le problème avec le violon, d'après Jean-Christophe Cholet, est lié aux quarts de ton. «Il y a des solutions parfois, comme par exemple poser les accords là où il n'y a pas de quart de ton. Le quart de ton est toutefois une richesse musicale», a-t-il noté. «Il faut oser, ne pas avoir peur de faire des choses. Nous sommes des musiciens aux oreilles ouvertes. Nous essayons de prendre ce qui peut l'être. Pour le projet Nights in Tunisia, nous avons pioché dans différents éléments musicaux, y compris le mouachah qui est très ancien. Autant que possible, nous essayons de ne pas toucher à ce qui est sacré», a expliqué Geoffroy De Masure. Après Constantine, Geoffroy De Masure et Jean-Christophe Cholet (qui est également chef d'orchestre et qui écrit des chants pour les chœurs d'enfants) seront en concert à Berlin. En deuxième partie de soirée, le groupe de musique colombienne Cumbia Ya ! a mis le feu aux poudres avec un fort appui de cuivres et de percussions. Les chanteurs argentins Soledad Roméro et Augusto Ramo, qui dirigent le groupe, restent attachés aux formes musicales populaires de l'Amérique du Sud (lire papier sur www.elwatan.com).