Denses et riches étaient les débats du 14e congrès du Front Polisario, qui ont touché à tous les aspects liés au combat des Sahraouis. Ils devaient prendre fin hier pour laisser place au travail des commissions, qui doit déboucher sur l'adoption d'un nouveau programme d'action national et la refonte du règlement intérieur du Front. La récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne d'annuler l'accord agricole et de pêche conclu par Bruxelles et le Maroc en mars 2012 et l'adoption jeudi par le Parlement européen d'un amendement de députés qui exhortent les Nations unies à élargir le travail de sa Mission pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) à la surveillance des droits de l'homme ont suscité un vent d'espoir et d'optimisme dans les camps de réfugiés sahraouis, où se déroule le 14e congrès du Front Polisario. L'amendement en question a été approuvé par 258 contre 251 à l'issue du vote de la résolution du Parlement sur le rapport annuel 2014 sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde ainsi que sur la politique de l'UE en la matière. Les deux décisions ont certainement été perçues comme du pain béni par l'équipe dirigeante sortante du Front Polisario dont le bilan était encore hier passé au crible par 2472 congressistes lors de séances à huis clos. Les positions adoptées autant par la Cour de justice de l'Union européenne que par le Parlement européen confortent, en effet, le cap suivi durant ces quatre dernières années par le secrétaire général du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz. L'annulation par la CJUE, avec effet immédiat, de l'accord controversé sur la libéralisation du commerce des produits agricoles et halieutiques du Maroc conclu entre Rabat et l'UE, consolide la capacité du Front Polisario à agir en tant que seul représentant du peuple sahraoui. Et ce n'est pas peu. A l'inverse, le verdict de la CJUE est un important revers pour le Maroc et ses soutiens sur lesquels se resserre l'étau judiciaire. Les Sahraouis ne comptent pas se contenter de ces acquis. Pour mettre un terme au pillage de leurs richesses naturelles, ils ont proposé au congrès du Front Polisario le lancement d'une campagne. Le chef du gouvernement sahraoui, Taleb Omar, a expliqué qu'un observatoire sera mis en place pour «poursuivre tous les pays impliqués avec l'occupant marocain dans le pillage des richesses naturelles du Sahara occidental occupé», ajoutant qu'il y a une tendance générale à aller vers une telle campagne qui visera toutes les entreprises activant dans les territoires sahraouis occupés. Cette campagne, a-t-il dit, constituera «un nouveau front qui rassemblera des juristes et des militants des droits de l'homme pour soutenir la cause sahraouie». L'Afrique du Sud passe à l'offensive Il n'y a pas qu'en Europe où la cause sahraouie a connu des avancées. En Afrique, elle gagne aussi des points. Pour isoler davantage le Maroc sur la scène internationale, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, l'ANC, passe à l'offensive. Il a décidé, notamment, d'initier prochainement une campagne de boycott de l'ensemble des entreprises étrangères qui exploitent les ressources naturelles du Sahara occidental au mépris du droit international. «Nous nous attelons actuellement à recenser l'ensemble des entreprises étrangères impliquées avec l'occupant marocain dans l'exploitation des richesses du Sahara occidental», a expliqué le secrétaire général de l'ANC, Gwede Mantashe, lors de son allocution prononcée à l'ouverture du congrès du Front Polisario. Toutes ces batailles décisives remportées par le Sahara occidental sur le Maroc pousseront certainement les militants sahraouis partisans d'un durcissement ou d'un changement, à l'avenir, de la ligne du Front Polisario à nuancer leurs critiques à l'égard des politiques suivies actuellement par leurs dirigeants. Mieux encore, elles (les batailles) devraient assurer à Mohamed Abdelaziz sa réélection haut la main à la tête du Front Polisario. Dans les travées de ce 14e congrès, de nombreux congressistes n'ont d'ailleurs pas caché leur décision de lui accorder à nouveau leur confiance. Mohamed Abdelaziz devrait donc rempiler même s'il a, dit-on, émis son souhait de se retirer en raison de ses ennuis de santé. Mais même si l'actuel président de la République sahraouie a beaucoup de chances d'être réélu, il y a lieu de s'attendre à ce que la nouvelle composante du Front Polisario connaisse des changements. Lors des débats en plénière, de nombreux intervenants ont plaidé en faveur d'une plus grande implication des jeunes à tous les niveaux de la vie politique et économique sahraouie. Une doléance, soutient-on, que le Front compte bien satisfaire. Denses et riches, les débats qui ont touché à tous les aspects liés au combat des Sahraouis devaient prendre fin hier pour laisser place au travail des commissions. Un travail qui doit déboucher sur l'adoption d'un nouveau programme d'action national et la refonte du règlement intérieur du Front Polisario. Il est attendu de ce programme et de cette refonte qu'ils permettent aux Sahraouis de réaliser leur objectif, à savoir amener la communauté internationale à peser de tout son poids pour que soit organisé un référendum d'autodétermination au Sahara occidental.