Longtemps, le consommateur DZ qui se sentait grugé ne trouvait pas une oreille attentive daignant écouter ses doléances. Bien sûr, il y a les services clientèle mis à la disposition par les opérateurs.Evidemment, plusieurs marques mettent leur numéro de téléphone sur les emballages de leurs produits. Mais cela restait moyennement efficace… jusqu'à ce que les réseaux sociaux viennent bousculer l'ordre établi. Une nuit de noces ratée à cause du service médiocre d'un hôtel cinq étoiles ? Des biscuits dénués de la couche de chocolat qui les recouvre d'ordinaire ou des esquimaux qui ne ressemblent guère à ce qui est présenté sur l'emballage ? Le non-rétablissement d'une ligne téléphonique malgré le paiement de la facture et moult requêtes ? Les personnes qui ont longtemps ont ruminé leur rage face au silence — et parfois du mépris — des services auxquels ils étaient confrontés ont trouvé la parade pour être enfin pris au sérieux. Une page facebook, gérée par l'Association de protection et d'orientation des consommateurs (Apoce), réunit les requêtes de ceux qui n'ont pas d'autres saints à qui se vouer. «Il nous a fallu du temps pour gagner la confiance des consommateurs», affirme Zebdi Mustapha, président de l'Apoce, qui reconnaît qu'il a eu du mal à croire en le mouvement associatif pour faire avancer les choses. «Du mouvement associatif en Algérie, dit-il, on ne connaît malheureusement que ceux qui n'ont en tête que les subventions.» M. Zebdi veut faire les choses différemment. La première bataille de l'Association — et l'une des plus grandes fiertés de son représentant — concerne la non-application de la réglementation par certains concessionnaires automobiles. «Le rappel des véhicules incriminés a été l'une de nos premières fiertés», glisse M. Zebdi. Il y eut ensuite quelques campagnes de boycott plus ou moins réussies, dont celle des sardines qui avait atteint les 800 DA le kilo. «En une semaine les prix sont descendus à 300 DA. Ils nous ont alors expliqué que la mer était plus favorable pour la pêche, mais avouez que c'est une baisse drastique», lance, d'un air volontiers badin, le président de l'Apoce. Petit à petit, les requêtes se sont diversifiées. Cela a commencé par l'appel d'une dame qui se plaignait de la qualité d'une poêle qu'elle venait d'acheter. «Nous étions encore sur des sujets très lourds et de grandes affaires, relate M. Zebdi. La requête de la poêle m'a fait sourire mais, dans le même temps, cela voulait dire qu'il y avait eu une prise de conscience des consommateurs algériens.» Les réclamations grinçantes s'enchaînent. Elles touchent désormais tous les services, mais la palme d'or revient, sans conteste, à la poste et aux télécommunications. Les plaintes liées aux arnaques sur les véhicules neufs, les assurances et la qualité des produits les talonnent de près. Et ça marche : certains opérateurs prêtent une oreille attentive aux requêtes des consommateurs et des marques algériennes bien connues ont invité les plaignants dans leurs usines, transformant ainsi un coup de gueule en opération marketing. Concert de lamentations D'autres opérateurs ont rectifié le tir après des plaintes des consommateurs. «Il y a deux ans de cela, nous explique-t-on, nous avons reçu une requête sur la non-conformité de l'emballage d'une marque de lait en poudre. Le producteur nous a reçus et il corrigé le tir. Depuis, il est devenu un fidèle lecteur de la page.» La page facebook de l'Apoce offre aussi un espace au droit de réponse des responsables de différents services pour apporter leurs éclaircissements. Les consommateurs ne manquent pas de mettre en ligne leurs échanges écrits (notamment des emails sur la messagerie interne des réseaux sociaux). Certains services s'en sortent mieux que d'autres et les consommateurs ne manquent pas de le souligner, lorsque les réponses ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. L'une des affaires ayant fait le buzz concerne Nespresso Algérie qui aurait écrit à l'un de ses clients insatisfaits sur un ton insultant. Le responsable Moyen-Orient de la compagnie a nié, dans une missive adressée à l'Apoce, toute responsabilité, arguant du fait qu'elle ne dispose pas de page dédiée à l'Algérie. Pour éviter les quiproquos de ce genre, les membres de l'Association disent veiller à filtrer les requêtes des consommateurs. «Nombre de réclamations ne sont pas publiées. On s'abstient de diffuser une dénonciation quand il y a un manque de données. Notre objectif est d'éveiller les esprits et d'inciter les citoyens à faire attention à ce qu'ils consomment et non pas de diffamer», explique M. Zebdi qui aimerait avoir plus d'effectifs pour s'atteler à une telle tâche. Si le fait de dénoncer les dépassements sur internet peut avoir un effet réjouissant pour les plaignants, encore faut-il que les autorités publiques et les compagnies incriminées collaborent en faveur des consommateurs et que cela soit suivi d'actions concrètes. «Certains organismes de contrôle, dépendant du département du Commerce, collaborent à merveille, d'autres ne se montrent nullement sensibles à nos actions», déplore M. Zebdi. Menaces de mort Dans certains cas, le bras de fer avec les opérateurs tourne au cauchemar. «Le traitement de certaines requêtes nous a valu un tas de problèmes et des menaces de mort de la part d'un opérateur. On a eu deux tentatives de poursuites judiciaires. Elles ont été refusées par le palais de justice car infondées. Un concessionnaire automobile a voulu user de son autorité pour faire taire ses clients. Ajouté à cela, certaines autorités publiques nous boudent. Nous travaillons pour le bien du consommateur. Il est essentiel d'établir un rapport de confiance entre les autorités et les consommateurs», argue-t-il. M. Zebdi appelle à la création d'un organisme de défense du consommateur car «il y a parfois des problèmes qui impliquent plusieurs secteurs». Il cite l'exemple de la présence d'ingrédients non halal dans certains produits. «On n'est pas là pour faire la morale aux gens, mais nous estimons que le consommateur a le droit de savoir ce qu'il y a dans les produits qu'il consomme. On bute toujours sur le même problème : cette question relève de quel département : l'Industrie, le Commerce ? Les Affaires religieuses ? Chacun se rejette la balle», tempête-t-il. M. Zebdi s'insurge, par ailleurs, de l'inutilité de certains produits importés. «Quand on a parlé de l'importation de pain, on nous est tombés dessus, cela s'est pourtant révélé juste», glisse-t-il. Convaincu du bien-fondé de ses actions, M. Zebdi estime urgent que les consommateurs œuvrent pour une meilleure régulation, une traçabilité et une transparence dans le marché algérien. Car, oui, le client algérien a aussi besoin d'être bichonné !