Pourquoi le général à la retraite Hocine Benhadid n'a pas été, après cinq mois de détention provisoire, entendu sur le fond par le juge d'instruction ? Pourquoi lui refuse-t-on de s'exprimer sur son incrimination ? De quoi a-t-on peur ? Benhadid est-il puni parce qu'il a cité, dans un entretien accordé à une radio, des noms de proches du cercle du pourvoir ? Autant de questions que se pose la défense de Benhadid, un collectif composé des maîtres Khaled Bourayou et Bachir Mechri, renforcé par l'adhésion de maître Mustapha Bouchachi. Catégoriques, ces avocats, qui ont animé hier une conférence de presse à Alger, confirment que l'affaire Hocine Benhadid est «hautement et éminemment politique». Sinon comment expliquer qu'après son arrestation dans des conditions «floues» et sa mise en détention provisoire, en octobre 2015, le général à la retraite n'a toujours pas eu droit à une information judiciaire objective ? De plus, on a rejeté sa demande de transfert dans une structure hospitalière pour des soins. Ayant donc épuisé toutes les voies de recours, le général Benhadid a décidé d'agir ; il a entamé, mardi dernier, une grève illimitée de la faim et des soins. Le but est d'alerter et aussi d'interpeller l'opinion publique sur son cas et sur sa situation qui est intenable. Selon Me Bourayou, le général Benhadid se sent humilié, méprisé et agressé ; il est persuadé que la prise en charge de son dossier n'obéit nullement à des procédures régulières. «Depuis le 1er octobre 2015, rien n'a été fait pour une affaire que l'on considère comme importante. Nous avons l'impression qu'elle a été banalisée. Pourtant, Benhadid est poursuivi pour ‘participation à une entreprise de démoralisation de l'armée'. Le général, qui est également moudjahid et a donné 40 années de sa vie pour que l'Algérie reste debout, a malheureusement droit à un traitement des plus humiliants», dénonce Me Bourayou. Les avocats espéraient qu'après l'adoption par le Parlement de la nouvelle Constitution qui limite dans le temps la détention provisoire, elle sera traduite sur le terrain, mais ce ne fut pas le cas. Le contenu de la nouvelle Constitution est une grande tromperie ; preuve en est que le général Benhadid n'a bénéficié ni d'un procès équitable ni d'un procès objectif. Me Bouchachi s'est dit «attristé et déçu» par la tournure qu'ont pris cette affaire et tant d'autres similaires. Saisine des instances internationales Me Bouchachi n'a aucun doute : il s'agit d'un procès politique. «Quel crime a commis le géréral», s'est interrogé Me Bouchachi, avant de répondre : «Benhadid a donné un entretien à une radio dans lequel il cite des noms. Il s'agit pour nous d'un délit d'opinion. Et cela entre dans le cadre de la liberté d'opinion et d'expression qui est consacrée dans la Constitution. Le général a donné un avis sur des individus et ce sont ces personnes qui sont derrière son incarcération.» Les avocats, qui ont rendu visite à leur client, sont inquiets pour son état de santé. «Le général Benhadid a plusieurs maladies. Sa santé est très fragile. Il risque de mourir parce qu'il a osé citer quelques noms. Dans cette situation, la responsabilité du ministre de la Justice est pleinement engagée», relève Me Mechri. Et Me Bourayou de menacer : «Si tous les moyens sont épuisés au niveau national, on s'adressera à l'opinion internationale. Aujourd'hui, nous interpellons l'opinion publique et les institutions concernées ; si nos appels ne trouvent aucun écho, nous allons saisir les instances internationales.» Me Bouchachi a expliqué que la grève de la faim est un acte pacifique et que leur client a eu recours à cette ultime action pour deux raisons. «Toutes les personnes réprimées de par le monde recourent à la grève de la faim pour dénoncer la répression. Le général Benhadid considère qu'il n'a pas commis de crime qui nécessite un tel châtiment», note l'avocat qui cite la deuxième raison liée au «refus de l'administration pénitentiaire de répondre à sa demande de transfert vers une structure hospitalière, alors que le général Benhadid a besoin de contrôles périodiques». L'avocat qui estime qu'il s'agit là d'une injustice pas seulement à l'égard de Benhadid, mais de toute l'Algérie : «C'est triste et désolant pour l'Algérie. Triste de voir que l'acte de procédure est devenu un privilège et non un droit pour le général.»