Jusqu'au 23, rendez-vous à la Villa Abdeltif pour une expo incroyable d'œuvres réalisées par des enfants handicapés mentaux avec l'aide de l'artiste Tidjani Benlarbi. Cette expo est le résultat d'un atelier initié par le plasticien autour de l'art thérapie. Vous avez initié un atelier dédié aux enfants handicapés mentaux qui s'est soldé par une exposition collective de peintures à la villa Abdeltif... Cet atelier n'a pas été monté pour accrocher quelques peintures. Il est à plusieurs facettes, plusieurs objectifs. Je souhaiterais que les instances se penchent sérieusement sur cette catégorie de personnes qui est sur la touche, mais les sensibiliser ce n'est pas faire une journée pour fêter le handicapé et l'oublier le lendemain. Les parents peuvent s'en passer, ils ont surtout besoin d'être accompagnés par des professionnels, pas par des actions ponctuelles, un staff compétent. Dans une telle démarche, il n'y a pas que l'artiste peintre, mais tout un staff composé du psychanalyste, du psychologue, de l'enseignant pour porter le projet et le réussir. Comment était l'ambiance dans l'atelier ? C'était une expérience humaine avant d'être une expérience professionnelle. Je crois que les valeurs sont indispensables dans ce contexte. Les enfants s'amusaient beaucoup et ont été très curieux en manipulant le matériel pour le dessin. Les séances ont été ponctuées de moments de découvertes interminables et d'émotions, surtout quand on décrypte leurs dessins. Ce qui m'a attristé, c' est que cette exposition n'a pas attiré les artistes. Quand on est artiste, on se doit de respecter ses engagements et d'être au service du citoyen, de sa nation. Il faut que les artistes osent et demandent les moyens pour la création. Ces moyens existent et sont accessibles. Quand j'ai réalisé le projet, j'ai demandé des moyens et la réponse a été positive ! Pour cette frange de la société, il était absolument indispensable d'avoir un matériel adéquat et un cadre approprié et de qualité. Allez-vous poursuivre votre expérience d'art thérapie ? Je voudrais poursuivre cet atelier avec les autres enfants du Centre psycho-pédagogique pour enfants handicapés mentaux de Zerzouria, et en sortir avec une grande exposition au palais de la Culture, par exemple, qui dispose d'un très grand espace. Ceci valorisera également le travail de tout le monde. Et je le répète, l'objectif n'est pas d'accrocher des tableaux, mais de sensibiliser d'autres institutions pour réclamer la même expérience humaine et artistique. Je n'ai pas envie de faire 2000 km à chaque fois pour pratiquer l'art comme moyen thérapeutique. J'encourage vivement d'autres personnes à prendre le relais et à profiter de notre expérience pour l'appliquer à grande échelle. Ceci dit, il ne faut pas bricoler, mais faire un travail précis et précieux parce qu'au final, et à long terme, ce sont les plus diminués qui souffriront le plus. Il faut avoir une vision sur plusieurs années avant de se lancer. Il est dommage qu'en Algérie nous soyons encore très loin sur cette question des handicapés. Alors qu'ailleurs la recherche a fait avancer les mentalités, nous on en est encore à ne pas savoir communiquer avec un handicapé ! Pensez-vous qu'il est possible de voir un jour les arts intégrer l'Education nationale ? J'ai entendu la ministre de l'Education évoquer l'importance d'intégrer l'art dans l'enseignement. C'est une bonne chose que la question soit posée, mais c'est un peu dommage que cette idée vienne d'un officiel et non des artistes eux-mêmes, les artistes dans tous les domaines. Je sais qu'il existe en Algérie des ateliers de ce type, mais sans pédagogie et sans formation. Je le dis sincèrement : «ça bidouille». On peut bricoler sur un film, sur une toile, mais certainement pas sur des êtres humains. Si on doit intervenir dans les écoles, il faut être sérieux.