Comment manger on et sain ? Autrement dit, comment se nourrir sans s'empoisonner ? «Il faut repenser entièrement notre modèle d'alimentation.» C'est le message fort qui s'est dégagé d'un colloque organisé, les 26 et 27 novembre dernier à l'université de Mostaganem, par la fondation Djanatu Al Arif et l'association AISA, une ONG internationale titulaire d'un statut consultatif spécial auprès de l'ONU. Fruits et légumes bourrés de pesticides, viandes infectées par des germes pathogènes et des moisissures ou contenant des toxines et des résidus médicamenteux (notamment des antibiotiques), poulet à la dioxine, tromperies sur l'étiquetage... Les dangers alimentaires sont inestimables. «Majoritairement composée d'aliments salés, sucrés, gras, transformés et pauvres en ingrédients naturels, l'alimentation industrielle d'aujourd'hui ne répond plus aux besoins de l'être humain», déplorent les initiateurs de ce colloque, pour qui «la recrudescence des maladies chroniques induites par l'appauvrissement nutritionnel qualitatif génère des effets délétères sur la santé des populations». «Le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète, des maladies en recrudescence spectaculaire, sont devenus les fléaux des temps modernes et ont un lien direct dans les rapports que nous entretenons avec notre environnement», regrettent les organisateurs. Ce colloque intervient dans une conjoncture marquée par une vive et inédite alerte lancée par un centre de recherche, le CIRC, qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé : les viandes transformées (saucisses industrielles, pâtés, corned-beef) sont officiellement classées cancérigènes car elles accroissent les risques de cancers du colon, du rectum, de la prostate et du pancréas, selon 800 études menées par 22 experts de 10 pays. Contrairement aux volailles (poulet, dinde…), la viande rouge est classée «probablement cancérigène», selon l'OMS. «Le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17% pour chaque 100 grammes de viande rouge consommée par jour», selon le CIRC, qui ne prohibe toutefois pas totalement sa consommation. «Ces études ne sont que des probabilités de risque. Elles n'expliquent pas comment les viandes rouges peuvent provoquer le cancer», précise le Dr Brahim Cherifi, vétérinaire ayant exercé en Algérie et en Allemagne, actuellement enseignant clinicien à l'Ecole vétérinaire de Lyon. Ce scientifique conseille de «ne pas manger trop de viande». Fraudes alimentaires Les fraudes alimentaires sont nombreuses et génèrent l'émergence de fléaux sanitaires. «Beaucoup d'aliments contiennent des germes, à l'image des salmonelles, certaines bactéries pathogènes comme l'escherichia coli. D'autres aliments sont à l'origine de la brucellose, la tuberculose ou encore de la listériose en Algérie», affirme le Dr Cherifi. «Les laitages crus, la viande et les œufs sont les aliments les plus souvent infectés qui sont à l'origine de pathologies graves», prévient ce vétérinaire. «Les traces de salmonelles sont souvent relevées sur la dinde, le poulet, les abats et les œufs. Cette bactérie est responsable de milliers d'intoxications alimentaires en Algérie», souligne-t-il. «Les producteurs doivent être drastiquement contrôlés. Or, aucun contrôle n'est fait pour vérifier la présence d'antibiotiques et de résidus médicamenteux dans les viandes (rouge et blanche)», poursuit ce praticien. Autre danger : «Les aliments du bétail sont bourrés de moisissures, à l'image de l'aflatoxine, un dangereux agent cancérogène. Contrairement à l'Europe, en Algérie, n'importe qui peut lancer une usine de production d'aliment du bétail sans pour autant recruter des vétérinaires ou des ingénieurs agronomes pour assurer le contrôle sanitaire. Résultat : les viandes issues d'animaux nourris avec un aliment contenant des produits toxiques peuvent générer des maladies chez les consommateurs», alerte le Dr Cherifi. Autre élément : «A défaut de travailler en collaboration avec des laboratoires, les vétérinaires exerçant dans les abattoirs, en Algérie, se contentent d'assurer les contrôles à l'œil nu.» «Les abattoirs clandestins poussent comme des champignons, d'où l'émergence de fléaux alimentaires», déplore-t-il. Et il n'y a pas que les produits carnés qui peuvent être dangereux : les boissons alcoolisées et les sodas augmentent le risque de cancer «dès lors qu'on dépasse respectivement un verre et une canette par jour», selon l'OMS. Cette organisation mondiale appelle à éviter les excès en graisses, en sel et en sucre, responsables de l'hypertension artérielle, du diabète et de pathologies cardiovasculaires. Etant très salées, les chips sont à consommer vraiment avec modération. L'OMS recommande une consommation maximale de 5 g de sel par jour pour éviter le risque d'accident vasculaire cérébral et d'infarctus du myocarde. Le Dr Cherifi conseille en outre «d'éviter de consommer le lait cru et les viandes insuffisamment cuites».