Il ne se passe pas une rentrée, depuis la sortie des premières promotions, qui ne connaisse son lot de victimes «des dysfonctionnements du système LMD». Au registre des «piégés» dans ce cul-de-sac pernicieux, un groupe de «diplômés au chômage» représentant de quatre promotions sorties de l'université d'Oran, qui nous ont fait part de leur infortune lors du Salon Talents et Emploi. Selon leurs témoignages, il apparaît que les promotions successives d'optométristes (professionnels de la vue) diplômés de l'USTO depuis 2011 n'ont aucune visibilité quant à leur avenir, ballottés entre le ministère de l'Enseignement supérieur et celui de la Santé. «On ne peut pas exercer notre profession ni à titre privé ni dans les cliniques ou hôpitaux parce que le ministère de la Santé ne reconnaît pas notre diplôme.» Ainsi, malgré une formation universitaire de haut niveau, la profession d'optométriste n'est pas reconnue. Les optométristes sont supposés être, grâce à la nouvelle carte de formation LMD, les professionnels incontournables de santé de l'œil et du système visuel pour parer à ce que certains désignent par les «déserts médicaux» et le manque de disponibilité des médecins ophtalmologistes. Forts de leur nouvelles compétences acquises (bac +5) les optométristes assurent ainsi un service oculaire et visuel complet, qui comprend «le diagnostic», ce qui semble gêner certains. «Il paraît que c'est ce point essentiel, qui est l'élargissement du champ de compétence de ces nouveaux arrivants, qui semble empiéter sur le champ d'exercice des ophtalmologistes qui génère des résistances», note une ophtalmologiste d'Oran. Comble de la polémique sur cette spécialité, plusieurs Ordres de professionnels de la santé s'y opposent radicalement, secondés par les opticien-lunetiers qui tiennent boutique. À Oran, la situation des optométristes semble encore plus alambiquée. «Quelques-uns de ces diplômés de mastère en désespérance de cause 'louent' les diplômes de technicien formés par des écoles privées pour pouvoir ouvrir boutique», témoigne un opticien. Rappelons à ce propos que le domaine de compétence des optométristes inclut également la réfraction et la fourniture des équipements optiques, le suivi des maladies oculaires et la réhabilitation du système visuel. En Amérique du Nord et en Angleterre, l'importance des optométristes dans la prise en charge des soins oculo-visuels n'est plus à démontrer. Et c'est suivant ces tendances mondiales que cette formation en LMD a été initiée en Algérie. «La non-reconnaissance de cette discipline est révélatrice d'un suivisme aveugle de la part des ministères de l'Enseignement et de la Santé algériens, qui semblent s'aligner en ignorance de cause sur 'ce qui se passe en France'. Car en France l'optométrie et les sciences infirmières, inspirées par le modèle anglo-saxon LMD, font également face aux oppositions de la tradition des Ordres et de la bureaucratie française», dénonce un enseignant d'Oran, qui se demande, indigné, «comment peut-on expliquer que tant de dépenses en moyens matériels et humains soient aussi bêtement abandonnées». Les diplômés en optométrie dont les doléances restent méprisés par la tutelle ne cessent de clamer que «reconnaître un statut pour les optométristes serait un moyen de pallier l'accès difficile aux soins ophtalmologiques et une solution pour améliorer la santé publique».