Les Etats et l'ONU doivent agir de toute urgence et cesser leurs attaques contre les droits humains et les systèmes destinés à les protéger. Les droits humains ne sont pas un accessoire. Ils sont indispensables pour la sécurité et la paix dans le monde. L'inaction de nombreux gouvernements est à l'origine des souffrances touchant des millions de personnes : les conflits prolifèrent et des groupes armés continuent de s'en prendre à des civils innocents, en violation avec le droit de guerre et humanitaire dont le commerce irresponsable des armes durant des décennies a rendu possible. La crise des personnes déplacées et des réfugiés n'a jamais été aussi importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au moins 30 pays ont forcé illégalement ces réfugiés à retourner dans leur pays où ils étaient en danger, en violation avec les normes internationales de protection des migrants. Autres chiffres qui illustrent cette triste réalité : dans 19 pays, des crimes de guerre et d'autres violations ont été commis. Dans 34 pays, des groupes armés ont pris pour cibles des civils, plus de 3700 réfugiés et migrants sont morts en Méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe. Enfin, les conflits en Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye sont à l'origine de plus de 5 millions de réfugiés et de demandeurs d'asile dans le monde. Les coups portés aux Nations unies sont rudes, créées pour «préserver les générations futures du fléau de la guerre» et «proclamer à nouveau (la) foi dans les droits fondamentaux de l'homme», et ont fortement fragilisé l'Organisation. Bloquée notamment par des membres actuels du Conseil de sécurité, l'ONU ne peut s'acquitter de son rôle déterminant pour le respect des droits fondamentaux et du droit international. Le conflit syrien est un terrible exemple des conséquences humaines catastrophiques de l'incapacité des Nations unies. Israël refuse de mener des enquêtes crédibles sur les crimes de guerre commis durant la guerre de 2014 à Ghaza, suite à un appel de l'ONU, ou l'Arabie Saoudite qui a bloqué une enquête menée par les Nations unies sur les crimes de guerre au Yémen. Les gouvernements ont ignoré et délibérément affaibli les institutions régionales et internationales destinées à protéger les plus défavorisés de la planète. Ce sont non seulement nos droits qui sont menacés, mais aussi les lois et le système qui les protègent. Plus de 70 années de travail acharné et de progrès humains sont en danger. Force est de constater que les gouvernements ont aggravé encore plus les problèmes de la planète, en cherchant à les résoudre au moyen de stratégies mal inspirées. Les attaques barbares perpétrées en 2015 contre des civils à Beyrouth, Bamako, Tunis, Istanbul et Paris, entre autres, ont donné lieu à une série de mesures sécuritaires représentant une sérieuse menace pour les droits humains. En France, les autorités ont assigné 360 personnes à résidence et fermé 20 mosquées et de nombreuses associations musulmanes. Rappelons que le président Obama n'a toujours pas tenu sa promesse de fermer Guantanamo — symbole de l'impunité et des graves conséquences de la «guerre mondiale contre le terrorisme». Les Etats-Unis n'ont pas, non plus, ouvert des enquêtes à l'encontre des responsables des actes de torture commis dans le cadre du programme de détention et d'interrogatoires mis en œuvre par la CIA après le 11 Septembre. Par ailleurs, plus des deux tiers des pays répriment les libertés fondamentales d'expression ou de la presse souvent au nom de la sécurité nationale. Arrestations et détentions arbitraires, tortures et autres mauvais traitements ont été enregistrés dans plus de 98 Etats et au moins 156 défenseurs des droits humains sont morts en détention ou ont été tués en 2015. Au lieu de reconnaître le rôle essentiel que joue la société civile engagée pour la défense des droits humains et la liberté de parole, de nombreux gouvernements ont entrepris délibérément d'étouffer toute voix critique dans leur pays. En avril 2015 , Amnesty International ainsi que d'autres ONG (Privacy lnternational et Liberty) ont intenté une action auprès de la Cour européenne des droits de l'homme contre le gouvernement du Royaume-Uni, au sujet de ses pratiques de surveillance de masse menées sans discrimination. Cinq ans après les soulèvements massifs au Moyen-Orient de 2011, la région se caractérise par les conflits et la répression. De nombreux gouvernements du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ont pris des mesures de lutte contre le terrorisme avec pour objectif déclaré de faire face aux menaces liées à leur sécurité, mais elles ont été également utilisées pour réprimer la société civile. Les critiques des gouvernants et des agents de l'Etat sont considérées comme portant atteinte à la sécurité, à la stabilité et à l'unité nationales et, par conséquent, sont assimilées au terrorisme et traitées en conséquence. Qu'ils aient été confrontés à des soulèvements dans leur pays, comme dans le cas de l'Egypte et de Bahreïn, ou qu'ils aient réussi pour le moment à éviter des bouleversements majeurs, comme en Arabie Saoudite ou aux Emirats arabes unis, les gouvernements du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ont fortement réprimé les libertés fondamentales et les militants des droits humains. Les Etats et l'ONU doivent mettre un terme aux discours qui sèment la division, porteurs de xénophobie et qui dénigrent les droits humains. Les Etats doivent soutenir politiquement et financer pleinement les systèmes existants de défense du droit international — en particulier le droit humanitaire des réfugiés. Ces systèmes sont notamment le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, le Haut-Commissariat aux réfugiés, la Cour pénale internationale et les mécanismes régionaux de défense des droits humains. Les enjeux n'ont jamais été aussi forts...