Surpris mais pas étonné : l'annonce du départ de Miloud Chorfi de la tête de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV) et sa nomination en tant que sénateur du tiers présidentiel s'inscrivent en droite ligne de la pratique séculaire de recyclage du personnel politique du sérail par le pouvoir. Les exemples de ministres, d'ambassadeurs, de walis et autres commis de l'Etat qui ont laissé de mauvais souvenirs dans leurs postes respectifs sans être négativement sanctionnés sont légion. L'échec et l'incompétence sont devenus paradoxalement des paramètres valorisants dans les carrières professionnelles des protégés du pouvoir, un profil ardemment recherché. On a vu comment des ministres, qui n'ont pas particulièrement brillé quand ils étaient en poste, ont survécu à plusieurs remaniements ministériels en se voyant confier d'autres départements, où ils continuent à gérer par la gabegie, le mensonge et les vaines promesses. C'est qu'un ministre protégé n'a de compte à rendre à personne d'autre qu'à l'autorité qui l'a coopté à ce poste. Ni au Parlement ni à la justice, même quand sa responsabilité dans des délits de gestion est dûment établie. Cette prime à l'échec, cette gestion pour le moins atypique des carrières et des promotions du personnel du pouvoir récompensant l'incurie, l'immobilisme et la contre-performance, fait école. La nomination de Miloud Chorfi au poste de sénateur dans le tiers présidentiel — laissant son poste de président de l'ARAV dans l'état de coquille vide où il l'avait trouvé en rejoignant cette institution — s'inscrit dans la même logique du nivellement par le bas dans l'accès aux hautes fonctions de l'Etat. L'ARAV, censée encadrer le paysage audiovisuel livré à une pollution cathodique délibérée, encouragée par le laxisme des pouvoirs publics, est toujours en friche. Rien de verdoyant n'a poussé sous le règne de Miloud Chorfi. Il sera alors difficile pour Bouteflika et ses conseillers, qui lui ont suggéré ce changement de chaises musicales — qui renvoie à une définition bien étrange de la notion de l'alternance dans le glossaire politique du pouvoir —, d'établir que c'est dans l'interêt supérieur de la nation et rien d'autre que Miloud Chorfi a été exfiltré de l'ARAV vers le Sénat. Une récompense pour bons et loyaux services de tous ces serviteurs du pouvoir, en poste ou à la retraite, dont certains sont rattrapés aujourd'hui par des scandales de détournement de l'argent public qui commencent à filtrer dans la presse. Le pouvoir leur a aménagés des parachutes dorés. Une sorte de système de défense immunitaire pour les préserver contre toute tentation visant à leur demander des comptes. C'est d'une certaine manière la vocation du tiers présidentiel du Sénat, où l'on retrouve toute une brochette d'anciens ministres recalés dans leurs secteurs respectifs siégeant aux côtés d'autres «personnalités» choisies pour leur allégeance au système. Depuis l'arrivée de Bouteflika aux affaires, la présidence de la République, autre centre de recyclage du personnel politique du système, a également accueilli de nombreux rescapés des derniers remaniements ministériels qui ont étoffé l'armurerie des conseillers du Président. «L'homme qu'il faut à la place qu'il faut», disait-on sous l'ère Chadli ! On sait l'usage qui avait été fait de cette devise...