Des syndicats non agréés ont décidé récemment de manifester leur désaccord le jour de la ratification du pacte économique et social par la tripartite (Gouvernement, UGTA et organisations patronales). Pour des cadres syndicaux réunis dans le comité national pour les libertés syndicales (CNLS), mais non impliqués dans la conclusion de ce pacte, cette décision des syndicats comme le CLA, le CNAPEST, le SNOMAR, le SATEF, SNPSP et le SNPSSP « s'explique par l'opacité du document et la marginalisation des syndicats autonomes dans sa conclusion ». Le document portant avant-projet de pacte économique et social rendu public dernièrement par le comité tripartie, installé à cet effet, ne semble guère faire l'unanimité. Pour le président du CNLS, M.Besbès « le gouvernement pactise avec lui-même ». En effet, si le document portant avant projet de pacte économique et social associe les organisations patronales dans leurs diversités concernant les employeurs, il n'est cependant reconnu du côté des travailleurs que l'UGTA considéré à juste titre comme le syndicat « le plus représentatif au plan national ». Fait inédit dans les annales du dialogue social, et en l'absence de syndicats dans les entreprises privées, c'est aussi à l'UGTA qu'échoit le beau rôle de « négocier » l'augmentation des salaires devant les employeurs privés, et ce tout en sachant que la présence de l'UGTA ne se manifeste que dans les entreprises publiques. Mais les responsables syndicaux des syndicats autonomes avertissent déjà : « rien n'arrêtera les grèves et la contestation ! ». Et de prédire l'échec d'un tel pacte quant il n'est pas l'émanation « des véritables acteurs de la société civile ». Contestation sociale et soliloque gouvernemental Les partenaires de la tripartie ne semblent donner aucun crédit à de telles mises en garde. Dans le document rendu public, et même s'il est clairement signifié que « la réalisation des réformes n'est pas du seul ressort du gouvernement et des institutions publiques et qu'elle requiert une mobilisation et un engagement affirmé et actifs de tous les opérateurs économiques et partenaires sociaux. », il et cependant mentionné que la tripartite constitue un cadre « de responsabilité privilégiée et un outil de renforcement du dialogue social. », et d'estimer que le pacte devrait « garantir une stabilité sociale, condition sine qua non pour la concrétisation des objectifs d'un développement économique intégré et durable ». Dans l'avant projet de pacte économique et social, il est fait clairement mention de l'adhésion des partenaires du Gouvernement à la politique suivie depuis 1999 par les pouvoirs publics. Avec un zèle devenu coutumier de bons nombre d'hommes publiques durant le règne du président Abdelzaziz Bouteflika, les pactisés affirment : « Depuis 1999, des réalisations importantes ont étés accomplies dans l'instauration de la paix, le renforcement de la démocratie et de la libre entreprise dans le cadre d'un Etat de droit.(…). Sept années durant, les besoins sociaux de la population ont étés progressivement satisfaits, (….) alors que la réforme du système économique a permis le recul du chômage, la maîtrise de l'inflation, une reprise durable de la croissance, etc. » Si d'après un tel bilan, il est à se demander à qui bon servira un tel pacte dans une Algérie pacifiée et retrouvant le chemin du développement, les rédacteurs du document fixent tout de même comme objectifs, et non des moindres, à savoir « la mise en œuvre d'une politique d'investissement intensif favorisant les services d'accompagnement à l'économie ; préparer les conditions du passage de l'économie nationale vers la phase de l'après pétrole ; promouvoir une agriculture moderne ; réduire le chômage ; intensifier la lutte contre l'économie informelle ; lutte contre la corruption… ». D'une durée de quatre années à compter de la date de sa signature, l'avant projet considère que le programme des réformes mis en œuvre ne peut avoir son plein effet que « s'il s'appuie sur une politique économique capable de redynamiser les filières de l'industrie, de l'électricité, de la pétrochimie, de la pharmacie, de