Abdelkrim Yelles Chaouch, directeur du Centre de recherche en astronomie astrophysique et géophysique (CRAAG) livre une lecture scientifique des récents séismes ayant eu lieu récemment dans le centre du pays. Axant son travail sur une meilleure compréhension de la façon dont les plaques se déplacent, Abdelkrim Yelles Chaouch, directeur du Centre de recherche en astronomie astrophysique et géophysique (CRAAG) nous a donné, en marge de la 1re conférence des géosciences arabes, une lecture des récentes secousses ressenties dans la région de Hammam Melouane (près de Blida) et jusqu'à Alger et ses environs. S'il est admis que de nombreux séismes se sont manifestés à Hammam Melouane, ainsi que dans la région centre du pays, aussi bien dans l'histoire que durant la période récente avec un certain nombre d'événements, il apparaît, à en croire Yelles Chaouch, que les dernières secousses ont permis de libérer l'énergie accumulée, évitant ainsi une catastrophe majeure dans cette zone. Les trois récents séismes forts perceptibles qui ont eu lieu récemment dans la région sont, d'après les travaux menés par le Craag, tous interconnectés. «Il y a à Hammam Melouane, explique-t-il, un réseau de petites failles qui ont joué les unes après les autres. Sur un périmètre très réduit, il y a trois segments de failles de petite dimension, c'est ce qu'on appelle un segment de faille inverse qui a été repris par une autre faille de transfert». Les différents tremblements de terre ayant eu lieu récemment seraient en réalité un seul et même événement qui s'est produit en trois temps dans une toute petite zone. Ces séismes modérés d'une magnitude variant de 4 à 5 (sur l'échelle de Richter) ont occasionné, à leur tour, une série de petites répliques plus ou moins perceptibles par la population. Les trois événements, dit Yelles Chaouch, sont interconnectés les uns avec les autres dans la même zone. On peut parler de trois événements qui ont permis, chacun son tour, de dégager l'énergie emmagasinée. Un séisme de plus grande ampleur dans cette même zone est-il envisageable ? «Ce que l'on sait, souligne Yelles Chaouch, c'est que sous cette forme une grosse partie de l'énergie a été libérée dans cette zone. Trois séismes d'une magnitude de 4 à 5, c'est très important, cela veut dire qu'il y a eu durant une longue période une accumulation d'énergie dans cette zone et qui a été restituée sous forme de trois petites secousses.» Pour sûr, il est préférable d'avoir trois tremblements d'une magnitude modérée qu'un grand séisme dont les dégâts pourraient être colossaux. Un phénomène similaire a été observé dans la région de Beni Ilmane (wilaya de M'sila) il y a quelques années avec trois événements modérés. Béjaïa, dans sa partie marine, a aussi été concernée récemment par des séismes ayant les mêmes caractéristiques. «Les travaux que nous avons menés ont montré que plusieurs événements modérés se sont produits dans une même zone. L'énergie a été libérée sur trois segments de faille, ce qui est important. Cette libération ne s'est pas faite par un événement unique. Cette segmentation des failles est, pour nous, un enjeu important pour voir comment la rupture sismique se fait. C'est une caractéristique qu'on observe maintenant dans les séismes algériens, cela est plutôt réconfortant.» Le nord du pays reste néanmoins vulnérable face aux séismes. Le Craag a répertorié trois grandes zones sismiques en Algérie du nord : le Tell et la partie marine, cette dernière qui est la plus exposée, les Hauts-Plateaux, un peu moins exposés car à l'arrière de la zone tellienne et, en dernier lieu, l'Atlas saharien. C'est ce qu'on appelle un «macro-zonage». A l'intérieur de ces zones, il y a des sous-zones avec des paramètres de sismicité qui leur sont propres. La sismicité va en décroissant du nord vers le sud, de la partie marine vers la partie saharienne. Fait nouveau : une activité sismique a été observée dans le Hoggar. Il s'agit, certes, d'un petit séisme (4,7 sur l'échelle de Richter), qui a eu lieu en 2014 à l'est de la ville. Nous nous attelons à comprendre l'origine de cette sismicité. C'est une géologie différente du reste de la zone. C'est un fait avéré : c'est une zone à faible sismicité, mais elle existe. Cela fait partie des découvertes qui concernent l'activité sismique en Algérie. Il faut en tenir compte et faire en sorte de mener des travaux de recherche pour mieux comprendre son origine et son impact. Les séismes offshore représentent aussi pour les chercheurs du Craag un champ d'investigation et de grandes missions de recherche dans cette zone, et on a pu comprendre qu'effectivement c'est une région sismique de la même importance que la partie terrestre. Et c'est notamment là que s'est produit le séisme de Boumerdès. On va de la sismicité de grande échelle vers des micro-échelles dans chaque zone où se produisent ces secousses ; par quels mécanismes, quelles sont les structures, quelles sont les failles, comment ces failles vont pouvoir donner lieu à des événements - que nous espérons par de petits segments - comprendre le pourquoi de l'activité que l'on a tout au long de l'année.