Crises économiques, taux de chômage élevé, conflits armés, conditions de travail et services sociaux inadaptés, tels sont, entres autres, les causes qui contribuent à l'exode des élites africaines. Des élites captées par des pays développés dont la demande en matière grise est de plus en plus croissante et qui optent désormais pour des programmes d'immigration sélective. Même si le phénomène est devenu planétaire et touche même les économies industrialisées, il n'en demeure pas moins que la saignée que connaissent certains pays africains est effroyable. Mondialisation oblige, la mobilité internationale des cadres est désormais un fait que d'aucuns tentent de contenir ou de gérer de manière plus appropriée. L'Algérie, où la situation est loin d'être moins préoccupante, fait partie des pays qui constituent des « réservoirs » de compétences bon marché pour les pays développés. Dans les débats organisés, hier à Alger, par le Forum des chefs d'entreprise (FCE) sur le sujet, il est fait état qu'en 10 ans, plus de 40 000 chercheurs ont quitté le pays. Selon un rapport du CNES publié en juillet 2005, il a été indiqué que sur un total de 10 000 médecins étrangers immigrés en France, plus de 7000 sont Algériens, dont 2000 dans la seule région parisienne. Selon des estimations faites à cet effet, il en ressort un départ de quelque 71 500 diplômés algériens vers la France dans la période 1994-2006. Pour sa part, l'Institut national de la statistique et des études économiques français (INSEE) a recensé quelque 99 000 chefs d'entreprise d'origine algérienne en Europe, dont une majorité en France. Aux Etats-Unis, la communauté algérienne composée d'environ 18 000 personnes compte néanmoins 3000 chercheurs et scientifiques de « rès haut rang ». Le Canada est également devenu une terre d'accueil pour de nombreux cadres algériens. Ces quelques chiffres, loin d'être exhaustifs de l'exode massif des cadres et élites algériennes, renseignent, si besoin est, sur l'état délétère du pays, et la place qu'accorde nos gouvernants au savoir. L'Algérie qui a fait fuir ses compétences aura, aujourd'hui, à payer le prix fort pour faire appel à l'expertise étrangère, en ces moments de reconstruction tous azimuts. Il est estimé, à ce propos, que le recrutement de 100 000 étrangers qualifiés coûte à l'Afrique 4 milliards de dollars par an. Le CNES avait avancé une perte d'au moins 40 milliards de dollars uniquement pour la période comprise entre 1992 et 1996. Que faire pour stopper l'hémorragie ? Si les Algériens de la diaspora ont à maintes fois exprimé leur disponibilité à mettre leur savoir-faire au service de leur pays, il n'en demeure pas moins que les pouvoirs publics n'arrivent pas encore à mettre en place un environnement favorable au retour de ces derniers. Certains-même, en désespoir de cause de voir les expatriés revenir, doutent même de la capacité des pouvoirs publics à retenir ceux qui ne sont pas encore partis. Intervenant à ce propos, l'ancien ministre et ex-P-DG de Sonatrach, M. Abdelmadjid Attar, a révélé que la Sonatrach a perdu entre 30 et 40% de ses cadres au profit des entreprises étrangères, estimant que « la bourse de l'emploi a été une catastrophe ». Et de citer une circulaire du ministère de l'Energie interdisant aux employés de Sonatrach de travailler pour des entreprises étrangères activant sur le sol algérien. Ce qui, estime-t-il, encourageait ces cadres à partir à l'étranger. M. Attar qui a indiqué qu'il touchait 120 000 DA en tant que P-DG, soit, dit-il, le Smig en Europe, a été catégorique : « Il n'y a pas de stratégie de gestion des ressources humaines dans le secteur pétrolier. » Pour sa part, le président du FCE, Omar Ramdane, a plaidé pour un programme visant à susciter le retour des compétences ou leur contribution judicieuse à partir de l'étranger, comme il a plaidé pour une revalorisation des statuts des chercheurs, scientifiques, cadres et autres professionnels qualifiés. Des expériences de pays asiatiques confrontés à ce phénomène ont été longuement abordées. Des pays comme l'Inde, la Corée ou la Chine ont eu à créer des conditions de retour pour leurs expatriés, mais ont su aussi mobilier ceux qui n'ont pas voulu renter en les associant à distance aux projets de développement du pays.