l'électroménager, de l'agroalimentaire, du BTPH, du tourisme, des services et de développer et promouvoir les nouvelles technologies de l'information. » Tout un programme ! Exclu du pacte, le secrétaire général de la coordination des lycées d'Alger (CLA) Osmane Redouane a dans nos colonnes, estimé quant à lui que l'enjeu du pacte économique et social « est l'accompagnement social de la libéralisation de l'économie comme seule alternative au développement. » et n'est qu'une « nouvelle forme de contrôle de la société. » Pour ce syndicaliste « toute ligne revendicative, tout processus d'autonomisation de l'acteur social et politique sont exclus. » Et de plaider pour un pacte d'urgence sociale » basé, selon lui, sur « la distribution des revenus, l'élargissement du marché intérieur, l'élimination de la pauvreté et de la misère et la revalorisation des potentialités productives et intellectuelles » et sera soutenu, précise t-il, par « les forces qui ne veulent pas que notre pays soit voué à la misère et au bradage. » Le conseil national économique et social (CNES) qui avait appelé dès 1997 à un « pacte national de croissance » a dans un rapport publié en septembre 2005, indiqué que face aux défis nombreux et complexes auxquelles fait face le pays, la recherche d'une paix sociale impose la nécessité d'un pacte autour d'un objectif de croissance soutenue et partagée. Pour le CNES, « cette nouvelle forme de solidarité s'exprime non seulement à travers le dialogue social, mais également au sein de l'élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, de manière telle que le travail, le savoir et les compétences s'érigent en nouveau modèle de promotion sociale pour les générations futures. » Le CNES que présidait à l'époque Mohamed Salah Mentouri considérait que les défis, loin de se limiter aux aspects économiques, se posaient aussi en terme de « projet de société, de légitimité du pouvoir, de démocratisation, et aussi d'environnement externe et de la sécurité. » Citant un rapport arabe sur le développement humain, le CNE a souligné que les principales entraves au développement de la région ont trait à trois déficits essentiels que ni l'Indicateur de Développement Humain , ni le Produit Intérieur Brut intègrent, et qui pourtant peuvent être considérés comme caractéristiques des pays arabes, il s'agit du « déficit en matière de liberté, du déficit en matière d'autonomisation des femmes, et du déficit en matière de capacités humaines et de savoir par rapport au revenu. » Le rapport du CNES averti que les enjeux d'un pacte « transcendent les intérêts claniques, les clivages sociaux et les divergences politiques (…) et s'inscrivent à contrario des intérêts catégoriels immédiats et ne peuvent être liés ou réduits à une forme de redistribution de la rente pétrolière. » Pour le CNES , le pacte se présente comme un processus menant vers un projet de société fondé sur « la concertation, la modernité et de nouvelles formes de solidarité. » Les Pactes sociaux, selon l'OIT Pour l'organisation internationale du travail, le concept de pacte social est d'autant plus difficile à définir qu'il repose sur la tradition politique, économique et sociale ainsi que sur le système de relations professionnelles de chaque pays. La forme, le contenu et le résultat des pactes sociaux peuvent varier considérablement d'un pays à l'autre et au fil du temps. Mais d'après l'OIT, des caractéristiques communes à tous les pactes sociaux existent et les distinguent de ce fait, de la négociation collective et des conventions collectives. Parmi ce différences, l'OIT note de prime abord que l'Etat ou les pouvoirs publics-, qu'ils interviennent aux niveaux national, régional ou local - sont des acteurs qui œuvrent aux côtés des organisations d'employeurs et de travailleurs, mais aussi auprès d'autres acteurs, tels que les organisations non gouvernementales. Cependant, l'OIT reconnaît qu'il n'existe pas de normes en matière de pacte social, se contentant d'affirmer que ces pactes permettent de gérer efficacement les problèmes sociaux et économiques en veillant à préserver l'équilibre entre intérêts sociaux et économiques.