Le rapport de la Cour des comptes relève de nombreux dysfonctionnements dans la gestion des budgets de l'Etat et souligne les multiples réévaluations des projets, dont certains ont atteint plus de 500% des dotations initiales. L'organe de contrôle critique la gestion des comptes d'affectation spéciaux, dont le nombre est passé à 71 en 2013. Le rapport d'appréciation de la Cour des comptes quant à l'exécution du budget de l'Etat en 2013, dont El Watan a obtenu une copie, est sans équivoque. Au-delà des lacunes flagrantes dans la maîtrise des ressources budgétaires liées à l'insuffisance de moyens à la disposition des administrations fiscale et douanière, les magistrats de la Cour pointent du doigt une gestion des dépenses de l'Etat bien loin des standards de diligence et de célérité qui induisent la mobilisation d'importantes ressources sans que cela aboutisse à des résultats à la hauteur des financements mis en place. L'organe de contrôle a posteriori pointe du doigt les dysfonctionnements dans la gestion du budget d'équipement, en particulier, la sous-utilisation des ressources, les retards considérables dans l'exécution des programmes d'équipement, l'accumulation des reliquats et des réévaluations systématiques auxquelles ont recours l'ensemble des départements ministériels. Des insuffisances imputées, selon la Cour des comptes, aux «dysfonctionnements dans la coordination intersectorielle et la maturation des projets», mais aussi au «manque de qualification des entreprises désignées pour l'étude et la réalisation des programmes». Pis, la Cour des comptes estime que «ces lacunes sont à l'origine de l'accumulation de reliquats (…) et dénotent l'écart entre l'importance des moyens financiers mis en place par les pouvoirs publics pour impulser la relance économique et la modicité dans la réalisation des programmes d'équipement». Si l'organe de contrôle ne donne pas plus d'indication, le grief adressé au gouvernement quant au choix des entreprises de réalisation, à défaut de pointer directement le doigt sur l'impact de la corruption et du clientélisme dans notre pays, peut du moins donner toute la mesure de l'insuffisance des procédures d'attribution des marchés publics. La Cour des comptes met également en avant l'insuffisance des conditions de gestion et d'exécution et pointe du doigt des retards dans la réalisation qui atteignent parfois 9 ans. L'organe présidé par Abdelkader Benmaarouf se penche aussi sur le cas des réévaluations répétitives, pour lesquelles la loi sur le règlement budgétaire 2013 enregistre un montant de 555 milliards de dinars. A ce titre, la Cour des comptes met l'ensemble de départements ministériels à l'amende, dont le celui des Finances. Censé être le gendarme de l'orthodoxie budgétaire et de la célérité de l'exécution du budget, ce département s'illustre par le recours aux réévaluations pour 11 opérations diligentées par les directions générales des douanes, de la comptabilité, du budget, de la prospective et de l'administration centrale, et pour lesquelles les réévaluations ont atteint entre 450 et 532% des dotations initiales. L'organe de contrôle estime même que dans le cas de certains départements, «certaines réévaluations postérieures à 2010 n'ont pas tenu compte de l'instruction du Premier ministre qui oblige les ordonnateurs à proposer l'annulation et la restructuration d'une opération proportionnellement à la demande de réévaluation». Gestion douteuse La Cour des comptes adresse aussi d'autres griefs, comme le défaut d'assainissement de certaines opérations d'équipement, même au niveau du ministère des Finances, ou encore, et c'est inimaginable, l'octroi de crédits de paiement supérieurs aux autorisations de programme. Comme à l'accoutumée, la Cour critique la gestion des comptes d'affectation spéciale, dont le nombre est passé à 71 en 2013. Elle reproche ainsi la mobilisation d'importantes ressources avec un solde créditeur de plus 13 000 milliards de dinars (130 milliards de dollars) alimentée en majorité par les dotations du Fonds de régulation des recettes. L'organe de contrôle reproche ainsi au gouvernement, dans le chapitre relatif aux opérations de capital, la non-présentation d'une situation détaillée du FRR, compliquant ainsi la tâche du contrôle parlementaire. Elle met aussi à l'index le recours exagéré à l'élargissement de la nomenclature des dépenses de certains fonds. Elle estime ainsi que certaines opérations financières sont non conformes à la réglementation. Grief adressé aux départements de la Poste et des TIC, de la Santé, de la Culture et de l'Agriculture, auxquels elle reproche le versement de salaires au profit de personnels de la Générale des concessions agricoles sur les ressources du Fonds pour développement rural et mise en valeur des terres. L'organe met à l'index le gel d'argent public au sein de fonds restés inactifs ainsi que la sous-utilisation des crédits. Globalement, la Cour des comptes reproche l'absence d'un programme d'action définissant les objectifs à atteindre et les échéances de réalisation des programmes, ainsi qu'un manque de diligence dans leur exécution. Elle critique aussi et surtout le cas de la gestion des comptes d'affectation spéciale (CAS) qui pèche par un manque de coordination entre les comptables et les ordonnateurs induisant des insuffisances dans le suivi et l'évaluation de la gestion de ces comptes.