Emeutes - La police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser des manifestants à Kasserine agitée par des heurts depuis le décès d'un jeune chômeur. Des centaines de personnes se sont rassemblées hier, mercredi, en matinée devant le siège du gouvernorat pour réclamer «des solutions au chômage» avant de se diriger vers le centre-ville, où des petits groupes ont bloqué des routes avec des pneus en feu. Des heurts sporadiques ont ensuite opposé policiers et manifestants toute la journée. Comme la veille, les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires qui leur lançaient des pierres. La police a aussi fait usage de canons à eau et tiré en l'air. Les accrochages ont continué malgré le couvre-feu de 18h 00 à 05h 00 décrété dans cette ville d'environ 80 000 habitants. Huit policiers ont été également blessés à Kasserine et 11 à Thala, une ville proche. La veille, 20 manifestants et trois policiers avaient été légèrement blessés à Kasserine. Le porte-parole du gouvernement a annoncé hier, mercredi, une série de mesures pour la région de Kasserine, dont l'embauche de 5 000 chômeurs et l'allocation de 135 millions de dinars (60 M EUR) à la construction de 1 000 logements sociaux. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur a, de son côté, justifié le couvre-feu par la nécessité de «protéger les vies», d'éviter toute «escalade» mais aussi d'empêcher «les éléments terroristes d'essayer d'exploiter cette situation». Kasserine se trouve en effet au pied du mont Chaâmbi, le principal maquis djihadiste de Tunisie. L'armée a annoncé pour sa part qu'elle procédait à des «opérations sur les monts à proximité de Kasserine et de Sidi Bouzid, avec des tirs d'artillerie et d'aviation». «On fait tout notre possible pour empêcher que les djihadistes ne descendent dans les villes», a déclaré le ministère de la Défense. Ces incidents font suite au décès samedi dernier d'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait parmi d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la Fonction publique. Cinq ans après la révolution contre la dictature de Zine el Abidine Ben Ali, née de l'immolation du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, l'exclusion sociale et les disparités régionales persistent. «Nous avons averti que la situation sociale allait exploser. Les gens ont attendu, mais le gouvernement n'a pas de vision, pas de programme pour les régions intérieures», a dit un responsable d'une ONG. Le président Béji Caïd Essebsi a reconnu hier, mercredi, que «le gouvernement actuel avait hérité d'une situation très difficile» avec «700 000 chômeurs et parmi eux 250 000 jeunes qui ont des diplômes». «Mais on ne peut résoudre des situations comme ça par des déclarations ou un coup de pouce. Il faut laisser du temps au temps», a-t-il dit. Plusieurs rassemblements de soutien à Kasserine et pour réclamer développement et emplois se sont tenus hier, mercredi. A Thala et Meknassi au centre du pays, des manifestants ont bloqué des routes et brûlé des pneus, selon des témoins et une source de sécurité. A Regueb (centre), la sous-préfecture a été prise d'assaut, tandis que la façade du poste de la garde douanière à El Hidra, dans le gouvernorat de Kasserine, a été incendiée et un véhicule des forces de l'ordre brûlé. Près de 150 personnes ont en outre manifesté à Tunis et des rassemblements ont été organisés à Sousse (centre-est) et à El Fahs (au sud-ouest de Tunis).