On a la nette impression qu'à la faveur du sujet polémique qui agite actuellement la scène politique nationale et dans lequel les «janviéristes» sont pris pour cible pour avoir évité à l'Algérie de basculer dans un état théocratique, il y a comme une machination politico-médiatique qui flotte dans l'air pour essayer de remettre en selle le parti islamiste dissous qui n'a d'ailleurs jamais cessé, par le biais de ses réseaux toujours actifs, ses lobbys et ses complicités, de dénoncer l'injustice dont il a fait l'objet avec l'arrêt du processus électoral et de réclamer par conséquent sa réhabilitation officielle. Les attaques violentes et répétées, ces jours-ci, contre le général-major en retraite Khaled Nezzar, figure de proue du groupe qui avait pris ses responsabilités à un moment où le pays partait vers l'inconnu, procèdent de cette visée sournoisement entretenue pour discréditer, à travers lui, l'institution militaire qui avait entrepris de sauver la République en faisant barrage au projet funeste de la mouvance intégriste. L'idée du retour de l'ex-FIS dans le champ politique n'est, en fait, pas nouvelle. Malgré le veto des hautes instances, elle a circulé par des voies sibyllines portée par des activistes dormants qui reviennent toujours à la charge lorsqu'ils sentent que la conjoncture leur est favorable. Autrement dit, quand le pouvoir recule, il montre des faiblesses en faisant des concessions dans le cadre très large de la réconciliation nationale. C'est ce qui avait permis, on s'en rappelle, à l'ex-chef de l'AIS d'affirmer que le mouvement intégriste retrouvera son activité partisane légalement sur la base des assurances fermes qui lui avaient été données en haut lieu avant d'être remis à l'ordre par le chef d'Etat. Le même personnage avait, on s'en rappelle, été reçu en grande pompe par le directeur de cabinet de la Présidence dans le concert des consultations pour la révision de la Constitution, c'est dire si le Pouvoir avait prêté lui-même le flanc en sollicitant les avis d'un islamiste pur et dur qui ne croit qu'en l'avenir d'un Etat théocratique alors que le débat tourne autour de l'approfondissement du statut républicain. L'erreur s'avère impardonnable en ce qu'elle favorise comme propension à croire que le terrain, malgré toutes les balises, reste ouvert à toutes les opportunités. Dans cette optique, les assauts contre Nezzar, derrière la recherche de la vérité historique de certains faits marquants de la décennie noire, ne visent en réalité qu'à élargir encore davantage la brèche pour permettre au courant islamiste de se revigorer, alors que celui-ci est en nette régression dans les sondages d'opinion à travers le monde arabe et musulman en raison de son incapacité à s'émanciper en dehors de la violence et de la terreur. La preuve est donnée par l'implication plus ou moins «vicieuse» dans le débat (déballage ?) de quelques chaînes de télévision privées qui, sous prétexte de vouloir faire éclater la transparence sur des faits porteurs de graves divergences historiques, ont trouvé le prétexte idéal pour déblayer encore un peu plus le terrain aux ambitions islamistes qui n'espéraient pas trouver meilleurs appuis. Si l'institution militaire, au centre des crises à répétition qu'a connues le pays, est mise dans une position inconfortable et à rude épreuve par des critiques qui se concentrent sur les effets mais jamais sur les causes de son action ou de son engagement, c'est pratiquement toujours un résultat exploité par la mouvance islamiste qui possède de redoutables propagandistes à cet effet. Les Algériens, qui sont revenus de loin du cauchemar des années de terreur intégriste, sont de plus en plus nombreux à reconnaître aujourd'hui que l'engagement de l'armée était vital pour sauver le pays, alors que les islamistes maintiennent à ce jour que l'arrêt du processus électoral était un véritable coup d'Etat institutionnel à l'actif des militaires. «Les généraux ont-ils sauvé la République ?» C'est d'ailleurs sur ce thème abordé de manière équivoque que la plus engagée des télés privées avec la ligne islamiste a consacré tout un spécial, cette semaine, non pas pour faire la lumière sur les motivations qui avaient présidé à l'annulation du deuxième tour des législatives de 1991, mais pour accréditer la thèse de l'injustice qui a frappé le parti islamiste dissous et tomber à bras raccourcis sur l'armée. Faisant miroiter à son public une vitrine «démocratique» où la liberté d'expression n'est pas un vain mot, El Magharibia — la chaîne basée à Londres et financée avec l'argent des Saoudiens et des Qataris — n'a pas résisté à la tentation de dévoiler ainsi sa vraie nature idéologique en transformant son émission en véritable tribune de matraquage pour livrer les généraux à la vindicte populaire et laver le FIS de toutes ses atrocités. C'est l'armée qui est responsable de tous les crimes et donc de la crise actuelle que nous vivons, clament les «experts» qui se sont relayés sur le plateau, parmi lesquels des noms connus pour leur activisme durant la période infernale, alors que l'histoire prise à son origine nous enseigne le contraire. Aucun mot sur les assassinats en série d'innocents, aucune allusion à la violence et la terreur que le parti dissous a commanditées alors que la première violence est d'avoir accordé l'agrément à un parti d'obédience religieuse interdit par la Constitution. Les violences ont suivi avec la prise des communes débaptisées «baladia islamiya» où la musique, la mixité... étaient bannies et toutes les restrictions aux libertés individuelles et collectives qui s'annonçaient au palier supérieur. A l'image des partis d'extrême droite, le FIS voulait imposer son projet de société moyennâgeux par la force, le crime, la politique de la terre brulée, le terrorisme. Il a semé partout le malheur en précurseur de… Daech. Et cela n'a jamais été que fiction pour les analystes éclairés d'El Magharibia. Comme quoi, quand on veut chasser le naturel, il revient au galop.