Les manifestations contre la marginalisation se poursuivent à Kasserine pour la quatrième journée consécutive. Hier, un millier de jeunes ont tenu un sit-in au siège du gouvernorat. Ces trois derniers jours, les slogans des manifestants de Kasserine demandent du travail et des projets dans la région, afin de lutter contre la pauvreté et la marginalisation. «Nous en avons marre des promesses qui ne sont jamais réalisées», a déclaré Saïd Ayedi, l'un des manifestants, au micro de radio Shems. Ayedi est titulaire d'un mastère d'arabe depuis huit ans. Hier, les jeunes se sont réunis au siège du gouvernorat de Kasserine. Ils ont décidé un sit-in indéterminé et exprimé dans un communiqué leur refus de toutes les promesses. «Notre unique revendication, c'est l'emploi. Notre mouvement est pacifique et nous n'avons aucune requête politique», lit-on dans le communiqué. Mais si les protestations d'hier étaient pacifiques et les manifestants essayaient d'établir le dialogue avec les autorités, ce n'était pas la même chose avant-hier. En effet, la veille face aux pneus brûlés, les forces de l'ordre ont riposté en utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Le directeur régional de la santé à Kasserine a indiqué que l'hôpital de la ville a accueilli 246 blessés, dont trois membres des forces de l'ordre, suite aux incidents d'avant-hier. Pour essayer de contenir la situation et éviter les débordements, un couvre-feu est instauré de 18h à 5h depuis avant-hier à Kasserine. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a justifié cette décision par le fait que Kasserine est à une quarantaine de kilomètres des monts Chaâmbi, qui abritent des maquis terroristes. D'ailleurs, l'armée a bombardé les monts voisins de Kasserine pour dissuader les terroristes d'essayer de passer en ville. Les manifestations de Kasserine ont commencé dimanche dernier, lors des funérailles de Ridha Yahiaoui, décédé des suites des complications des blessures résultant de sa chute d'un poteau électrique où il s'était accroché. La victime protestait contre l'élimination de son nom des listes de diplômés recrutés. Le premier délégué de Kasserine a été suspendu suite à l'accident de Yahiaoui et une enquête a été ouverte. Au total, six noms ont été éliminés, dont celui de Yahiaoui, pour diverses raisons, notamment les antécédents judiciaires. Soutien de plusieurs régions Le ras-le-bol des Kasserinois a trouvé écho dans plusieurs régions du pays. Il y a eu deux genres de manifestations. Les jeunes d'autres régions, vivant dans les mêmes conditions de précarité comme le chômage et la marginalisation, sont également sortis manifester leur ras-le-bol. C'est le cas des zones voisines de Kasserine, comme Thala, Fériana et Foussana, voire Meknassy à Sidi Bouzid, ou El Fahs, un peu plus au nord dans le gouvernorat de Zaghouan. Là, les protestataires, notamment des chômeurs, ont organisé des marches et brûlé des pneus sur les avenues principales de ces localités. En outre, des manifestations de soutien aux citoyens de Kasserine sont organisées. Ainsi, quelques dizaines de jeunes ont manifesté devant le ministère de l'Intérieur à Tunis ou à la place Chelly à Sousse. «Ce sont surtout des jeunes proches du Front populaire de Hamma Hammami, ou du nouveau parti El Irada de l'ex-président Moncef Marzouki qui ont exprimé leur soutien», pense le politologue SlaheddineJourchi. Il explique ces réactions par le fait que «ces formations sont dans l'opposition et veulent mettre à nu les faiblesses du gouvernement». Du côté du pouvoir et en l'absence du chef du gouvernement, Habib Essid, en déplacement au Forum économique de Davos, en Suisse, c'est le ministre des Finances, Slim Chaker, qui a présidé un Conseil restreint de ministres consacré à la région de Kasserine. «Il s'agit surtout de décider de la mise en application immédiate des projets prévus pour la région de Kasserine», a déclaré Khaled Chouket, porte-parole du gouvernement. «De toutes les façons, les budgets des projets, prévus en 2016, seront attribués avant la fin du mois de janvier», a-t-il ajouté, tout en reconnaissant que «les requêtes d'emploi et de développement sont légitimes». «Le gouvernement fait de son mieux», a-t-il assuré. Cinq ans après la chute de Ben Ali, la transition socioéconomique en est encore au point mort.