Dans une lettre rendue publique hier, l'ex-chef du DRS se dit «consterné par l'annonce du verdict prononcé par le tribunal militaire d'Oran à l'encontre du général Hassan». Le général-major à la retraite annonce que «le plus urgent aujourd'hui est de réparer une injustice qui touche un officier qui a servi son pays avec passion». L'ancien patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le général de corps d'armée Mohamed Médiène, dit Toufik, sort de son silence. Dix jours après la condamnation par le tribunal militaire d'Oran du général Abdelkader Aït Ouarabi, dit Hassan, chef de la lutte contre le terrorisme à 5 ans de prison ferme, accusé de «non-respect des consignes militaires» et «destruction de documents militaires». La plainte a été, faut-il rappeler, déposée par le ministère de la Défense nationale. L'arrestation «illégale» du général Hassan, sa détention et sa condamnation ont suscité des vive réactions dans l'opinion publique et de la classe politique. Hier, c'est l'ancien patron du DRS lui-même qui a jugé que le moment était venu pour tirer au clair cette affaire qui sent vraiment le règlement de comptes. Le général Toufik, poussé à la retraite, met les points sur les «i». Dans une déclaration dont El watan a obtenu une copie, l'ex-patron du renseignement algérien bat en brèche toutes les accusations portées à l'encontre de l'ex-chef du Service de coopération opérationnelle et de renseignement antiterroriste (Scorat). Il dit d'abord être «consterné par l'annonce du verdict prononcé par le tribunal militaire d'Oran à l'encontre du général Hassan». «Après avoir usé de toutes les voies réglementaires et officielles», l'ancien patron du DRS qui a eu à écrire au chef de l'Etat, comme cela a été révélé par une tribune publiée par l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar, a estimé qu'il était de son «devoir de faire connaître» ses «appréciations à l'intention de tous ceux qui sont concernés par ce dossier, ainsi que ceux qui le suivent de près ou de loin». «Le général Hassan était le chef d'un service érigé par le décret agissant sous l'autorité de mon département», a affirmé le général Toufik qui précise à ce titre que le concerné était «chargé d'une mission prioritaire avec des prérogatives lui permettant de mener des opérations en relation avec les objectifs fixés». Selon lui, les activités du service du général Hassan étaient «suivies régulièrement dans le cadre réglementaire». L'ancien patron du DRS qui déconstruit tout l'argumentaire sur lequel l'ex-responsable du Scorat a été jeté en prison donne aussi des précisons sur l'opération «qui lui a valu l'accusation d'infraction aux consignes générales». N'ayant pas pu se présenter comme témoin au tribunal d'Oran qui ne l'avait pas convoqué malgré l'insistance des avocats du général Hassan, le général Toufik affirme en effet que celui-ci a traité ce dossier dans le respect des normes et en rendant compte aux moments opportuns. «Après les résultats probants qui ont sanctionné la première phase de l'opération, raconte l'ex-patron des Services, je l'ai félicité – lui et ses collaborateurs – et encouragé à exploiter toutes les opportunités offertes par ce succès». «Il a géré, insiste-t-il, ce dossier dans les règles, en respectant le code du travail et les spécificités qui exigent un enchaînement opérationnel vivement recommandé dans le cas d'espèce». Pour lui, «le général Hassan s'est entièrement consacré à sa mission. Il a dirigé de nombreuses opérations qui ont contribué à la sécurité des citoyens et des institutions de la République». «Sa loyauté et son honnêteté professionnelle ne peuvent être remises en cause», tranche l'ancien patron du DRS pour qui le général Hassan fait partie de cette catégorie de cadres capables d'apporter le plus transcendant aux institutions qu'ils servent. «Au-delà des questionnements légitimes que cette affaire peut susciter, le plus urgent aujourd'hui, souligne-t-il, est de réparer une injustice qui touche un officier qui a servi son pays avec passion, et de laver l'honneur des hommes qui, tout comme lui, se sont entièrement dévoués à la défense de l'Algérie». Avec cette intervention, l'ancien patron du DRS qui n'a pas pu témoigner lors du procès qui s'est déroulé à huis clos au tribunal militaire d'Oran, et qui s'exprime pour la première fois, détruit toutes les accusations qui sont faites à l'encontre du général Hassan qui n'a commis aucune erreur dans l'exercice de ses missions. Son avocat, Me Mokrane Aït Larbi, avait fait une déclaration fracassante au lendemain de sa condamnation en rappelant les conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès. «Les droits de la défense dans l'affaire du général Hassan sont violés, de son arrestation jusqu'au prononcé du jugement», avait-il dénoncé. «Procès injuste» Selon Me Aït Larbi, l'ancien patron du Scorat a été arrêté chez lui à 21h30 et est resté «sans l'assistance d'un avocat pendant plus d'un mois». «Les ordonnances ne m'ont pas été notifiées pour exercer les voies de recours, et le procureur militaire n'a pas convoqué le général de corps d'armée Toufik. Le tribunal n'a même pas statué sur ma demande de renvoi pour convoquer ce témoin capital», avait souligné l'avocat. Selon lui, «les jugements du huis clos et de la condamnation n'ont pas été rendus en audience publique, en violation des principes élémentaires du Code de justice militaire et du Code de procédure pénale». Plus grave encore, avait noté Me Mokrane Aït Larbi, «pour charger le général Hassan, la justice militaire a convoqué un grand trafiquant qui fait l'objet de plusieurs mandats d'arrêt et un officier mis en retraite par l'accusé pour des raisons que je ne veux pas évoquer, tout en refusant la convocation du général Toufik, chef hiérarchique du prévenu.» Même la classe politique n'a pas manqué de réagir à la condamnation très controversée du général Hassan. La Secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, qui avait qualifié le procès de «parodie honteuse et scandaleuse», avait affirmé que «le pouvoir parallèle qui a osé dicter une décision politique contre le général Hassan, un héros et une icône de la lutte antiterroriste !» La pasionaria du PT avait même révélé avoir discuté avec le chef de l'Etat de l'affaire du général Hassan au début de l'année 2014. «Il m'avait dit qu'il est propre, que c'est un patriote, qui n'avait pas commis de faute et que l'affaire est classée», avait-elle rapporté avant de s'interroger sur l'identité de celui «qui a donné les ordres (pour poursuivre le général) ?» Pour le président de Talaie El Houriat, et ancien candidat à l'élection présidentielle d'avril 2014, Ali Benflis, la condamnation du général Hassan relève d'«une épuration politique pour crime de non-allégeance». Il faut dire que la condamnation de l'ancien patron de la lutte contre le terrorisme intervient dans un contexte politique des plus délétères marqué par un vif débat sur les capacités du chef de l'Etat, transféré jeudi dernier dans une clinique de Grenoble en France, pour un contrôle médical, à gouverner le pays. Pour une partie de la classe politique, la décision politique dans le pays est entre les mains de «forces extraconstitutionnelles». Le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, n'a pas manqué de mettre le pied à l'étrier en chargeant, d'abord, Louisa Hanoune, et surtout en accusant l'ancien patron du DRS d'être derrière les initiatives de l'opposition. La lettre du général Toufik est venue laver l'honneur d'un homme qui s'est consacré pour «l'intérêt du pays avec passion», et apporté son témoignage sur un soldat «propre et honnête, qui n'a commis aucune erreur». Il met aussi a nu une justice déjà très controversée.