Les années se suivent et se ressemblent en Algérie en matière de liberté d'expression, notamment le droit à l'organisation des manifestations pacifiques sur la voie publique, et plus spécialement dans la capitale. Pourtant, la levée de l'état d'urgence est effective depuis le 24 février 2011. «On ne pouvait trouver une meilleure illustration à ce constat que celle vécue avant-hier», a affirmé la directrice de la section algérienne d'Amnesty International, Hassina Ousadik, en évoquant la manifestation de l'opposition contre le gaz de schiste qui a été réprimée par les forces de l'ordre à Alger. Hier à l'hôtel Sofitel, lors de la présentation de son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde durant l'année 2014, la directrice d'Amnesty International Algérie a affirmé que la question préoccupante actuellement en Algérie est la restriction «des libertés d'expression, de réunion et de manifestation». Elle affirme que tant qu'on n'aura pas ces libertés, les associations, les journalistes, la société civile, ne pourront pas travailler tranquillement. La conférencière reproche à l'Etat d'avoir plus de réserves sur des questions sensibles des droits de l'homme que sur d'autres. «L'Etat est plus souple pour des questions relatives aux droits des enfants, de la femme ou de l'environnement, mais très prudent pour d'autres problèmes plus sensibles», a-t-elle affirmé. Pour Hassina Ousadik, il faut s'unir pour faire reculer «ces lignes» en faisant pression sur le gouvernement pour avancer sur certaines réformes. La conférencière a affirmé que lors de l'élection de l'Algérie au Conseil des Nations unies des droits de l'homme, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, avait pris un certain nombre d'engagements tant au niveau national qu'international pour une réforme des droits humains en Algérie. Mais, pour Amnesty International «les avancées ne sont pas à la hauteur des espérances». La conférencière affirme que bien que l'Algérie joue un rôle majeur dans la crise malienne pour un retour à la paix, et bien qu'elle ait enregistré des avancées dans les droits des femmes, notamment avec l'octroi d'indemnisations aux victimes de viols commis par des terroristes durant les années 90, beaucoup de question doivent être reformées. Elle affirme qu'une pétition comprenant 200.000 signatures a été remise au ministère de la Justice pour adopter une approche intégré et globale de la question des discriminations et des violences sexuelles à l'encontre des femmes. Mme Ousadik est revenue pour dénoncer la répression des manifestations contre le quatrième mandat du président Bouteflika. Elle a estimé que c'est une atteinte grave aux droits humains, privant ainsi les Algériens d'un débat contradictoire si nécessaire dans une élection présidentielle. Elle a dénoncé en outre des répressions de manifestations en Kabylie et à Ghardaïa. Sur la question des disparitions forcées, la conférencière affirme que cette année le Comité des droits de l'homme de l'ONU a statué sur cinq cas de disparition forcée et a demandé aux autorités l'ouverture d'enquêtes sur ces cas, mais ces appels sont restés sans réponses. Elle a également évoqué la question des migrants qui sont victimes en Algérie comme en Europe et ailleurs d'atteintes fondamentales. «Ils subissent des discriminations et des expulsions arbitraires en dehors de toute procédure régulière», a-t-elle indiqué. Amnesty International Algérie a pour l'occasion dénoncé l'attitude du ministère de l'Intérieur qui refuse de lui délivrer un agrément. Pourtant, précise la directrice d'AI, la mise en conformité du dossier de son organisation, ainsi que d'autres associations ont été déposés au département de Tayeb Belaiz il y a de cela une année. Un plaidoyer pour abroger le droit de veto au Conseil de Sécurité Au plan International, l'année 2014 s'est révélée «catastrophique» selon Amnesty International. Les chiffres sont révélateurs à plus d'un titre. Des crimes de guerre et d'autres violations des «lois des guerres» ont été commis dans 18 pays. Les membres d'AI ont évoqué le conflit syrien où 4.000.000 de personnes ont fui les régions du conflit dont 95% se sont réfugiées dans les pays voisins. Des groupes armés ont commis des atrocités dans au moins 35 pays. Et plus de 3400 personnes se seraient noyées en Méditerranée alors qu'elles tentaient de rejoindre l'Europe. Amnesty International affirme que ce sont les civils qui sont en train de payer le prix des guerres, notamment en Syrie, en Irak, en Ukraine et à Ghaza. L'organisation a sévèrement remis en cause l'efficacité de l'ONU qui aujourd'hui n'arrive même pas à assumer ses missions. Les membres d'Amnesty International appellent les Etats, notamment ceux qui ont du poids, à exercer un forcing sur les membres du Conseil de Sécurité pour renoncer à leur droit de veto.