Les échos de Skhirat rapportent un consensus du Conseil de la présidence du gouvernement libyen autour du portefeuille de la Défense, principal obstacle à la formation de la nouvelle équipe de Fayez El Sarraj. Il est fort probable que la composition du nouveau gouvernement sera annoncée demain. Si Fayez El Sarraj et son équipe ont demandé au Parlement une prolongation d'une semaine pour former le gouvernement intérimaire libyen, c'est essentiellement à cause des portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur. Des informations venant de Skhirat évoquent une entente autour de Mohamed Barghethi, ancien ministre de la Défense du gouvernement de Ali Zeydan. Cet ancien de l'armée de l'air d'El Gueddafi a démissionné en mai 2013 de son poste ministériel. Il a été alors suppléé par Abdallah Al Thani, actuel chef du gouvernement basé à l'Est. Il a fallu des pressions étrangères sur les islamistes pour valider ce choix. Leurs trois représentants au sein du Conseil de la présidence s'y opposaient. Ahmed Myitigue de Misrata, Ali Mohamed Ammari de la Jamaâ Moukatila (Belhaj) et Ali Abdessalem Rokjeman, le représentant des Frères musulmans, ont longtemps résisté à une telle nomination. Ils auraient cédé en obtenant la ferme promesse de nommer quelqu'un de leur entourage à la tête du ministère de l'Intérieur. La problématique du ministère de la Défense est très compliquée, vu la présence du général Haftar dans ce compartiment. L'accord passé entre El Sarraj et Haftar stipule de nommer des personnes acceptées par Haftar dans la hiérarchie militaire. «Il faut impérativement que ces personnes fassent partie de l'armée», n'a cessé de réclamer Hafter, qui aurait accepté de céder sa place à la tête de l'armée à l'un de ses disciples pendant la guerre du Tchad, Mohamed Romdhane Aissaoui, un militaire né dans l'Ouest libyen. Haftar ne voit également pas d'inconvénient à mettre Barghethi à la tête du ministère de la Défense. Avec la probable annonce du prochain gouvernement libyen, les problèmes de ce pays ne vont sûrement pas finir. Il y aurait surtout quelqu'un à bord pour conduire la lutte contre le terrorisme. Impatience des étrangers Les Occidentaux multiplient les pressions sur les Libyens à Skhirat, à Tunis ou à l'intérieur même de la Libye. Ils veulent contrer Daech, mais également couper la route à une éventuelle intervention russe, similaire à celle en cours en Syrie. Les préparatifs d'une intervention en Libye sont déjà très avancés. Ainsi, Américains, Italiens et sûrement d'autres nationalités sont déjà sur le terrain. La revue américaine Newsweek l'a confirmé, dans son édition du 5 février. Elle a reproduit des propos de responsables du Pentagone et des services secrets. Concernant les préparatifs américains pour faire face au danger Daech, la revue a souligné que des forces spéciales américaines, basées en Sicile, font des vols quotidiens vers la Libye pour rassembler des informations permettant de délimiter des cibles potentielles d'attaques aériennes ou d'opérations terrestres pointées. Newsweek a également rapporté que des responsables des services secrets américains pensent que Daech veut faire de la Libye une plaque tournante de ses opérations en Afrique du Nord, dans les pays du Sahel africain, voire en Europe. Toujours selon ces responsables, Daech est en train d'exploiter le morcellement de l'autorité civile et militaire en Libye pour nouer des liens avec d'autres groupes terroristes et réaliser ses ambitions expansionnistes. L'envoyé spécial de l'ONU est régulièrement revenu sur ce danger pour pousser les divers groupes libyens à l'entente. Ces craintes sont partagées par la France, dont le Premier ministre, Manuel Valls, a affirmé dans une intervention sur Radio Midi 1 vouloir «combattre et écraser Daech». Valls a dit que l'Europe est prête à une option militaire. La Grande-Bretagne a exprimé la même disposition pour aller en guerre contre Daech en Libye. La ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, n'a cessé de rappeler : «Nous ne pouvons pas attendre l'avènement de la saison du printemps avec une situation libyenne qui stagne.» Toutefois, la ministre fédérale allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a émis quelques réserves. «Il est à craindre que la guerre ne provoque un élargissement de l'influence de l'organisation terroriste Daech dans le pays», a-t-elle dit, sans pour autant exclure l'éventualité d'une intervention militaire occidentale dans le pays. La ministre allemande a insisté à ce propos sur «l'importance de soutenir et d'aider le gouvernement d'unité nationale en Libye». La situation libyenne demeure très complexe. Au moment où Tunisiens, Algériens et Egyptiens ne cessent d'émettre des réserves sur une intervention militaire étrangère qui pourrait avoir des conséquences sur leurs pays, Européens et Américains ne voient apparemment pas d'autre alternative qu'une action militaire. Les Libyens, quant à eux, veulent certes en finir avec Daech et le terrorisme, mais restent timides quant à l'appel à une intervention militaire étrangère.