Le président de la République aurait donc fini par se jeter à l'eau. La Constitution serait bel et bien amendée, à en croire notre confrère Al Khabar, rapportant que le chef de l'Etat a signé le décret de convocation du corps électoral. Sans douter un instant de la crédibilité de notre confrère, il est tout de même assez curieux de relever que Abdelaziz Bouteflika eut officialisé un tel rendez-vous électoral presque timidement. Ses services n'ont pas jugé utile de se fendre d'un communiqué laconique qui aurait pu annoncer la bonne ou la mauvaise nouvelle, c'est selon, à une opinion publique conditionnée par ce thème récurrent de la révision constitutionnelle. Sujet à une incroyable hésitation depuis son annonce le 4 juillet dernier à la veille de la commémoration de la fête de l'indépendance, l'amendement de la Constitution a quasiment servi de baromètre aux observateurs et aux journalistes pour tâter la « santé » politique du Président, voire sa santé tout court. En effet, tous les commentaires étaient inspirés et juxtaposés à cette hypothèque qui, au fil des semaines et des mois, est devenue une Arlésienne. Le fait est que le thème de la révision de la loi fondamentale si cher au tandem Bouteflika-Belkhadem et qui aura fait les choux gras de la presse a fini par disparaître bizarrement de la rhétorique officielle. Même l'infatigable patron du FLN et accessoirement chef du gouvernement a dû subir la loi du silence. Abdelaziz Belkhadem, qui a été chargé de promouvoir et de « vendre » cette révision à une opinion publique qui en souffre déjà de l'overdose électorale, s'est étrangement tu au moment où il devait attaquer la pré-campagne pour le projet présidentiel. Motus et bouche cousue à la grande surprise des Algériens qui aperçoivent Belkhadem quitter l'arène, alors même que la bataille n'a pas encore eu lieu. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le silence des parrains de la révision de la Constitution a été conjugué à une grosse incertitude sur le sort réservé aux terroristes qui ne se sont pas rendus à l'expiration du délai de la charte le 31 août dernier. Y aura-t- il oui ou non une prorogation du délai d'application de la charte ? Pendant une bonne partie de l'été, les Algériens péroraient sur ce « tube » de la saison de savoir si Bouteflika allait s'en tenir à sa date butoir et sortir son « Seif El Hadjadj » ou alors tendra-t-il une autre planche de salut ? Par cette alchimie, le pouvoir a su et pu transférer habilement le débat d'une question gênante à une autre non moins gênante. Pendant ce temps, il a sans doute maturé son projet et testé les équilibres avant de « pondre » une mouture de ce que sera la future constitution annoncée pour « avant la fin de l'année ». Il est d'usage que le Président annonce la convocation du corps électoral à l'occasion d'un discours à la nation. Bouteflika a eu pourtant une belle opportunité à l'ouverture de l'année judiciaire, mais il a préféré prononcer une philippique contre ses magistrats et sa justice-coupables de corruption, de médiocrité et d'incompétence. A croire que le Président assume désormais difficilement cette révision constitutionnelle devenue encombrante et pour le pays et pour le peuple. A moins de trois mois, si l'on s'en tient à la date de convocation du corps électoral, le président de la République n'a pas pipé mot de ce que seront les amendements qu'il proposera au peuple. Maintenant que la salve est tirée, avec cette convocation, c'est toute la machine électorale qui devrait se mettre en branle en attendant que les Algériens sachent en dernier pourquoi ils doivent glisser le bulletin - le bon de préférence - dans l'urne ? Une urne qui peut bien sûr s'avérer fatale.