L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dans son fameux rapport "L'ombre portée de l'élevage", estimait que l'agriculture et l'élevage sont responsables de 18% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Mais il n'y pas que cela, la sur-utilisation des antibiotiques influe sur d'autres aspects de l'environnement et sur la santé humaine. Aux Etats-Unis, chaque année, plus de deux millions de personnes tombent malades en raison de l'utilisation massive des antibiotiques dans l'élevage. 23 000 meurent d'infection liées à des bactéries résistantes aux antibiotiques, en particulier les staphylocoques et les salmonelles. C'est ce que dévoile un rapport du Centre gouvernemental américain de contrôle et de prévention des maladies (cdc.gov). Dans le même rapport, on apprend que 70% des antibiotiques vendus dans ce pays sont destinés aux élevages. Le directeur du centre, Tom Frieden conclut : "Si nous n'agissons pas, notre boîte à pharmacie va se vider et nous avons besoin d'antibiotiques pour sauver des vies". Mais les lobbies ont la main longue. L'association Natural resources defense council (NRDC), qui dédie son activité à la sauvegarde de la planète s'est procurée des études internes secrètes de l'Agence fédérale de l'alimentation et des médicaments (FDA) qui démontrent le recours excessif et incontrôlé aux antibiotiques dans l'alimentation du bétail. Pis encore, la FDA a aussi maintenu l'autorisation de plusieurs dizaines d'antibiotiques même après avoir découvert "les risques élevés" qu'ils représentaient pour la santé humaine. Les dangers des additifs alimentaires Les élevages industriels utilisent couramment des antibiotiques pour prévenir les maladies liées à la promiscuité des animaux, indépendamment du fait que l'animal soit infecté ou non, et, dans certains pays pour favoriser la croissance par l'administration régulière de faibles doses (additifs). C'est cette dernière pratique qui induit l'accoutumance des germes et rend les antibiotiques inefficaces dans les cas où ils sont nécessaires. En agissant de la sorte, l'éleveur cherche à obtenir une croissance accélérée de l'animal. C'est vrai en particulier dans l'élevage du poulet où l'introduction des additifs permet d'améliorer l'indice de croissance de 3 à 12%. L'animal (volaille dans ce cas) croît plus vite en mangeant moins ; c'est une économie d'aliments venue du ciel pour les éleveurs ! En France, l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) estime aussi que les chiffres sont inquiétants et dénonce "l'irresponsabilité des élevages industriels et leurs conséquences sur la santé humaine et animale". Le pays est le deuxième plus gros consommateur d'antibiotiques en Europe. Dans un rapport rendu public en mars 2014, l'association française des consommateurs Que choisir note qu'une volaille sur quatre est porteuse de bactéries résistantes aux antibiotiques. C'est le résultat de tests en laboratoire d'échantillons vendus en supermarchés, marchés et boucheries. Comment se fait la transmission animal- homme ? Le passage se fait essentiellement par la chaîne alimentaire. Les bactéries qui prolifèrent dans les tubes digestifs des animaux d'élevage vont finir dans les excréments pour contaminer les sols, les eaux et partant les aliments lorsque les règles d'hygiène font défaut. La contamination peut aussi être directe par ingestion si les bactéries survivent à la cuisson. Le phénomène de résistance peut aussi être directement lié aux antibiotiques eux-mêmes. On peut en effet en retrouver des résidus dans la viande ou le lait. Nous ingérons alors ces antibiotiques et développons des résistances à notre insu. Lorsqu'on sait que les premiers antibiotiques utilisés comme additifs pour les animaux le furent vers 1950 et qu'à peine 10 ans après, on détectait déjà des bactéries résistantes dans les élevages, il y a lieu de craindre le pire pour la santé humaine lorsque les règles de contrôle sont défaillantes. En Algérie ? À propos du lait dans un article de la revue scientifique et technique SEP (Résidus d'antibiotiques et denrées d'origine animale en Afrique : risques de santé publique-décembre 2014), on découvre qu'en Algérie, 89,09% des laits provenant des élevages des wilayas de Blida, Alger, Tipasa et Médéa ont donné des résultats positifs lors du contrôle de résidus de tétracyclines et 65,46% lors du contrôle de résidus de bêta-lactamines. Par ailleurs, environ 29% des échantillons de lait produit dans l'Ouest algérien contiennent des résidus d'agents antibactériens. Dans l'Algérois, 9,87 % des échantillons de lait cru étaient contaminés par des résidus de pénicillines et/ou tétracyclines pour 97,33 % des échantillons positifs et de macrolides et/ou d'aminosides pour 2,67 % des prélèvements testés positifs. À propos de la viande elle-même, si nous ne disposons pas de chiffres sérieux, il est fort à craindre au vu de la faiblesse des contrôles que la topographie ne peut être exempte d'anomalies. Dans les faits, de par le monde, seuls les élevages répondant aux normes de l'agriculture biologique ou certifiés par des labels n'utilisent pas les additifs. La Suède les a interdits depuis 1986 en innovant dans des techniques d'élevage différentes avec une hygiène plus sévère et inévitablement une répercussion sur le prix de la viande. En Europe, depuis 2006, l'utilisation en élevage des antibiotiques comme facteurs de croissance est interdite dans tous les pays de l'Union. R. S.