La dernière tripartite ayant réuni le gouvernement, le syndicat UGTA et des organisations patronales (CNPA, CGEA, CIPA, SEVE, UNEP), ainsi que les Sociétés de gestion des participations (SGP) ont scellé une trêve par le biais du pacte économique et social conclu. Pour le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem, le pacte a pour objectif d'"engager le pays dans la voie irréversible du développement". Trois actions essentielles sont attendues de ce pacte, selon ses dires : "Développer la production nationale dans tous les domaines ; développer une capacité productive capable de compléter les revenus tirés des hydrocarbures ; dégager les moyens et les instruments d'une politique sociale efficiente et d'un développement le plus équitablement réparti". Mais, les pactisés avertissement : ces objectifs ne pourraient être atteint sans un climat social apaisé. Selon les termes du pacte, le gouvernement aura logiquement une trêve sociale de quatre années. Un pari difficile à tenir, sachant que la représentativité des partenaires sociaux de la tripartite reste discutable, alors que la revalorisation du SNMG et des salaires annoncés en fanfare est quasi-insignifiante devant un pouvoir d'achat des algériens qui ne cesse de s'éroder. A ce propos, des cadres de l'UGTA ont soutenu que la question du pouvoir d'achat est toujours d'actualité et les augmentations annoncées sont encore loin de ce qui est attendu par les travailleurs. En 2005, une étude de l'UGTA faite l'année dernière a montré qu'une famille type de sept personnes à besoin de près de 25.000 dinars pour se nourrir un mois, en ne tenant compte bien entendu que des produits de large consommation. Selon cette enquête, le pouvoir d'achat des algériens s'est érodé de 7,9% en deux années seulement, alors que l'étude n'a pas intégré les augmentations des charges comme celles du gaz, de l'électricité, de l'eau, des transports urbains, des soins et des télécommunications. Des charges qui connaissent parfois plusieurs augmentations durant l'année. Face à une paupérisation accrue de larges couches de la société et devant un chômage qui hante les jeunes Algériens, la paix sociale tant recherchée ne peut être décrétée par le haut, mais " négociée " avec les premiers concernés, à savoir tous les exclus de la rente pétrolière. A ce titre, la grève des travailleurs d'Algérie Poste décidée au lendemain de la signature du pacte économique et social est assez révélatrice de l'inanité de décréter la paix sociale par ceux qui sont socialement… en paix. Pathétique est cette sentence décrétée par le secrétaire général de la fédération concernée envers les syndicalistes de l'UGTA d'Algérie Poste : " Personne n'a le droit de décréter la grève après le pacte social ". Le pacte veut ainsi réussir le pari de mettre en veille un droit de grève reconnu par la constitution. Mais c'est aller vite en besogne que de conclure à une " pacification sociale " au moment ou la base gronde au sein de l'UGTA alors que des syndicats autonomes jurent par tous les saints qu'ils ont leurs mot à dire. Coordinateur du comité national pour les libertés syndicales, le Dr Tahar Besbas a indiqué à propos des résultats de la dernière tripartite que " c'est une montagne qui a accouché d'une souris ". Pour lui, le pacte économique et social " est un pacte qui n'engagera que les parties signataires. Les autres parties ignorés et fortement représentatives ne se sentent pas engagées par la ratification du pacte. A mon sens, dit-il, c'est un pacte mort né, et que ne fera que retardé l'explosion sociale ; explosion qui sera plus difficile à gérer par les pouvoirs publics. " Et d'asséner : " C'est une véritable politique de l'autruche que d'ignorer les représentants légitimes des travailleurs à savoir les syndicats dits autonomes. Cette myopie politique risque d'engendrer des conséquences graves dans le moyen terme. Car une augmentation de salaire qui ne touche pas toutes les franges des travailleurs n'aura aucun sens. L'absence d'une politique salariale cohérente prenant en compte les revenus du pays, l'inflation, le pouvoir d'achat des travailleurs, engendre inéluctablement un échec de tout pacte social et de toute paix sociale. A moins que quelque part on cherche ce résultat. " Le coordinateur du CNLS considère que la dernière tripartite " est une véritable violation des libertés syndicales. La forme est contraire à l'éthique et aux dispositions de la loi 90/02 et de la convention internationale N°87. Nous avons, a t-il dit, d'un coté les syndicats autonomes qui activent et qui revendiquent. D'un autre coté c'est l'UGTA qui négocie au mépris de la véritable représentation des travailleurs. " Reste que sur le terrain, le CNLS n'a pas encore montré ses forces. Même s'il avait promis un sit-in le jour de la signature du pacte économique et sociale par la tripartite, il n'en demeure pas moins qu'aucune contestation n'a été enregistrée jusque là. Pour M.Besbas, il est difficile de mobiliser des travailleurs, " qui ne sont pas des rentiers syndicalistes ", en un espace de temps réduits et lors du mois du ramadhan. "Nous ne sommes pas de ceux qui fond des grèves avec la bénédiction des pouvoirs publics ou des grèves commanditées. Nous sommes de ceux qui fond des grèves quant les travailleurs nous mandatent et on les arrêtent quant ceux la même le veulent. On n'obéit qu'à la volonté de nos adhérent et nos à des lobbies "a-t-il expliqué. Pour le coordinateur du CNLS, l'une de ces conditions de la paix sociale est la présence des acteurs du mouvement social et des représentants des travailleurs dans les négociations. Le salut du mouvement social autonome en Algérie est d'aller vers une confédération des syndicats autonomes. Premier socle d'un pôle alternatif, et qui, de son avis, représente le seul moyen de contrecarrer l'hégémonie syndicale consacrée par la complicité des pouvoirs publics.