Cet événement survient à l'issue d'une année marquée par une recrudescence des actes antimusulmans en France, certains visant des lieux de culte, même si leur augmentation a été bien moindre après les attentats du 13 novembre qu'à la suite des attaques de janvier. La situation à la frontière entre la Libye et la Tunisie inquiète plus d'un observateur au vu des manœuvres opérées par l'armée tunisienne, de l'opération blanche effectuée par les organisations humanitaires, ainsi que par les informations sur les manœuvres aériennes annoncées entre les armées algérienne et tunisienne. Le ministre tunisien de la Défense, Ferhat Horchani, a certes réitéré, avant-hier, ses préférences pour une solution politique en Libye. Ses déclarations ont été faites lors de manœuvres militaires opérées près de la frontière et marquant la fin de la construction d'un mur de sable de 220 km entre la Tunisie et la Libye. Toutefois, le ministre a, pour une fois, parlé des conditions posées par la Tunisie pour opérer une intervention en Libye. «Il faut l'accord d'un gouvernement national libyen, la coordination avec les pays voisins pour qu'ils se préparent à affronter la vague des réfugiés et évitent la crise survenue après les frappes de 2011», a souligné le ministre tunisien. Si la Tunisie, l'Algérie, l'Egypte et l'Italie se soucient fortement du danger terroriste en provenance de Libye pour une raison de proximité, cela n'empêche pas que l'inquiétude est partagée à l'échelle internationale, à commencer par les Etats-Unis. Mais la lecture de la situation est plus complexe chez les Américains. Ainsi, l'ex-conseiller à la Maison-Blanche, Ben Fishman, tout en croyant, lui aussi, à ce risque terroriste du côté libyen, conditionne une intervention internationale par l'installation d'un gouvernement libyen suffisamment fort et représentatif ainsi qu'une éventuelle décision du Conseil de sécurité. «Cela risque de prendre plusieurs semaines, voire des mois», a conclu cet expert. La même analyse est partagée par le ministre américain de la Défense, Ashton Carter, qui éloigne l'idée d'une intervention militaire généralisée. Toutefois, Carter parle de la possibilité que «d'autres pays aident à stabiliser le gouvernement attendu à Tripoli». Elle n'écarte pas la possibilité de frappes ciblées comme celle qui a permis récemment d'abattre l'un des leaders de Daech à Derna. D'autres frappes ciblent régulièrement les bases de Daech à Syrte et Derna. L'environnement international n'attend donc que les signaux locaux, notamment la formation d'un gouvernement de large coalition, pour s'impliquer davantage en Libye. Percée politique Sur le plan interne, Fayez Serraj poursuit ses tractations pour la formation d'un gouvernement. Il a fui Tunis pour Skhirat afin d'éviter les pressions conjointes des Tunisiens, Turcs et Qataris en faveur de l'attribution des principaux portefeuilles aux Frères musulmans libyens. Le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, et les ambassadeurs turcs en Tunisie et en Libye n'ont pas laissé Serraj et son équipe en paix. De Sekhirat, le vice-président du Conseil du gouvernement libyen, Ahmed Myitigue, a déclaré avant-hier soir que «la délivrance approche». Tous les indicateurs convergent vers l'entente à Sekhirat sur un gouvernement de 12 à 16 ministres. En Libye, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, a insisté vendredi auprès du président du Parlement de Tobrouk, Salah Aguila, sur la validation de l'équipe qui va être probablement présentée au Parlement aujourd'hui par Fayez Serraj. La rencontre entre les deux hommes a duré plus de cinq heures. Les observateurs soulignent que l'un des principaux obstacles à l'accord entre les belligérants en Libye a été surmonté lors de la rencontre entre Serraj et Haftar à El Marj, avec l'acceptation par Haftar de laisser le commandement général de l'armée à l'un de ses disciples, originaire de l'Ouest libyen, le général Aïssaoui. Les points de vue se rapprochent ainsi entre les différents intervenants de la crise libyenne. Le puzzle libyen n'a pas encore livré ses derniers secrets. Mais de forts signaux indiquent que Fayez Serraj va trouver la bonne recette de coalition. Cela signifie-t-il qu'une intervention étrangère armée serait imminente ?